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3.4. DESCRIPTION DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA MTE POUR NOTRE

3.4.1. Stratégies de collecte de données

L’entrevue semi-dirigée et l’observation constituent les principales stratégies de collecte de données privilégiées dans le cadre de la présente recherche31. Ces stratégies visent à documenter les expériences vécues par les gestionnaires et à les canaliser vers la construction d’une théorie (Charmaz, 2014).

La collecte de données par entrevue a été réalisée de manière semi-dirigée, c’est-à-dire comme une conversation qui a une structure et un but (Merriam et Tisdell, 2016). Les questions élaborées dans le guide d’entrevue initiale étaient axées sur les trois concepts sensibilisants (Charmaz, 2014). Les questions du guide d’entrevue ont ensuite évolué tout au long de la démarche afin de tenir compte des différentes finalités de variation, de validation et de saturation qui guident l’exercice de théorisation (Guillemette, 2006). L’élaboration des guides d’entrevue s’est ainsi insérée dans une logique progressive (Gavard-Perret, Gotteland, Haon, Helme-Guizon, Herbert et Ray, 2012) ; des exemples de guides d’entrevue ont été placés en annexe (annexes A et B).

31 Les extraits d’entrevue sont identifiés dans le texte par un « E » suivi d’un nombre qui est associé à

un répondant (ex. E9). Pour la classification des observations, la lettre « O » est suivie d’une autre lettre qui est associée à un milieu. Celle-ci est suivie d’un chiffre qui fait référence à une rencontre précise selon un ordre chronologique (ex. OB3).

Au total, nous avons réalisé 21 entrevues dont 13 auprès de gestionnaires32, quatre dirigeants, trois employés et une personne avec un rôle de cadre-conseil (soutien aux gestionnaires) (figure 3.2).

Figure 3.2

Répartition des 21 entrevues

Source : Figure de l’auteure – Girard (2021)

Notre échantillon cible donc des personnes qui travaillent dans des milieux qui présentent :

(1) Une intention stratégique de maintenir un contexte de renouveau continu;

(2) Une volonté organisationnelle de développer la responsabilisation des employés;

(3) Une interdépendance entre différents départements/secteurs/unités d’affaires qui entraîne une nécessité de collaborer.

Les entrevues se sont déroulées sur une période de 14 mois entre le mois d’octobre 2018 et le mois de décembre 2019. Nous avons comptabilisé un peu plus de 29 heures d’entrevue pour une durée moyenne de 84 minutes par entrevue (variant entre 68 et 120 minutes). Les situations vécues par les gestionnaires constituent l’unité d’analyse de notre recherche. Les entrevues avec les personnes qui gravitent autour des gestionnaires (employés, dirigeants, personne-conseil) visaient à comprendre le revers de la médaille; à mieux cerner la réalité des gestionnaires avec la perspective des

32 Le terme gestionnaire est utilisé pour les personnes qui supervise des employés (et non des

gestionnaires) – il s’agit de gestionnaires de premier niveau. Quant au terme dirigeant, il fait référence aux personnes qui gèrent d’autres gestionnaires (cadres supérieurs).

13 gestionnaires de premier niveau 4 dirigeants 3 employés 1 rôle conseil

personnes qui les entourent. Cette stratégie a répondu à la visée compréhensive de notre étude.

Nous avons toutefois noté que cette stratégie demande une vigilance accrue pour demeurer centrée sur la question de recherche. Comme le témoigne l’extrait suivant d’un mémo, l’élargissement de la collecte de données à des personnes autres que des gestionnaires s’avère à la fois risqué et riche.

