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Géométrie des complexes à l’état solide

V. Etude comparative des complexes

1. Géométrie des complexes à l’état solide

Les différentes positions et conformations à l’état solide des complexes des oligomères 2, 3, 4 et 5 comparées à celles du monomère 1 montrent une influence de la séquence du squelette oligoamide aromatique sur leur liberté conformationnelle. L’étude comparative qui suit consiste en une description détaillée de la géométrie de ces complexes.

Comme pour les autres complexes modèles d’hydrogénase [Fe-Fe], le ligand pontant azadithiolate et les atomes de fer du complexe forment deux cycles à six centres accolés. Dans le cas de l’oligomère 2, les atomes Fe1-S1-C1-N-C2-S2 délimitent un cycle de conformation bateau quand les atomes Fe2-S2-C2-N-C1-S1 forment un cycle de conformation chaise. Cet arrangement conformationnel implique alors que le complexe est positionné à l’intérieur de la cavité formée par le squelette oligoamide aromatique, comme pour les oligomères 4 et 5 (Figure 32-C-E-F). Le monomère 1, de même conformation, est à considérer séparément, du fait de l’absence de cavité (Figure 32-A). Lorsque les conformations sont inversées, le complexe se trouve alors en dehors de la cavité, comme pour l’oligomère 3 (Figure 32-D). L’atome d’azote du ligand pontant azadithiolate, du fait de sa géométrie et de sa possible inversion, ajoute des degrés de liberté conformationnelle au complexe. Comme pour le dérivé N-méthyle du complexe Fe2(adt)(CO)6, deux conformations chaises distinctes peuvent être observées, selon que le substituant de l’atome d’azote est en position axiale ou équatoriale.9

Lorsque l’atome Fe1 appartient au cycle de conformation chaise, observée pour l’oligomère 3, l’atome Cb adopte uniquement une position équatoriale (Figure 32-D). Dans ces conditions, l’atome Cb ne peut pas occuper une position axiale qui induirait l’interpénétration du ligand carbonyle apical de l’atome Fe2 et des noyaux aromatiques placés au-dessus. Au contraire, lorsque l’atome Fe2 est impliqué dans le cycle de conformation chaise, l’atome Cb en position équatoriale est observé pour le monomère 1 (Figure 32-A) et en position partiellement axiale pour les séquences 2, 4 et 5 (Figure 32-B-E-F). Cette dernière conformation fait que le complexe se retrouve positionné plus profondément dans la cavité. Un effet anomérique, contrebalancé par la gêne stérique avec le ligand carbonyle apical de l’atome Fe1 est généralement invoqué pour expliquer la stabilité de cette conformation.9 Il en résulte une géométrie de l’amine très proche du type trigonal plan. Cette géométrie peut être décrite par la somme α des angles des liaisons autour de l’azote qui implique les atomes Cb, C1 et C2 (Figure 32-B). Cet angle passe de 342° pour le monomère 1 à 355.6° et 356.2° respectivement pour les oligomères 2 et 5 voire même 359.6° pour l’oligomère 4 (Figure 32-G). A titre de

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comparaison, les valeurs rapportées pour le dérivé N-méthyle du complexe Fe2(adt)(CO)6 sont de 352° pour la conformation axiale et 337° pour la conformation équatoriale.

Du fait de la liaison covalente existant entre l’atome d’azote du ligand pontant azadithiolate et le squelette oligoamide aromatique, les rotations autour de la liaison Cb-Ca ou axe Δ1 associé à l’angle 1 et autour de la liaison Cb-N ou axe Δ2 associé à l’angle 2 donnent l’orientation du complexe dans la cavité (Figure 32-A). Il est d’ailleurs possible de relier la conformation du complexe du monomère 1 à celle de l’oligomère 3 par une rotation d’environ 180° selon Δ2

