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Les facilitateurs à la collaboration

2.3. COLLABORATION

2.3.3. Les facilitateurs à la collaboration

Les facilitateurs à la collaboration sont en quelque sorte les ingrédients fondamentaux à la base des comportements organisationnels collaboratifs. La collaboration ne s’initie pas et ne se maintient pas à la manière d’un protocole standardisé ou d’une recette à suivre, mais certains éléments aident à faire « prendre la mayonnaise ». Il ressort de la recension des écrits que le travail collaboratif repose à la fois sur des comportements basés sur la confiance ainsi que sur la capacité de communiquer et d’interagir les uns avec les autres (Delassus et Silva, 2016; Patel et al., 2012; Tschannen-Moran, 2001). La confiance et la communication sont donc identifiées comme des facilitateurs significatifs à la collaboration et sont discutées plus en profondeur dans les prochains paragraphes.

La confiance

Pour Mayer, Davis et Schoorman (1995), la confiance est un construit tridimensionnel qui se caractérise par l’habileté (ability), la bienveillance (benevolence) et l’intégrité. L’habileté fait référence aux compétences et à l’expertise qui permettent à un acteur d’être crédible dans un domaine particulier. En ce sens, selon le modèle de ces chercheurs, la confiance est spécifique à un domaine, c’est-à-dire qu’il est possible de faire confiance à une personne pour une tâche ou une action en particulier, mais pas nécessairement dans un autre secteur d’activités. Ainsi, le niveau de confiance peut varier pour une même relation en fonction des habiletés des acteurs dans différents domaines. La confiance serait variable selon la situation et le domaine d’expertise (Schoorman, Mayer et Davis, 2007). La bienveillance, quant à elle, suggère un attachement ou une intention bienveillante entre les parties. Finalement, l’intégrité souligne l’importance de la perception d’adhésion aux mêmes principes moraux par l’ensemble des parties. L’évaluation de l’intégrité peut se baser notamment sur des actions passées et sur la congruence entre le discours et les actions (Mayer et al., 1995). De son côté, Tschannen-Moran (2001) évoque cinq dimensions pour décrire la confiance. Tout comme Mayer et al. (1995), cette chercheuse affirme que la démonstration de la confiance repose sur une attitude de bienveillance, sur la compétence (habileté pour Mayer et al. 1995) ainsi que sur l’honnêteté, l’ouverture et la fiabilité. La notion de fiabilité, moins abordée par Mayer et al. (1995), nous semble pertinente à approfondir. En effet, le respect des engagements et la possibilité de prédire le comportement de l’autre représentent des préalables clés de la relation de confiance. De même, l’intégrité ou l’honnêteté implique que la personne en qui la confiance est investie assume ses responsabilités et ne cherche pas à blâmer les autres ou à déformer la réalité (Tschannen-Moran, 2001). À titre d’exemple, la collaboration entre les départements exige des employés qu’ils établissent des relations horizontales et qu’ils prennent la responsabilité d’activités pour lesquelles ils ont peu de contrôle. Dans ce contexte, il est nécessaire de faire confiance au jugement des autres et à leur capacité à respecter leurs engagements ainsi que de reconnaître leurs contributions

(Ghoshal et Bartlett, 1995). La confiance favorise la cohésion et le confort nécessaire à des interactions réfléchies et empreintes d’ouverture (Sundaramurthy et Lewis, 2003). Ce qui nous amène à discuter d’un autre facilitateur de la collaboration : la communication.

La communication

Pour certains auteurs dont Williams (2002), la communication soutient la construction de la capacité de collaboration. Les prochains paragraphes viennent appuyer cette affirmation en s’intéressant plus spécifiquement aux systèmes d’informations, au dialogue et au réseautage.

Au début des années 90, les systèmes d’informations visaient à gérer de l’information et les gains de productivité se sont principalement concrétisés sur des logiques centrées sur l’optimisation des processus. Depuis une dizaine d’années, la numérisation des organisations se concentre davantage sur le développement des systèmes de communication qui favorisent les interactions entre les acteurs (Delassus et Silva, 2016). Pour Bartlett et Ghoshal, (1995), le défi de la révolution de l’information n’est pas l’exploitation des données comme telle, mais plutôt la compréhension du potentiel de la technologie de l’information pour développer et diffuser les connaissances. Plus spécifiquement, les systèmes d’information doivent répondre aux besoins des membres de l’organisation en accordant une attention toute particulière à leur besoin de communiquer entre eux. Les nouveaux outils de communication « n’ont de sens et d’intérêt que s’ils améliorent les conditions d’interaction entre les personnes » (Delassus et Silva, 2016, p.70).

