• Aucun résultat trouvé

IV. Intégration de motif de repliement en feuillet β

1. Mimes de feuillet β dans la littérature

Le repliement de type feuillet β est la deuxième grande catégorie de structures secondaires observées dans les protéines, après les hélices α et avec les coudes et les boucles. Son étude suscite un vif intérêt du fait de son implication dans de nombreuses pathologies majeures telles que le SIDA, le cancer, la maladie d’Alzheimer, les maladies du prion ou les pathologies liées à l’amyloïde.

Un feuillet β est composé de coudes β et de brins β, ces derniers étant formés d’oligopeptides alignés latéralement et liés par plusieurs liaisons hydrogènes entre les groupements amides des différentes chaînes principales. Les feuillets β protéiques sont rarement observés de manière isolée mais plutôt au sein de structures tertiaires ou quaternaires par interaction hydrophobe avec des hélices α ou d’autres feuillets β.

Les brins β linéaires et plissés s’assemblent selon des directions identiques ou opposées, générant ainsi des feuillets respectivement parallèles ou antiparallèles (Figure 17-A). Parmi les structures tertiaires impliquant les feuillets β, on trouve des architectures diverses comme les sandwichs β, les tonneaux β, les turbines β, les hélices β ou encore les prismes β (Figure17-B-C-D).28

Figure 17. Structure des feuillets β. (A) Arrangement des brins β en feuillets antiparallèle et parallèle. (B) Structure cristallographique d’un tonneau β (PDB 1BRP). (C) Structure cristallographique d’une turbine β (PDB 3VZG). (D) Structure cristallographique d’une hélice β (PDB 2PEC).

133

Un aspect de l’étude des feuillets β consiste en la préparation et la caractérisation de mimes artificiels de feuillets β. Dans le domaine des foldamères, la structure secondaire la plus décrite demeure l’hélice et peu d’exemples présentent un repliement en feuillet. C’est que le développement des feuillets β artificiels est limité par leur propension à s’agréger et à précipiter. La plupart des feuillets β artificiels sont donc conçus pour limiter leur agrégation et former des espèces bien définies souvent monomérique ou dimérique ce qui assure ainsi leur solubilité. Un repliement principalement basé sur un réseau de liaisons hydrogènes d’acides aminés est généralement privilégié. Il s’agit alors de mimer un coude  qui va pré-organiser les feuillets  en permettant un changement de direction favorable à l’empilement des brins peptidiques et à leur interaction par liaison hydrogène (Figure 18).29–31

Figure 18. (A) Principe de formation d’un feuillet β antiparallèle à l’aide d’un mime de coude β (B) Exemple de mimes de brins β intégrés dans un peptide.

Des mimes de brins β avec une structure rigidifiée ont également été proposés. La synergie des deux approches est illustrée par le travail de James Nowick et son équipe qui ont développé des peptides macrocycliques composés à la fois de mimes de coude β dérivés de l’ornithine et de mimes de brin β intégrant un acide aminé non naturel aromatique rigidifiant.32,33 Ceux-ci forment des dimères par interaction intermoléculaire parallèle ou antiparallèle des brins peptidiques naturels, dits brins de reconnaissance. La présence du motif rigidifiant sur l’autre brin du macrocycle permet de bloquer tout phénomène de reconnaissance et d’agrégation au niveau de l’autre face (Figure 19).

134

Figure 19. Structure d’un dimère antiparallèle de peptides macrocycliques.

Au contraire, l’approche adoptée dans notre laboratoire a été de stabiliser le repliement en feuillet grâce à un empilement aromatique intramoléculaire, certains exemples ayant montré l’intérêt des oligoamides aromatiques dans ce sens.34,35

Cette approche développée lors de la thèse du Dr. Laure Sebaoun consiste à assembler de manière séquentielle des coudes et des brins artificiels pour obtenir des structures à plusieurs coudes mimant le repliement des feuillets  par empilement aromatique (Figure 20).36,37

Figure 20. Représentation schématique de l’assemblage des oligoamides et des oligoamines aromatiques et de leur repliement en feuillet β. Les coudes sont en rouge et les segments aromatiques en bleu.

Le mime de coude β est composé d’un motif 1,5-diamino-2,4-dinitrobenzène où deux liaisons hydrogènes intramoléculaires entre les groupements nitro et amines favorisent l’orientation parallèle des unités xylyles adjacentes (Figure 21-A). Le déplacement chimique du proton Hint, pris dans les cônes de blindage des deux unités xylyles, permet d’évaluer la stabilité du repliement de ce mime de coude . Plusieurs générations de mimes de brins , tous de type oligoamide aromatique, ont ensuite été développées d’abord sous forme de macrocycles puis

135

intégrés à des mimes de feuillets . La première génération est basée sur le motif de l’acide 2,5-diisobutoxytéréphtalique et donne des brins linéaires (Figure 21-B) quand une des dernières générations intègre le motif 9-méthyldiazaanthracène donnant des brins courbés (Figure 21-C). La différence de courbure est due à l’orientation des fonctions amides l’une par rapport à l’autre, celle-ci passant de 180° pour les dérivés téréphtaliques à 120° pour les dérivés diazaanthracènes. L’augmentation du nombre de noyaux aromatiques de cette dernière génération de mimes de brins β favorise l’empilement aromatique et stabilise la structure. Deux mimes de feuillets β, le nonamère 42 et le tridécamère 43, ont été décrits par le Dr. Laure Sebaoun. Leur repliement en feuillet β est bien observé en solution comme l’indiquent les interactions interbrins deux à deux, notamment entre les groupements 9-méthyles des unités diazaanthracènes (Figure 22-A-B). Néanmoins, seule la structure cristallographique du tridécamère 43 a pu être obtenue. Celle-ci confirme le repliement en feuillet β à brins courbés et la formation d’une cavité ouverte (Figure 22-C).

Figure 21. Structure du mime de coude  de type oligoamine aromatique (A) et mimes de feuillets  de type oligoamine et oligoamide aromatique à base d’acide 2,5-diisobutoxytéréphtalique (B) et de 9-méthyldiazaanthracène (C).

136

Figure 22. Représentation des structures mimes de feuillet β courbés du nonamère 42 (A) et du tridécamère 43 (B) avec les interactions interbrins observables par ROESY 1H-1H en rouge. (C) Structure cristallographique en représentation tubulaire du tridécamère 43 avec des vues de haut et de face. Les chaînes latérales isobutoxyles ont été omises par soucis de clarté en.