• Aucun résultat trouvé

Cavités biomimétiques et complexes métalliques

I. Introduction et objectifs

2. Cavités biomimétiques et complexes métalliques

Figure 5. Inclusion d’un complexe modèle d’hydrogénase [Fe-Fe] dans un dimère de cyclodextrine β sous sa forme schématisée (A) et sa structure cristallographique (B), vue de côté en représentation tubulaire à gauche et avec les cyclodextrines β en représentation CPK à droite.

La partie suivante traite principalement d’un point de vue structural, des cavités biomimétiques pouvant former ou accueillir des complexes.

2. Cavités biomimétiques et complexes métalliques

La nature est une source d’inspiration constante pour l’ensemble des scientifiques et notamment pour les chimistes qui adoptent souvent une approche biomimétique dans des thématiques variées allant de la synthèse totale21, à la chimie des matériaux22 ou la catalyse23. C’est également le cas des métalloenzymes pour lesquelles la synthèse de complexes modèles, analogues à ceux présents dans leurs sites actifs permet l’étude de leur première sphère de coordination. Ce domaine de la chimie de coordination et de la chimie organométallique fournit de précieuses informations spectroscopiques pouvant permettre d’identifier des intermédiaires impliqués dans leurs cycles catalytiques. Néanmoins, le squelette protéique de l’enzyme protège le complexe de l’extérieur et l’organisation précise de ses résidus d’acides aminés au sein du site actif a une influence majeure sur l’activité catalytique. Enfin, celui-ci permet également l’acheminement des réactifs, leur orientation dans le site actif ainsi que la libération du produit.

Le mime d’un environnement protéique pourrait ainsi permettre l’amélioration des propriétés catalytiques de nombreux complexes. En parallèle des progrès faits en chimie supramoléculaire et en chimie de coordination, le développement de cavités biomimétiques accueillant des complexes a émergé à partir de structures macrocycliques comme les porphyrines, les cyclodextrines, les calixarènes ou encore les cyclotriveratrylènes.24,25

Les prémices d’une cavité autour d’un complexe modèle ont été décrits par le Pr. Collman, avec un mime du site actif de l’hémoglobine utilisant des porphyrines à piquets qui permettent la stabilisation d’une molécule de dioxygène coordinée à l’atome de fer, en prévenant sa

29

dimérisation (Figure 6-A-B). Utilisés initialement pour leur encombrement stérique, ces piquets peuvent également être fonctionnalisés comme ligands pour complexer un atome de cuivre comme mime du site actif des cytochromes c et ainsi catalyser la réduction du dioxygène.26 Un autre exemple fondateur de l’utilisation de cavités biomimétiques a été proposé par le Pr Breslow, où une cyclodextrine est fonctionnalisée par un ligand de type pyridine pouvant former un complexe de nickel avec un autre ligand oxime et catalyser l’hydrolyse de l’acétate de p-nitrophénol. L’accueil du substrat dans la cavité hydrophobe de la cyclodextrine permet alors d’améliorer légèrement la vitesse de la réaction (Figure 6-C-D). 27

Figure 6. (A) Ligand porphyrine à piquets et principe des mimes d’hémoglobine avec coordination d’une molécule de dioxygène au niveau de l’hème protégé. (B) Structure cristallographique correspondante avec la molécule de dioxygène liée au fer, en représentation tubulaire à gauche et en représentation CPK à droite montrant la cavité formée par les piquets. Les protons ont été omis par soucis de clarté. (C) Structure des cyclodextrines α, β et γ (n = 1-3) et représentation en forme de cône tronqué. (D) Principe d’enzyme artificielle pour l’hydrolyse de l’acétate de p-nitrophénol.

Les cavités biomimétiques accueillant un complexe peuvent être classées en deux catégories, selon que ce dernier y est lié de manière covalente ou simplement encapsulé.

