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Chapitre 2 : Recension des écrits

2.5 Collaboration interprofessionnelle

Nous abordons maintenant les éléments significatifs soulevés dans certains articles scientifiques au sujet des pratiques mobilisant les relations entre les travailleurs sociaux et les autres professionnels. Ainsi, en comparant le travail interdisciplinaire au Royaume-Uni et au Canada, nous dégagerons quelques pistes quant aux types de pratiques identifiés comme devant être privilégiés dans ce contexte. De plus, nous présenterons aussi une étude ayant comparé les pratiques aux États-Unis, en Israël et au Canada pour la même dimension.

Au Royaume-Uni, Brown, Crawford et Darongkamas (2000) ont analysé le travail multidisciplinaire en santé mentale communautaire en mettant en évidence le fait que dans ce contexte, les différents rôles sont flous et les frontières sont perméables. Selon ces auteurs, une description claire des rôles permettrait une collaboration plus efficace et plus constante. La mise en place de frontières claires et précises aide donc chacun des professionnels à orienter ses interventions ou à diriger au bon intervenant lorsque la demande est à l’extérieur de son champ d’expertise. À cet égard, l’approche du travail d’équipe en santé mentale devrait être basée sur une reconnaissance de l’expertise de chacun, cela à travers un travail réalisé ensemble pour le bien du client. La difficulté vécue dans le secteur communautaire au sujet des rôles mal définis se retrouve vraisemblablement dans d’autres contextes et organisations. C’est le cas des centres hospitaliers spécialisés en soins psychiatriques, où la collaboration interdisciplinaire est au centre des pratiques.

Toujours au Royaume-Uni, Mitchell et Douglas (2002) se sont intéressés à l’évaluation réalisée en équipe multidisciplinaire dans le cadre des programmes de

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suivi intensif dans la communauté s’adressant aux personnes aux prises avec des troubles graves de santé mentale. À propos de cette étape cruciale du processus d’intervention, ces auteurs relèvent l’importance de l’implication des travailleurs sociaux dans l’identification des forces et difficultés majeures de la personne soignée. Ceci aurait d’ailleurs un effet sur le fonctionnement de celle-ci et représente donc un atout de plus pour l’équipe multidisciplinaire. La mise à contribution des travailleurs sociaux et le travail d’équipe soutiennent le développement du plan de soins. Le manque de valorisation des travailleurs sociaux dans le domaine de la santé est souligné dans la recherche de Nathan et Webber (2010). Pour ces auteurs, ce sentiment provient de l’incompréhension de leur rôle par les autres professionnels de leur équipe d’intervention.

L’interdisciplinarité dans le domaine du travail social aux États-Unis, en Israël et au Canada est aussi abordée dans la recherche de Bronstein, Kovacs, Mizrahi et Korosy-Korazim (2010). Ces auteurs expliquent que les compétences des travailleurs sociaux les amènent à avoir une place de choix dans la collaboration professionnelle. Leur recension des écrits identifie d’ailleurs les travailleurs sociaux comme des professionnels ayant un rôle central dans l’animation des rencontres de collaboration interprofessionnelle faisant partie intégrante du travail d’équipe. De plus, des lignes directrices quant à l’élaboration des mesures facilitant l’interdisciplinarité durant les études universitaires ont été recommandées par les universités offrant des programmes de service social aux États-Unis, en Israël et au Canada. En conclusion, cet ouvrage met en lumière la valeur associée à l’exposition des étudiants en service social à la collaboration interdisciplinaire, et ce, avant même d’être sur le marché du travail, puisque celle-ci sera sans doute une partie de leur pratique à un moment ou un autre de leur carrière.

Remarquons que l’enjeu de la reconnaissance du rôle des travailleurs sociaux est aussi étudié plus près de nous. En analysant les soins physiques primaires apportés aux patients psychiatrisés au Canada, Ungar, Goldman et Marcus (2013) ont précisé que la compréhension des différents rôles de chacun des professionnels et de la portée de leur expertise amène une facilité à travailler en équipe et apporte donc des opportunités cliniques intéressantes dans l’intervention. La collaboration entre les équipes médicale et psychiatrique se

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montrait aussi comme étant une des grandes forces identifiées dans leur étude, puisqu’elle assurait la continuité des soins et services au patient.