(Figure 32-E). L’orientation du complexe est principalement imposée par l’encombrement stérique et de fortes déviations par rapport à la position de référence du monomère 1 peuvent être observées (Figure 32-D-E). C’est notamment le cas pour l’oligomère 4 dont le complexe adopte une orientation remarquable à l’intérieur de la cavité, à cause de l’encombrement stérique du groupement DMB. Au contraire, l’orientation du complexe de l’oligomère 5 est tout aussi remarquable avec des angles 1 et 2 faibles, montrant que le squelette oligoamide aromatique contraint le complexe à être pratiquement aligné le long de son axe de repliement. La valeur de la longueur de liaison Fe1-Fe2 varie de 2.52 Å pour le monomère 1, correspondant aux valeurs rapportées dans la littérature, jusqu’à 2.41 Å pour l’oligomère 5. La variation notable de cette distance est cohérente avec la modification des propriétés électroniques du complexe de l’oligomère 5 induite par le squelette oligoamide aromatique comme le montre la spectroscopie IR (Figure 33-A).

L’angle de torsion β, défini par Cap1-Fe1-Fe2-Cap2, est un autre paramètre important dans l’étude conformationnelle du complexe. En l’absence de tout encombrement stérique les deux fragments Fe(CO)3 du dérivé N-méthyle du complexe Fe2(adt)(CO)6 possèdent une conformation éclipsée correspondant à un angle de torsion nul.9 En revanche, l’introduction de substituants encombrants au niveau de l’atome central du ligand pontant dithiolate induit un angle de torsion non nul ( = 15.8° pour le diéthylpropanedithiolate).89,90 Cet angle de torsion peut être vu comme une pré-organisation du complexe pouvant faciliter la formation d’une géométrie alternée et d’un ligand carbonyle pontant, c’est-à-dire une géométrie analogue à celle observée dans l’enzyme, suite à l’oxydation du complexe. Les fragments Fe(CO)3 du monomère

1 dévient déjà de la conformation éclipsée avec un angle β de 16.8° s’expliquant probablement

par l’encombrement stérique de l’unité diazaanthracène. La valeur de cet angle s’avère variable selon le squelette oligoamide aromatique avec des valeurs remarquables pour l’oligomère 4,

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avec un angle élevé probablement dû à la gêne stérique du groupement DMB ou pour les oligomères 2 et 3 avec des angles faibles.

Figure 32. Structures cristallographiques montrant la conformation et l’orientation des complexes des séquences 1, 2, 3, 4 et 5. (A) Vue de côté du monomère 1 montrant l’axe de rotation Δ1 orienté de Cb

vers Ca et Δ2 de Cb vers N ; les angles de rotation sont mesurés dans le sens anti-horaire comme indiqué par les flèches. (B) Vue de face de l’oligomère 2 avec l’angle α, correspondant à la somme des angles de liaison de l’atome d’azote du ligand pontant et l’angle dièdre β défini par Cap1-Fe1-Fe2-Cap2 et mesuré de Cap1 vers Cap2. (C) Vue de côté de l’oligomère 5 montrant les conformations bateau et chaise impliquant respectivement Fe1 et Fe2. (D) Vue de côté de 2 montrant les conformations bateau et chaise impliquant respectivement Fe2 et Fe1. (E) Vue de face des différentes séquences. (F) Vue de côté des différentes séquences. (G) Valeurs des angles de rotation le long des axes Δ1 et Δ2, de la distance Fe1-Fe2, des angles α et β. L’ensemble des structures correspond à une hélicité M. La partie aromatique des monomères est colorée en orange. Les chaînes latérales isobutoxyles et les protons sont omis par soucis de clarté.

L’étude comparative de la géométrie du complexe des différentes séquences montre donc la diversité des conformations possibles mais également l’influence du squelette oligoamide aromatique. La conformation du complexe de l’oligomère 5 montre qu’une cavité entourant

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complètement le complexe permet un alignement avec l’axe de repliement de l’hélice et une modification de ses propriétés électroniques.