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Stratégies pour l’amélioration du travail social de 3 e ligne

Chapitre 6 : Résultats des analyses transversales

6.10 Travail social de 3 e ligne psychiatrique

6.10.2 Stratégies pour l’amélioration du travail social de 3 e ligne

À la question 3.3 du guide d’entrevue, nous avons demandé aux répondants leurs idées quant à la manière dont la pratique du travail social de 3e ligne pourrait

être améliorée. La perception des participants de notre étude quant à ce thème fut diversifiée. Certains abordent le rythme rapide des interventions ainsi que le manque de temps pour creuser davantage la situation de l’usager.

T’sé bien, c’est parce que, des clients moi, j’en ai qui sont réadmis [nombre] fois dans l’année la t’sé. Mais peut-être que si j’avais le temps de m’asseoir, pis de dire : « OK, celui-là, comment on l’entreprend ou... » en équipe-la. T’sé, ça fait que je pense qu’il faudrait que la complexification de la clientèle doive aller avec plus de temps, d’expertise là. […] Pis t’sé, qu’on ait moins de clients pour avoir du temps de plus pour réfléchir.

Aussi, certains répondants voient la nécessité d’être créatifs et originaux dans la manière d’intervenir avec la clientèle de 3e ligne psychiatrique et d’utiliser

des approches intégrées afin d’aider la personne en tenant compte du stade de son cheminement et sans la discriminer parce qu’elle vit avec plus d’une problématique à la fois.

Originalité comme étant très créatifs pis s’adapter. Mais il faut quand même que ça serait prouvé, t’sé, que ça soit démontré comme efficacité

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t’sé. Pis des fois, les approches intégrées, je pense que c’est de plus en plus encouragé. T’sé toxico TP va falloir qu’on le travaille de pair, parce que des fois ce n’est pas tout le temps un avant l’autre, pis des fois faut travailler les deux-là. Pis de comprendre que peut-être que s’il consomme, c’est parce qu’il ne gère pas ses émotions.

On remarque aussi que certains répondants croient que le fait d’impliquer davantage les membres de la famille dans l’intervention serait l’approche à privilégier pour améliorer le travail social de 3e ligne. « C’est sûr que c’est ça,

l’intervention familiale, je pense que c’est quelque chose qui…. On fait ce qu’on peut dans notre contexte, mais qui pourrait prendre plus de place. » « Le fait d’élargir, d’avoir la possibilité d’accueillir les familles. »

De plus, notons que la charge de travail paraît aussi comme un point important de changement qui amènerait plus de temps pour l’accompagnement des clients et la qualité des services rendus.

Bien, t’sé, encore là, la surcharge de travail là…. Je pense que si j’en avais moins, je ferais une meilleure job. C’est sûr là. Mon accompagnement, par rapport à différents aspects, il serait plus soutenu, pis plus poussé pis je pense que je le ferais plus de qualité… Des fois, j’ai l’impression juste […] d’éteindre des feux tout le temps. Fait que ça oui, mais ce n’est pas demain la veille ça là (rire)… C’est un vœu là… Voyons c’est utopique de croire que ça va arriver là fait que… C’est même la tendance inverse là.

Ajoutons aussi que certains répondants considèrent que le poids de la structure administrative, la « bureaucratie », prend beaucoup de place dans leur pratique. Ils suggèrent donc de limiter cet aspect à ce qui est réellement nécessaire. « Comment améliorer la pratique ? Bien, enlever un peu de bureaucratie pis... non nécessaire. Il y a de la bureaucratie nécessaire, mais je reviens à la même chose. La bureaucratie non nécessaire... Et laisser plus de place à l’intervention directe... avec les patients. »

Ah, le système est lourd. Le système marche en silos, ça c’est lourd. Moi je trouve qu’on devrait être tous là pour la même affaire […]. Plus on essaie de mettre des paliers, plus... Pis c’est ça, je trouve que c’est le système qui serait à améliorer, mais de quelle façon, je ne le sais pas. C’est clair que c’est, les notes c’est lourd... On nous en demande beaucoup pour peu, pour, pas pour peu, mais t’sé, on nous en demande beaucoup […] pour quelques interventions... Moi je pense qu’on pourrait être plus productifs et qu’on pourrait toute aller dans le même sens...

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[…] Je trouve que ça […] alourdit pis ça […] nous éloigne des fois du client. Fait que pis... La procédurite là.

La clarification et la valorisation du travail effectué par les travailleurs sociaux sont aussi des éléments rapportés par quelques répondants.

Bien c’est sûr que ça serait bien que le rôle soit encore plus défini, puis qu’il y ait beaucoup d’enseignement par rapport à notre rôle. De la reconnaissance, dans le sens du temps dégagé pour qu’on puisse justement […], bien exercer notre rôle. […] Je pense qu’il y a beaucoup d’éducation à faire au niveau des équipes transdisciplinaires à ce niveau-là. Au niveau de la pratique en général, ben si on veut que le travail soit fait... en profondeur, c’est sûr que c’est de baisser le nombre de clients par TS sur les unités ou le nombre de cohortes pour qu’on puisse... pas juste avoir l’impression de « patché des trous », mais t’sé de vraiment travailler les besoins en profondeur, je dirais […] que c’est ça, parce que des besoins, il y en a, on en voit, on les évalue. Mais des fois, on n’a pas le temps de toutes les travailler.