Les systèmes d’information formels présentent toutefois des limites comme soutien à la prise de décision notamment pour anticiper certains problèmes et pour comprendre les enjeux. Les relations interpersonnelles sont complémentaires et plus efficaces pour communiquer des informations délicates, pour sentir des signaux et pour transférer

certains types de savoirs (Bartlett et Ghoshal, 1995). Les défis associés à la collaboration font en sorte que la communication en personne est à privilégier pour favoriser un niveau de confiance accru (Lacan, 2016; Patel et al., 2012). Les rencontres inter-sectorielles (inter-unités) en personne ont permis aux entreprises étudiées par Ghoshal et Bartlett (1995) de mettre en commun des compétences complémentaires et ainsi de réagir rapidement à des opportunités. Le dialogue qui vise un échange de compréhensions est nourri par ces contacts en personne. Il permet l’intégration de différentes pensées en une construction commune. En ce sens, le dialogue peut entraîner une forme d’engagement mutuel et de reconnaissance réciproque complémentaire à la reconnaissance hiérarchique (conformité). En absence de hiérarchie (entre pairs), le dialogue permet d’articuler un différend et ultimement de le résoudre. La compréhension commune qui découle de la confrontation de perspectives et d’attentes peut mener à une vision partagée. Le dialogue humanise ainsi l’environnement de travail par l’appropriation et la réinterprétation de la réalité organisationnelle; il permet de donner un sens aux actions (Roberts, 1991). Pour donner un sens à la collaboration, les rencontres physiques (en personne) demeurent donc nécessaires (Lacan, 2016). En plus d’être une démonstration tangible de confiance (Carlos et al., 1997), la communication permet à tous les acteurs de s’impliquer et de contribuer activement à l’avancement de l’organisation (Byham, 1996).

Parallèlement, la création de réseaux de relations interpersonnelles permet d’obtenir des informations non disponibles par les canaux formels et favorise la proactivité. Dans sa conceptualisation d’une équipe d’équipes (team of teams), Fussell (2017)20 explique que les unités de l’armée américaine qui combattaient en Iraq reconnaissaient la compétence et l’intégrité des autres unités, mais qu’elles travaillaient chacune de leur côté. Pour introduire la collaboration inter-unités, les dirigeants de l’armée ont

20 Chris Fussell est un ancien membre de la Navy Seal (Sea, Air, Land) – « une force spéciale de la

marine de guerre américaine » Wikipédia, saisie le 13 juillet 2018. Il a aussi agi à titre d’aide de camp au lieutenant général Stanley McChrsytal dans le commandement du Joint special operations task force dans les combats contre Al Qaeda. Il est maintenant consultant en gestion pour le groupe McChrystal.

encouragé les relations interpersonnelles qui sortaient du réseautage formel de l’organisation et ont placé l’accent sur l’équation suivante : crédibilité = compétences reconnues + intégrité + relations. Cette équation est devenue la ligne directrice qui a provoqué des changements positifs sur le plan notamment de la circulation d’informations et de l’expertise. Cette expérience sur le terrain rejoint les propos de Wachhaus21 (2014) qui affirme que sans connexions vibrantes entre les individus, il n’y a pas d’organisation, seulement une collection d’individus isolés.

Somme toute, la collaboration est un processus multidimensionnel évolutif et contextualisé (Thomson et Perry, 2006). La transformation d’intentions de collaboration en travaux concrets nécessite une action managériale pour formaliser les attentes et rendre le contexte de collaboration plus prévisible. La multiplication des parties prenantes et la complexité des enjeux créent des interdépendances qui présentent à la fois des risques et des opportunités pour les individus et les organisations.

La présente revue de littérature a permis d’identifier quelques facilitateurs notamment autour des thèmes de la confiance et de la communication qui peuvent soutenir des pratiques managériales collaboratives.