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III. Synthèse d’un squelette oligoamide aromatique autour du complexe

1. Stratégies de synthèse

L’architecture en forme de cône choisie pour contenir le complexe hexacarbonyle étant basée sur le fragment Q3PN2-, le premier oligoamide aromatique à intégrer le complexe est l’oligomère 2. L’hexamère amine 17 est engagé dans une réaction de couplage avec le monomère acide 14 à l’aide de l’agent de couplage PyBOP et de base dans CHCl3. La purification par chromatographie sur gel de silice s’avérant compatible avec la présence du complexe hexacarbonyle, elle remplace la purification par GPC utilisée initialement et facilite ainsi l’accès à l’oligomère 2. Le rendement de la réaction est de 59 % pour une échelle allant jusqu’à 100 mg de produit (Schéma 7).

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Schéma 7. Synthèse de l’oligomère 2 : a) PyBOP, DIEA, CHCl3.

Le squelette oligoamide aromatique du composé 2 constitue les prémices d’un cône pouvant contenir le complexe hexacarbonyle. L’étape suivante du projet consiste alors en l’allongement de la séquence de l’oligomère 2 par des unités diazaanthracènes qui codent pour un diamètre d’hélice large pouvant ainsi entourer le complexe. Le choix s’est d’abord porté sur un dimère de diazaanthracènes qui forme un demi-tour d’hélice dont les positions 9 sont occupées par un atome d’hydrogène, permettant d’obtenir l’oligomère 3 (Schéma 8).

Schéma 8. Détails de la séquence de l’oligomère 3.

La synthèse du dimère de diazaanthracène nécessite celle préalable du monomère 19. Néanmoins, ce dernier ne peut pas être obtenu à partir du 1,3-diaminobenzène, à cause de la cyclisation du produit de double addition de l'éthynedicarboxylate de diméthyle au niveau de la position 2 du cycle aromatique (Schéma 9-A). La synthèse développée par le Dr. Michael Singleton passe alors par le 9-chlorodiazaanthracène dont le cycle aromatique central est réduit avec du Pd/C sous atmosphère de dihydrogène et en présence de K2CO3 pour un rendement de 79 %. Puis l’intermédiaire dihydro- est ré-oxydé en présence de poudre de carbone sous atmosphère de dioxygène pour donner le diazaanthracène dont la position 9 est occupée par un atome d’hydrogène, avec un rendement de 83 %. Ce composé est ensuite mono-saponifié avec

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un rendement de 90 %. La fonction amine est enfin installée par un réarrangement de Curtius de l’azoture d’acyle dérivé du monoacide précédent, en présence de tert-butanol. Le monomère

19 est alors obtenu avec un rendement de 62 % (Schéma 9-B).59

Schéma 9. (A) Approche infructueuse à partir du 1,3-diaminobenzène donnant le mauvais produit de cyclisation. (B) Synthèse du monomère 18 à partir du 9-chlorodiazaanthracène : a) Pd/C, H2, K2CO3, DMF ; b) C/O2, toluène, 100°C ; c) KOH, MeOH ; d) i. dppa, DIEA, toluène ; ii. tert-butanol, 100°C. La synthèse du dimère de diazaanthracène 22 commence par le déprotection en parallèle de la fonction amine et de la fonction acide carboxylique du composé 18.59 Le carbamate de tert-butyle est clivé en milieu acide à l’aide de TFA. Après neutralisation du milieu réactionnel, le composé amine 19 est obtenu avec un rendement de 90 %. L’ester de méthyle est saponifié à l’aide d’hydroxyde de lithium et le composé acide 20 est obtenu avec un rendement de 98 %. Ceux-ci sont alors engagés dans une réaction de couplage en présence de PyBOP. La purification consiste en une précipitation dans le méthanol et le dimère 21 est obtenu avec un rendement de 87 %. Enfin, le carbamate de tert-butyle qui protège la fonction amine du dimère est clivé en milieu acide à l’aide de TFA et le dimère amine 22 est obtenu avec un rendement de 92 %. Les différentes étapes ont été optimisées sur des échelles de produits de l’ordre du gramme (Schéma 10).

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Schéma 10. Synthèse du dimère de diazaanthracène 22 : a) TFA, CH2Cl2 ; b) LiOH.H2O, THF/H2O ; c) PyBOP, DIEA, CHCl3 ; d) TFA, CH2Cl2.

Néanmoins, la présence du complexe s’avère incompatible avec les conditions réactionnelles usuelles de déprotection des esters de méthyle. L’allongement de la séquence permettant d’obtenir l’oligomère 3 ne peut donc pas être réalisé à partir de l’oligomère 2.