La première approche consiste en une architecture moléculaire de base ayant le rôle de cavité, comme les cyclodextrines, les calix[n]arènes ou les hémicryptophanes, qui est ensuite fonctionnalisée par des ligands monodentates28, polydentates et macrocycliques29,30. Une fois le ligand supramoléculaire obtenu, le complexe est formé par mélange avec un sel métallique adéquat. La symétrie des cavités est généralement mise à profit permettant par exemple d’obtenir des ligands tripodaux. La cavité autour du complexe permet généralement d’obtenir un complexe mononucléaire bien défini et qui peut posséder un site de coordination labile

30

permettant la coordination d’une molécule invitée dans la cavité (Figure 7). Dans le cas des calix[n]arène, les deux extrémités de la cavité peuvent être fonctionnalisées à l’aide de ligands, permettant d’observer des changements de coordination de complexes induits par une molécule invitée.31 L’une des extrémités peut également être fonctionnalisée par des groupements polaires comme des amines ou des ammoniums permettant respectivement d’ajouter des sites d’interaction avec une molécule invité ou de rendre la capsule hydrosoluble.32,33

Figure 7. Exemple de cavités biomimétiques fonctionnalisées par des complexes. (A) Calix[6]arène formant un ligand tripodal. (B) Structure cristallographique du complexe de cuivre correspondant, en représentation tubulaire à gauche et en représentation CPK à droite montrant la cavité autour du complexe. (C) Calix[4]arène fonctionnalisé par deux complexes macrocycliques du cuivre avec un site de coordination labile occupé par une molécule de solvant S. (D) Cavité biomimétique de type hémicryptophane basé sur un ligand TREN et complexant le cuivre.

L’intérêt des cavités biomimétiques ne se limitant pas à l’étude de complexes modèles d’enzymes, elles ont également été utilisées pour des réactions de catalyse abiotique comme des réactions d’hydroboration ou d’hydroformylation grâce à la fonctionnalisation de cyclodextrines respectivement avec des ligands carbènes complexant un atome d’or ou avec un ligand phosphine liant un complexe au rhodium. Une sélectivité de substrat et une efficacité catalytique intéressantes sont alors obtenues.34,35

La deuxième approche pour former une cavité biomimétique autour d’un complexe organométallique n’implique pas de les lier de manière covalente. L’une des stratégies possibles consiste en l’auto-assemblage de la cavité autour d’un ligand du complexe, par effet template. Une illustration de cette stratégie est la formation d’une cavité par l’agencement précis de porphyrines de zinc grâce à la coordination des substituants pyridines du ligand phosphine d’un

31

complexe de rhodium (Figure 8-A).36 Le contrôle précis de l’architecture de la cavité autour du complexe permet alors de catalyser de manière régiosélective la réaction d’hydroformylation de certains alcènes.37

Une autre stratégie féconde consiste en l’encapsulation du complexe organométallique dans une cavité préalablement formée par auto-assemblage. Un exemple de ces capsules se compose de quatre atomes de métal (Ga2+, Fe3+ ou Al3+) formant un tétraèdre et reliés entre eux par six ligands bidentates de type catéchol (Figure 8-B).38 L’auto-assemblage est contrôlé pour former uniquement des capsules de géométrie tétraédrique, hydrosolubles du fait de leurs charges globales négatives mais dont la cavité est hydrophobe. Les deux dernières propriétés permettent à ces capsules d’accueillir de nombreux complexes organométalliques cationiques, accompagnés de leurs substrats. Leur activité catalytique y est conservée et une sélectivité sur la taille des substrats est observée.39,40 Un autre exemple de capsules obtenues par auto-assemblage est celui d’un hexamère de résorcin[4]arènes liés par liaisons hydrogènes. Le large volume de la cavité peut contenir un complexe d’or et catalyser l’hydratation des alcynes de manière régiosélective (Figure 8-C).41,42

Figure 8. Exemple de capsules formées par auto-assemblage. (A) Effet template du ligand phosphine et cavité formée par coordination de porphyrines de zinc. (B) Capsule tétraédrique à base d’ions métalliques (M = Ga2+, Al3+, Fe3+) et de ligands bidentates de type catéchol. Exemple de complexes organométalliques encapsulés et catalysant des réactions d’hydroalkoxylation ou d’isomérisation allylique. (C) Structure cristallographique d’un hexamère de résorcin[4]arènes liés par liaisons hydrogènes, pouvant contenir un complexe d’or portant un ligand carbène.

Enfin, une dernière stratégie consiste à encapsuler des complexes au sein de protéines et ainsi former des métalloenzymes artificielles. L’intérêt est d’exploiter la seconde sphère de coordination formée par la protéine autour du complexe et notamment sa chiralité. Le complexe peut y être lié de manière covalente, généralement par l’intermédiaire d’une cystéine, par