L’entrevue E19 qui a été réalisée auprès d’un employé amène des questionnements qui permettent d’approfondir ma réflexion. Je dois toutefois me rappeler que je cherche des actions managériales et que les entrevues avec les employés visent à valider leur compréhension et à voir l’autre côté de la médaille. J’ai parfois été tentée d’ajouter des éléments qui sont davantage liés à la réalité des employés. Je crois que dans le cadre de mon étude, je dois rester centrée sur les actions des gestionnaires. Les réactions des employés m’aident à comprendre et à définir les stratégies de gestion requises. Toutefois, le vécu des employés m’apparaît comme un sujet qui pourrait figurer dans mes pistes de recherche. Ceci étant dit, en faisant l’inventaire des extraits ajoutés à la suite de l’exercice de codage, je remarque que 12 des 16 actions ont été bonifiées par cette entrevue (mémo #5).

La collecte de données a aussi été enrichie par l’observation de comités de gestion au sein de deux entreprises dans lesquelles œuvraient certains répondants. L’observation de comités de gestion et de groupes de travail nous a permis de mieux comprendre le fonctionnement général des organisations (spécificités des unités d’affaires, principaux produits et services), de nous approprier le langage (abréviations, expressions), d’établir des repères quant aux différents lieux ainsi que de prendre conscience du climat général et des dynamiques relationnelles entre les gestionnaires. De plus, ce contact avec le milieu nous a offert la possibilité d’être témoin de l’évolution des préoccupations organisationnelles et d’approfondir la compréhension des constats qui émergeaient des entrevues (Journé, 2012).

L’observation s’actualise à travers différents degrés d’implication de la part du chercheur. Dans le cadre de la présente étude, nous avions un rôle « d’observateur qui

participe » (Noël, 2011 p.284). Ainsi, nous avons posé occasionnellement des questions ou émis des commentaires pour confirmer ou infirmer notre compréhension de la situation. Nous étions soucieuse que notre présence ne soit pas menaçante et avons pris soin de rappeler notre posture de chercheuse et les exigences de confidentialité qui sont inhérentes à l’éthique en recherche. En tant qu’observatrice qui participe, nous avons assisté à 14 rencontres de comité de gestion de deux entreprises (sept rencontres dans chacune des entreprises)33 totalisant 76 heures d’observation. La grille d’observation utilisée lors des comités de gestion est disponible à l’annexe C.

Cette familiarisation avec les organisations semble avoir eu pour effet de diminuer le temps consacré aux explications techniques lors du premier bloc d’entrevues. Plus de temps a ainsi pu être consacré à l’approfondissement et à la clarification de certains aspects dès les premières entrevues. De plus, le lien étant déjà établi avec les gestionnaires-participants, ceux-ci ont semblé à l’aise. Dès le premier bloc d’entrevues, les gestionnaires ont révélé leurs perceptions de manière très ouverte avec des confidences inattendues. Ce constat rejoint ce que Paillé et Mucchielli, (2016, p.381) nomment l’« impératif d’intelligibilité », c’est-à-dire le partage de références communes préalable à la compréhension. Ces deux auteurs parlent même d’une « intimité » avec les données empiriques nécessaires à la mise en relation des perspectives (p.381). De même, Murphy et al., (2017) affirment que la MTE favorise la proximité spatiotemporelle et conceptuelle entre le chercheur et le contexte étudié. Charmaz (2014) rappelle néanmoins qu’en recherche en contexte réel, la ligne est mince entre l’engagement et la distance appropriée. D’ailleurs, il est important de nuancer que le lien avec les participants ne vise pas l’appropriation de la compréhension du participant par le chercheur, mais bien son interprétation (Charmaz, 2014).

Les conversations spontanées34 avec les membres des comités et des groupes de travail ou avec des employés ont aussi entretenu notre réflexion et notre souci de valider ou d’infirmer certaines pistes ou de nuancer certains résultats. Ces données ont notamment alimenté la rédaction de mémos et nous ont aidée à cerner les pistes à documenter tant sur le plan empirique que conceptuel. L’analyse documentaire des supports visuels présentés lors de comités de gestion observés, ainsi que d’autres écrits auxquels ont fait référence les gestionnaires observés et interrogés ont complété la collecte de données.