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La mise en évidence d'un rôle délétère de la sénescence dans le développement de pathologies a fait naître la volonté de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques anti-sénescence (restriction calorique, mTOR inhibition by rapamycine) (Longo et al., 2015). Cependant, même si ces approches se révèlent efficaces dans une certaine mesure, aucune de ces thérapies n’est spécifiquement destinée à l’élimination des cellules sénescentes. Dans cette optique, et très récemment, le concept de drogues sénolytiques émergea avec les travaux du groupe de Kirkland. Ils émettent l’hypothèse selon laquelle l’inhibition du système de résistance à l’apoptose des cellules sénescentes favoriserait leur élimination spécifique. Afin d’identifier les voies moléculaires impliquées dans la survie, les auteurs utilisent une approche d’analyse transcriptomique haut débit sur une population de pré- adipocytes sénescents. Les auteurs ont identifié des mécanismes de résistance à l'apoptose et de survie associés aux voies de signalisation impliquant Ephrin et la PI3K. Par la suite, l’utilisation d’une association de composés, que sont le Dasatinib (D, inhibiteur d'Ephrin) et la Quercétin (Q, inhibiteur des PI3K) a permis d’éliminer spécifiquement les cellules sénescentes (Zhu et al., 2015). Par ailleurs, l’utilisation des composés D+Q in vivo sur des souris âgées permet notamment d’améliorer la fonction cardiaque, d’augmenter la durée de vie et de réduire les signes de fragilités associés au vieillissement. Très récemment, une étude a aussi démontré l’efficacité des molécules D+Q dans le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (Schafer et al., 2017). Ces travaux précurseurs ont permis de stimuler la recherche dans l’identification et l’utilisation de nouvelles drogues permettant d’induire spécifiquement la mort des cellules sénescentes. Ces dernières années ont ainsi été ponctuées par l’émergence de nouveaux composés sénolytiques. Le Navitoclax, qui est un inhibiteur

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de la voie BCL-2 (anti-apoptotique), permet par exemple d’induire préférentiellement la mort des cellules endothéliales sénescentes (Zhu et al., 2016). Encore plus récemment, le Panobinostat, qui est un inhibiteur des histones désacétylases (HDAC), permet une élimination préférentielle des cellules pulmonaires sénescentes (Samaraweera et al., 2017). Ainsi, même si, à l'heure actuelle, les effets secondaires de ces stratégies thérapeutiques innovantes ne sont pas clairement identifiés, elles restent très encourageantes et fortement associées à une volonté de dynamiser ce secteur de recherche qui est aujourd’hui en pleine expansion (Childs et al., 2017; Kirkland et al., 2017). Cependant, en dépit de résultats très prometteurs, il est important de noter que l’efficacité des drogues sénolytiques est variable en fonction du type cellulaire sénescent. L’association Dasatinib + Quercétine semble inefficace sur les cellules endothéliales, alors que le Navitoclax quant à lui est sans effet sur les pré-adipocytes. Cette variabilité suggère qu’il n’est pas possible d’universaliser la complexité du phénotype sénescent à toutes les cellules de l’organisme. Dans l’optique de mieux comprendre la fonction biologique des cellules sénescentes, il apparait donc important de considérer que chaque type cellulaire étudié possède une signature moléculaire qui lui est propre.

De plus, de façon très intéressante, dans les deux contextes d’élimination globale des cellules sénescentes, que ce soit par stratégie gène suicide ou par traitement sénolytique, l’altération de la fonction cardiaque, normalement observée au cours du vieillissement, est atténuée. Cependant, même si ces travaux suggèrent la présence d’un processus de sénescence dans le compartiment cardiaque, ils ne permettent pas de statuer quant à l’implication du processus de sénescence spécifiquement au sein des cardiomyocytes. Ainsi, il apparait important de caractériser les mécanismes de sénescence associés à la sénescence des cardiomyocytes afin d’identifier son rôle dans la survenue de pathologies cardiaques liées à l’âge.

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IV-La sénescence des cardiomyocytes ?

1- Les cardiomyocytes du cœur âgé

Le cœur est constitué de deux composantes cellulaires, le parenchyme, composé des cardiomyocytes et des cellules cardionectrices, et le stroma cardiaque constitué par les cellules non- cardiomyocytaires telles que les fibroblastes, les cellules immunitaires résidentes, les cellules endothéliales et progénitrices. Les cardiomyocytes, qui sont des cellules de taille conséquente (environ 100 μm de long) représentent environ 75% de la masse cardiaque. Cependant, compte tenu de leur taille, on ne retrouve qu’environ 45 % de ces cellules dans le cœur. Les 65 % restant constituent la composante stromale du cœur (Nag, 1980). Les différents types cellulaires qui composent le cœur possèdent un rôle bien distinct dans la physiologie cardiaque. Les cardiomyocytes sont les cellules contractiles qui assurent la contraction et la relaxation du cœur afin de permettre l’éjection du sang. Les cellules stromales, quant à elles, participent à l’homéostasie tissulaire par le maintien de la structure tissulaire via la production de matrice extracellulaire, par l’apport des nutriments et l’oxygénation tissulaire et jouerait un rôle important vis-à-vis des agressions tissulaires grâces aux cellules immunitaires résidentes et aux cellules progénitrices qui permettent l’auto- renouvellement des cellules du stroma cardiaque (fibroblastes, cellules endothéliales) (Choi et al., 2010). Par ailleurs, le cœur est un organe qui ne possède pas de capacités de régénération et de réparation suffisantes en cas d’atteintes tissulaires. Historiquement, les cardiomyocytes ont longtemps été décrits comme des cellules post-mitotiques de par leur incapacité, à l’âge adulte, à se diviser. Cependant une étude menée en 2009 a démontré une faible capacité d’auto-renouvellement des cardiomyocytes via une analyse de l’intégration du carbone 14 au sein de ces cellules (Bergmann et al., 2009). Ce renouvellement reste toutefois très faible puisqu’il est de l’ordre de 1% par an à l’âge de 25 ans et de 0.45% après 75 ans. Ainsi, au cours de la vie il est estimé que seulement 50% des cellules cardiaques seront renouvelées. Encore plus récemment, le suivi du devenir des cardiomyocytes dans le temps par une technique d’imagerie par spectrométrie de masse a permis de démontrer des résultats similaires chez la souris (Senyo et al., 2013). Ces études ont révélé la capacité intrinsèque des cardiomyocytes à se diviser, cependant ce mécanisme n’est que très faiblement actif et ne permet pas une régénération cardiaque suffisante dans le cœur adulte. Par ailleurs, la théorie selon laquelle les cellules progénitrices sont une source de cardiomyocytes après

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différenciation (Beltrami et al., 2003) reste aujourd’hui remise en question (Senyo et al., 2013; Sultana et al., 2015). Le cœur est donc un organe post-mitotique fragile qui sera donc directement impacté par le vieillissement de l’organisme.

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