Dans sa définition de la profession, l’Association canadienne des travailleurs sociaux précise que ces professionnels font partie intégrante des équipes de traitement dans les hôpitaux psychiatriques. Sur ce plan, notons l’importance de la collaboration entre le psychiatre et le travailleur social en 3e ligne, constat exposé dans l’étude québécoise de Chouinard et Potvin (2013). Ces auteurs stipulent que la qualité des soins de santé mentale de 3e ligne doit absolument

passer par la collaboration entre les professionnels. Ils relatent également que les professionnels doivent avoir la volonté de travailler en collaboration et croire aux bénéfices du travail interprofessionnel. Sur ces bases, ils énoncent que les soins en collaboration peuvent se concrétiser si les acteurs connaissent et reconnaissent les compétences et le rôle de leurs collaborateurs. Enfin, ils ajoutent que l’ouverture, l’humilité, la confiance et le respect doivent faire partie intégrante de l’équipe de travail. Dans le contexte actuel, leurs recommandations sont : une bonne évaluation des besoins à l’arrivée de l’usager, des services suffisants pendant l’hospitalisation et des ressources adéquates à la sortie. Notons que ce processus est facilité par un échange interprofessionnel vigoureux et centré sur les besoins de la personne.

Le tableau 4 suivant présente les éléments centraux des études recensées portant sur la collaboration entre professionnels.

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Tableau 4. Collaboration interprofessionnelle des travailleurs sociaux en 3e ligne

On notera aussi que les orientations identifiées par le Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec dans son Plan d’action en santé mentale 2015- 2020 identifient clairement la collaboration interdisciplinaire comme un des éléments centraux dans la « réponse adéquate aux besoins des personnes utilisatrices de services et des membres de leur entourage de même que la mise en place et le maintien de services les soutenant dans le plein exercice de leur citoyenneté » (MSSS, 2015 a ; 2).

PAYS Collaboration interprofessionnelle

CANADA Ungar et al. (2013) Chouinard et Potvin (2013)

– Compréhension des différents rôles et portée de leur expertise : favorise le travail d’équipe et les opportunités cliniques ;

– Collaboration entre l’équipe médicale et psychiatrique : continuité des soins.

– Qualité des soins de santé mentale de 3e ligne passe par la collaboration entre les professionnels ;

– Volonté de travailler en collaboration et croire aux bénéfices du travail interprofessionnel ;

– Présence d’ouverture, d’humilité, de confiance et de respect dans l’équipe de travail.

ÉTATS-UNIS,

ISRAËL ET

CANADA

Bronstein et collaborateurs (2010)

– Travailleurs sociaux = des professionnels ayant un rôle central dans l’animation des rencontres de collaboration interprofessionnelle présente dans le travail d’équipe ;

– Les compétences des travailleurs sociaux les amènent à avoir une place de choix dans la collaboration professionnelle.

ROYAUME-

UNI

Brown et al. (2000) Mitchell et Douglas (2002)

Nathan et Webber (2010)

– Rôles flous et frontières perméables dans le travail

multidisciplinaire ; – Reconnaissance de l’expertise de chacun, un travail réalisé ensemble pour le bien du client.

– Identification des forces et difficultés majeures ayant un effet sur le fonctionnement de la personne = la plus-value des travailleurs sociaux.

– Incompréhension du rôle des travailleurs sociaux par les autres professionnels =

manque de valorisation ressentie chez les travailleurs sociaux.

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Soulignons enfin que l’OTSTCFQ aborde aussi directement les questions touchant la collaboration interprofessionnelle, notamment dans le code de déontologie des travailleurs sociaux (2015). En effet, ce dernier spécifie le devoir qu’ont ces intervenants en matière de collaboration interprofessionnelle (voir Section 1). On y décrit l’attitude égalitaire et respectueuse que le travailleur social doit adopter envers ses collègues de travail. De plus, on souligne l’importance de ne s’attribuer que le mérite d’un travail qui est sien. Enfin, on note la nécessité de fournir son opinion professionnelle et ses recommandations dans un délai raisonnable.

Rappelons aussi l’importance du développement de la compétence liée à la collaboration interprofessionnelle, tel que spécifié dans le cursus universitaire du baccalauréat en service social (Université Laval, 2017). Cette compétence est donc centrale dans le développement de l’identité professionnelle des travailleurs sociaux et l’objectif est d’outiller les étudiants pour qu’ils sachent comment interagir de manière constructive lorsqu’ils travaillent dans des équipes interdisciplinaires.

La prochaine section explorera les écrits sur les contextes de pratique des travailleurs sociaux et les besoins qui en découlent.