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Un deuxième modèle de référence illustre cette fois les différentes stratégies de mesure des habiletés motrices (Godbout, 1988b, 1997). Tout comme le modèle des objets de mesure (Godbout, 1988), il se décrit selon deux axes. Le premier axe décrit le contexte dans lequel se fait cette mesure. Il s’étend d’un contexte naturel (situation de jeu réel) jusqu’à son opposé, un contexte standardisé (conditions identiques pour tous les joueurs). L’axe perpendiculaire présente cette fois l’éventail des procédures de mesure utilisées. L’axe s’étend cette fois des procédures offrant des mesures quantitatives, basées sur une fréquence d’apparition d’actions, jusqu’aux procédures offrant des mesures qualitatives d’une performance donnée, celles-ci étant principalement obtenues à partir d’une appréciation (fig. 2). De la même manière que pour les objets de mesure, il est possible de catégoriser quatre types de stratégies de mesure des habiletés motrices :

• Mesure de type quantitatif en contexte standardisé : mesure de fréquence, de quantité ou de temps dans un contexte standardisé et pré-déterminé (exemple : mesure du nombre de pertes de balle par un joueur dans une situation standardisée)

• Mesure de type qualitatif en contexte standardisé : appréciation de la qualité d’une performance en contexte standardisé et pré-déterminé (exemple : grille d’observation sur la pertinence d’une passe au soccer dans une situation standardisée)

• Mesure de type qualitatif en contexte naturel : appréciation de la qualité d’une performance en situation réelle de jeu ou compétitive (exemple :

27 appréciation de la qualité des replacements défensifs lors d’une situation réelle de match au soccer)

• Mesure de type quantitatif en contexte naturel : fréquence, quantité ou temps en situation réelle de jeu ou compétitive (exemple : calcul du temps de possession d’un joueur en situation réelle de match)

Figure 2. Stratégies de mesure (tiré de Godbout, 1988b).

Des deux modèles de Godbout (1988a; 1988b) peuvent émerger certaines caractéristiques qui conviennent davantage à la mesure de la performance dans les sports collectifs. En effet, la littérature indique que les habiletés physiques ou psychomotrices sont davantage mesurées grâce à des procédures quantitatives et que, jusqu’à maintenant, les habiletés tactiques (ou sociomotrices) sont davantage mesurées à l’aide de procédures qualitatives (Barrow & McGee, 1979; Nadeau, 2001).

Toutefois, les qualités métrologiques liées à l’utilisation de l’une ou l’autre de ces stratégies sont bien souvent fort différentes. Ainsi, lorsqu’elle est utilisée, la forme qualitative de la mesure laisse beaucoup plus de place à la subjectivité puisque la mesure de la qualité d’une habileté motrice est réalisée à partir d’une appréciation. Alors que les

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qualités métrologiques liées à la validité de cette mesure s’avèrent habituellement élevée, particulièrement lorsque les critères d’appréciation sont clairement définis, celles illustrant le niveau de fidélité en sont souvent biaisées (Godbout, 1997). A l’opposé du continuum du modèle de Godbout (1988b), le caractère quantitatif d’une mesure se distingue par sa plus grande objectivité. Les mesures sont ainsi plus exemptes d’erreur (fidélité) et « exportables » (accessibilité), mais peuvent souffrir d’un certain manque de validité. De plus, lorsque la mesure est exécutée en contexte réel, elle s’avère habituellement plus valide mais, du fait de la rapidité et de la grande quantité d’informations simultanées dans le jeu, un peu moins fidèle qu’une mesure en contexte standardisé.

