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Les stratégies de coping et les mécanismes de défense mis à l’épreuve dans une population d’adolescents et de jeunes adultes

L’ajustement aux situations stressantes

Chapitre 2 Les mécanismes de défense

3. Les stratégies de coping et les mécanismes de défense mis à l’épreuve dans une population d’adolescents et de jeunes adultes

Les études que nous avons relevées portent toutes sur une population d’adolescents et de jeunes adultes, ce qui nous semble pertinent pour le sujet de notre recherche. L’ensemble des recherches portant sur le sujet soulignent que les mécanismes de défense, tout comme les stratégies de coping, peuvent aussi bien être fonctionnels que dysfonctionnels. Des correspondances ont été faites entre les mécanismes de défenses et les stratégies de coping. Toutefois, les liens trouvés restent modérés voire faibles. Aussi, Gouvernet, Mouchard, et Combaluzier (2015) ont montré dans un échantillon de jeunes adultes étudiant à l’Université, qu’il existe un lien significatif entre les défenses immatures et le coping centré sur les émotions. Par ailleurs, les auteurs ont mis en évidence que les styles défensifs névrotiques

et immatures, comme le coping centré sur les émotions et le coping évitant, sont positivement corrélés avec la détresse perçue. Aussi, un autre résultat montre que le style défensif mature et le coping centré sur le problème sont positivement corrélés avec le contrôle perçu de la situation. Dans ce sens il semblerait que les défenses matures favoriseraient une mobilisation des stratégies de coping centrées sur le problème, tandis que les stratégies de coping de type émotionnel viendraient renforcer des défenses plus archaïques. L'étude bien antérieure de Erickson, Feldman, et Steiner (1997), avait également souligné des résultats similaires.

Toujours au sein d’une population d’adolescents, la littérature montre dans l’ensemble que les défenses immatures sont positivement corrélées avec le coping évitant et négativement corrélées avec le coping actif. Ces stratégies sont davantage utilisées par les garçons que par les filles et cette différence s’avère significative. Ces résultats concernant les émotions en lien avec une certaine typologie de défense, évoquent le modèle intégratif de Plutchik (1995), qui postule que chaque mécanisme de défense et chaque modalité de stratégies de coping seraient des dérivés des émotions de base (peur, joie, tristesse, colère, dégout, surprise). Plutchik distingue ces deux processus mais retrouve des correspondances claires entre les mécanismes de défense et les stratégies de coping. Ainsi, chaque paire correspondante de mécanismes de défense et de stratégies de coping se serait développer ensemble afin de faire face à une émotion spécifique selon Plutchik (as cited in Kramer, 2010). Ce modèle n’est toutefois pas validé sur le plan empirique mais peut donner des pistes de réflexion et un éclairage sur les correspondances entre les mécanismes de défense et les stratégies de coping. De la même manière Haan (1969) développa un modèle tripartite du fonctionnement du Moi comprenant : un fonctionnement optimal défini par les stratégies adaptatives, un fonctionnement non-optimal défini pas les mécanismes de défense, ainsi qu’une défaillance du Moi. Pour Haan, il n’existe aucun chevauchement entre les mécanismes de défense et les stratégies de coping. D’autres études ont toutefois nuancé ce postulat. Grebot et al. (2006) ont fait l’hypothèse d’une continuité entre les mécanismes de défense et les stratégies de coping. Leur étude porte sur une population exclusivement d’étudiantes. Les résultats

sont donc à prendre avec précaution. Ceux-ci montrent qu’il existe une corrélation positive entre le coping adaptatif et les défenses matures ainsi qu’entre le coping inadapté et les défenses immatures. Au vu de ces résultats, il nous semble important d’insister sur l’aspect adaptatif ou non adaptif de chaque processus ; notamment en réintroduisant les notions de contexte, d’individu et d’environnement qui viennent orienter le choix inconscient ou conscient d’un mode d’ajustement. Enfin, Grebot et Paty (2010) ont testé la stabilité et la variabilité des dérivés conscients des mécanismes de défense à l’aide du questionnaire de Bond (Defense Style Questionnaire-40, 1986) dans deux situations différemment anxiogènes chez des étudiants en première année de psychologie. Les dérivés conscients des mécanismes de défense sont considérés comme des transactions pouvant être intégrées dans des modèles plus intégratifs.

La première passation était réalisée au mois de novembre hors période d’examens alors que la deuxième passation s’est déroulée le premier jour des examens quelques mois plus tard. L’anxiété

Trait et Etat étaient également évaluées. Les résultats montrent dans l’ensemble que le niveau

d’anxiété Etat était significativement plus élevé à la seconde session alors que le score Trait restait inchangé. Les scores aux styles de défenses matures et névrotiques augmentaient significativement à la seconde passation tandis que le score moyen au style immature diminuait. En outre, la majorité des dérivés conscients variaient entre les deux passations. Trois mécanismes restaient stables : la sublimation, l’altruisme et le déplacement ; six augmentaient : humour, l’anticipation, la formation réactionnelle, l’agression passive, l’acting out et la rêverie alors que onze diminuaient : la projection, l’isolation, la dévalorisation, le déni, la dissociation, le clivage, la rationalisation, la somatisation, la répression et l’idéalisation. Ces résultats soulignent bien l’existence d’une instabilité des dérivés conscients des mécanismes de défense. Nous rejoignons le postulat de Bond qui suggère de considérer les défenses comme « un phénomène dépendant des états, même si certains aspects de traits se reflètent encore chez les patients » et ainsi de considérer ces mécanismes comme une variable transactionnelle dans la relation individu-environnement.

Les individus plus jeunes utiliseraient, selon la littérature, des mécanismes de défense plutôt immatures ainsi que des défenses névrotiques. Les défenses immatures sont à l’œuvre dans le développement de la maturation à l’adolescence (Marcelli & Braconnier, 2013). Aussi, le clivage, l’intellectualisation et la mise en acte (passage à l’acte) sont les mécanismes, entre autres, à l’œuvre au cours de la période adolescente, comme nous avons pu le voir dans la partie consacrée à l’adolescence. L’intellectualisation s’inscrit dans les défenses dites névrotiques, qui se définissent par des défenses maintenant à distance, hors de la conscience, des idées, sentiments ou désirs qui pourraient se révéler potentiellement menaçants pour l’individu.

Aussi, l’intellectualisation se définit par un « […] usage excessif de la pensée abstraite, pour éviter de ressentir des sentiments dérangeants ». Dans ce cas-là, l’individu parle de son vécu en des termes assez généraux et sans affects particuliers. Le passage à l’acte ainsi que le clivage font parties des défenses immatures et s’inscrivent respectivement au niveau de l’agir et au niveau de la distorsion majeure de l’image. De manière générale, les mécanismes immatures peuvent altérer l’épreuve de la réalité. Une utilisation modérée de ces derniers, est considérée comme adaptée dans certaines situations stressantes. En faisant usage du clivage, l’individu considère autrui ou lui-même comme bon ou mauvais ne pouvant pas intégrer certaines nuances dans l’appréciation des qualités et des défauts. Le clivage s’observe cliniquement comme le passage assez brusque d’une idée à l’autre, d’un sentiment à un autre. Enfin, la mise en acte ou passage à l’acte (acting out en anglais) est liée à des conflits émotionnels. Ils se définissent ainsi par un comportement non maîtrisé, plutôt que par l’expression verbale de sentiments, souhaits, désirs, etc. A l’adolescence, le passage à l’acte peut être mis en parallèle de la recherche de sensation (Callahan & Chabrol, 2016 ; Marcelli & Braconnier, 2013 ; Perry, Guelfi, & Perry, 2009).