Aussi, tout ce qui a trait aux formations d’appoint dans le domaine spécialisé de la 3e ligne psychiatrique et le transfert de connaissances entre collègues, ce sont aussi des aspects importants notés par les répondants à notre étude quant à l’amélioration de la pratique du travail social de 3e ligne.

Bien, je parlais toute à l’heure, d’éviter de réinventer la roue. Ça, je pense qu’il faut qu’on… On peut encore, pis, je pense, qu’on peut développer vraiment, partager nos outils, partager nos connaissances, s’assurer […] qu’on ne travaille pas en parallèle sur beaucoup de choses. Ça, je pense que c’est important. […] Puis, justement, t’sé, nos collègues qui sont plus anciennes, on peut tellement apprendre d’elles que ne serait-ce que comme intégration en tant que nouvel intervenant, nouvelle travailleuse sociale. Puis […] tout ce qui est en lien avec les formations, auxquelles on a accès. Ça, je pense que c’est important de le conserver pour pouvoir… Bien, on dit toujours qu’on est dans une société en mouvance, donc c’est sûr que si on veut continuer de suivre, si on veut être capable de pouvoir cerner les problématiques sociales pis comment les gens […] vont s’y ajuster, faut qu’on reste très systémique. Donc ça, je pense que c’est important qu’on garde ça ouvert pis… Non seulement, au niveau de se les faire autoriser au niveau du budget, du temps et tout ça, mais encore de se donner le temps parce que c’est facile de rester dans notre quotidien. C’est sécurisant aussi de rester dans notre quotidien, mais vient un moment donné où on n’a pas le choix de s’ajuster pis qu’on vient vite démodé, je pense, dans notre dans notre travail. Donc c’est important de […] garder cet esprit-là, cette ouverture-là et cette flexibilité-là que plus on gagne d’expérience ben plus qu’on devient ouvert.

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Enfin, notons qu’un répondant nomme ce qui touche l’évolution de la situation des usagers ainsi que le rôle du travailleur social dans l’accompagnement vers d’autres types de services dans le but d’augmenter l’autonomie des usagers, valeur inhérente à la pratique du service social.

Fait que c’est comment donner des services, mais en ouvrant sur la communauté en même temps. Moi je trouve que c’est le défi de la troisième ligne. Que […] les gens qui sont suivis en troisième ligne demeurent pas suivis en troisième ligne, mais que leur état leur permette avec le temps d’avoir des suivis plus légers ou moins […] qui requiert pu nécessairement de suivis en troisième ligne là. Fait que c’est l’ajustement, pis que même si sont en troisième ligne de ne pas demeurer juste là, d’ouvrir dans communauté.

Plusieurs dimensions importantes ont été abordées dans ce chapitre. Pour commencer, nous avons exploré les discours de nos répondants quant aux rôles inhérents à leur pratique de travail social en 3e ligne. À cet égard, nous notons que

certains volets d’activités mis de l’avant correspondent en fait aux rôles répertoriés par Bilodeau (2005) à propos du travail social en général, tels que ceux de conseiller, de formateur-éducateur, d’intermédiaire-courtier, de médiateur- négociateur, et de défenseur-intercesseur-avocat. À l’intérieur de ces rôles généraux, plusieurs éléments descriptifs des particularités du travail social de 3e

ligne psychiatrique ont été mis en lumière : la mise en place d’un plan de sortie après l’hospitalisation, la concertation avec les partenaires, la liaison entre la famille et l’équipe (entre autres au sujet de la médication), ainsi qu’entre les différents partenaires et l’équipe pour l’orientation des services ou bien l’échange d’informations.

À travers ces descriptions, les répondants ont aussi abordé une dimension transversale qui semble cruciale pour eux, à savoir la clarté dans la définition des rôles du travailleur social dans les équipes de travail. Certains nommaient pratiquer dans un milieu qui reconnaissait leur rôle et leurs tâches, d’autres au contraire dénonçaient l’incompréhension de leur équipe quant à leur mandat de travailleur social.

En ce qui concerne le contexte de travail, les points saillants abordés par les répondants portent sur la grande charge de travail, le contexte rapide d’intervention et les courts délais pour les réaliser, ainsi que le niveau d’implication dans les différents dossiers dépendamment de la durée de séjour et du psychiatre

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associé. La pratique du travail social de 3e ligne comporte plusieurs défis cliniques,

cependant, l’accès à la formation est considéré comme étant un aspect qui aide les travailleurs sociaux dans la mise à niveau de leurs compétences pour régler les situations cliniques plus complexes, en raison de la nature de la clientèle qu’ils desservent. Enfin, la spécificité du travail social de 3e ligne psychiatrique ainsi que

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