Plus spécifiquement au soccer, la « performance »est parfois mesurée à l’aide de tests standardisés. Ainsi, plusieurs clubs, programmes « sport-études » ou autres utilisent des tests afin de déterminer le niveau d’habiletés techniques ou même physiques de leurs athlètes. Par exemple, partant du principe que le soccer est une activité intermittente, Bangsbo (1994) a créé le Yo-Yo test afin d’obtenir une Vitesse Maximale Aérobie (VMA) continue et intermittente, visant à estimer la VO2 max et la capacité de récupération de

l’athlète. D’autres chercheurs, comme Cazorla (1990) avec le Vameval, ou encore le test de Léger-Boucher (1980), ont élaboré leurs propres tests qui déterminent les niveaux de condition physique des athlètes. Cependant, une des grandes faiblesses de ces tests standardisés est principalement qu’ils ne tiennent habituellement pas compte du rapport de force entre opposants (Gréhaigne et al., 1997; Richard, 1998).

Enfin, contrairement au contexte standardisé, le grand avantage d’effectuer les mesures en contexte réel est la plus grande validité des résultats obtenus (Godbout, 1997). En effet, pour des habiletés sociomotrices, il est difficile de reproduire, dans un contexte standardisé, des conditions similaires à la situation réelle, étant donné que les sources d’informations et les prises de décision seront différentes. Il sera donc difficile de mesurer des aspects tactiques dans un tel contexte (Godbout, 1997). Au soccer, les statistiques de jeu représentent la principale forme de mesure utilisée en contexte réel. En effet, ce type d’information peut servir à quantifier en détails le rôle d’un joueur dans la performance d’une équipe (Duch, Waitzman & Amaral, 2010). A partir de statistiques de jeu telles que le nombre de passes successives réussies, le nombre de tirs au but réussis ou encore le

29 nombre de ballons récupérés par le joueur, Duch et collaborateurs (2010) ont, par exemple, analysé la performance individuelle de plusieurs joueurs vedettes lors de l’Euro 2008 de soccer afin de voir la contribution de ces joueurs dans leur équipe respective. En mettant en parallèle cette performance individuelle avec la performance collective de l’équipe, ils ont trouvé des relations significatives entre d’une part, la performance du joueur vedette, et d’autre part, la performance de l’équipe (Duch et al., 2010). Toutefois, la plupart des études qui ont utilisé des mesures issues des statistiques de jeu représentent uniquement le résultat des actions effectuées (le produit des actions) (Godbout, 1988b). En effet, ces compilations de statistiques de jeu ne renseignent aucunement le joueur et l’entraineur sur la démarche qui a amené ce résultat et l’intention réelle du joueur (Godbout, 1988b). Or, pour être en mesure de modifier les activités d’apprentissage afin d’améliorer les performances, les entraineurs doivent nécessairement tenter de créer des situations d’apprentissage visant à modifier le processus des actions (Connell, 1989).

Aussi, même si ces observations peuvent être relativement objectives, les performances individuelles de chacun des joueurs dans une équipe sont très différentes selon leur rôle, leur position ou encore selon leurs propres niveaux d’habiletés. Elles constituent donc des données isolées et sont difficilement représentatives de la performance globale d’une équipe.

Toutefois, selon Gréhaigne (1996), la méthode la plus précise et la plus utilisée par les entraineurs pour juger de la performance reste tout de même le jugement d’experts. A partir d’observations, souvent réalisées à partir d’une situation de jeu réel ou modifié, ceux- ci se font une représentation personnelle de la performance des joueurs. Toutefois, ces appréciations restent bien souvent difficiles à expliquer. En effet, une grosse lacune de cette méthode de mesure réside dans le fait qu’elle représente une appréciation de la performance basée sur un jugement personnel, fondé sur des représentations de la performance qui peuvent être forts différentes d’un expert à l’autre. De cette façon, ces mesures procurent souvent des données imprécises et empreintes d’un biais, particulièrement lorsque les critères d’observation ne sont pas clairement définis (Mitchell et al., 1995). De plus, même si cette méthode « fonctionne bien pour différencier les bons et les faibles, elle reste un peu approximative pour le groupe des moyens » (Gréhaigne, 1996, p. 329). Ainsi, cette

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technique possède ses propres limites, tout comme le fait que plus le nombre de joueurs ou de rencontres augmente, plus les extrapolations sont sujettes à erreur, limitant ainsi la fidélité et l’objectivité des mesures effectuées (Gréhaigne et al., 1998).

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