Initialement, seul le monomère 9 et ses deux fonctions acides carboxyliques libres pouvait permettre un allongement de la séquence de part et d’autre du complexe. Le Dr. Michael Singleton a alors mis au point une réaction à trois composants permettant d’accéder à l’oligomère 3. Cette réaction consiste à faire réagir un équivalent du monomère diacide 9, de l’hexamère amine 17 et du dimère amine 22 en présence de l’agent de couplage PyBOP. Trois produits sont obtenus dont les oligomères 6 et 7 qui possèdent des séquences symétriques dues au double couplage du monomère diacide 9 respectivement avec l’hexamère 17 et le dimère 22. Le troisième produit, l’oligomère 3, est issu du double couplage dissymétrique (Schéma 11). Ces trois produits sont séparés par GPC avec un rendement faible pour chacun des produits et encore plus faible en considérant l’oligomère 3 comme le seul composé voulu.

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Schéma 11. Synthèse des oligomères 3, 6 et 7 grâce à une réaction à trois composants.

L’intérêt de cette réaction à trois composants est de former des séquences de structures diverses en une seule étape et d’être adaptable à d’autres réactifs que ceux décrits précédemment. Mais, à terme, cette stratégie de synthèse est peu soutenable. En effet, dès lors que seule la séquence dissymétrique est recherchée, les séquences symétriques deviennent des sous-produits gênant si on considère les efforts de synthèse consentis pour préparer les réactifs.

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Une nouvelle stratégie de synthèse séquentielle a alors été développée grâce au monomère 16 dont l’une des fonctions acides carboxylique est protégée sous forme d’ester de 2-triméthylsilyléthyle. De manière analogue à l’oligomère 2, le monomère 16 est couplé à l’hexamère 17 à l’aide de PyBOP. L’oligomère 23 est purifié par chromatographie sur gel de silice avec un rendement de 70 % et sur une échelle pouvant atteindre plusieurs centaines de milligrammes. L’ester de 2-triméthylsilyléthyle est ensuite clivé à l’aide de TFA donnant l’oligomère 24 avec un rendement de 94 %. La fonction acide carboxylique libre de cet oligomère est alors couplée avec le dimère amine 22 à l’aide de PyBOP. L’oligomère 3 est purifié par chromatographie sur gel de silice avec un rendement de 74 % (Schéma 12).

Schéma 12. Synthèse de l’oligomère 3 par une approche séquentielle : a) PyBOP, DIEA, CHCl3 ; b) TFA, CH2Cl2.

Au-delà du rendement global de 48 % à l’issue de ces trois étapes, l’accès à l’oligomère 3 et plus généralement à tout squelette oligoamide aromatique dissymétrique intégrant le complexe hexacarbonyle, est facilité grâce à l’oligomère 24 et plus généralement au monomère 16.

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Les différents oligomères 2, 3, 6 et 7 ont ensuite été caractérisés en solution mais l’étude des oligomères 6 et 7 sera décrite dans un prochain chapitre. La spectroscopie IR ne montre pas de modifications significatives des propriétés électroniques du complexe pour les oligomères 2 et

3 par rapport à celles du monomère 1. De même, les spectres RMN 13C dans CDCl3 présentent une seule résonance correspondant aux six ligands carbonyles, respectivement à 207.8 et 207.7 ppm pour les oligomères 2 et 3 soit un léger décalage de 0.5 et 0.6 ppm par rapport au monomère

1. L’analyse par spectrométrie de masse confirme la formation des oligomères 2 et 3.

Les spectres RMN 1H dans CDCl3 des oligomères 2et 3 montrent des signaux fins indiquant que le repliement du squelette oligoamide aromatique est bien défini. Une autre preuve d’un repliement bien défini est l’apparition d’une anisochronie des protons benzyliques Ha et Ha’ liés au complexe. Ceux-ci, sous forme d’un singulet à 5.32 ppm pour le monomère 1, apparaissent sous forme de deux doublets avec une constante de couplage de 13.7 Hz et séparés de 0.6 ppm pour l’oligomère 2 contre 12.7 Hz et 0.68 ppm pour l’oligomère 3 (Figure 21-B-C). Le repliement chiral du squelette oligoamide aromatique sous forme d’hélice droite P ou d’hélice gauche M induit la diastéréotopie de certains protons qui peuvent apparaître anisochrones. En l’absence d’inducteur chiral, le mélange est racémique avec une inversion d’hélicité dynamique. Néanmoins, dans le cas des oligomères 2 et 3, cette inversion d’hélicité est lente à l’échelle de temps de la RMN permettant ainsi d’observer l’anisochronie des protons benzyliques Ha-a’. L’augmentation de l’écartement des deux doublets pourrait s’expliquer par un renforcement de l’environnement chiral dans l’oligomère 3, du fait de l’allongement de la séquence. En revanche, les signaux correspondant aux protons Hb des complexes ne sont pas discernables de ceux des méthylènes des chaînes latérales isobutoxyles.

Figure 21. Extrait des spectres RMN 1H dans CDCl3 du monomère 1 (A), des oligomères 2 (B) et 3 (C). L’anisochronie des protons Hb du complexe est indiquée par des pointillés.

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