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2.3.3 - Stratégie de réalisation de levés par télédétection

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Les principales questions de stratégie à considérer pour les levés par télédétection concernent les outils à utiliser et la couverture totale ou partielle du territoire.

Comme on l’a mentionné à la sous-section 2.3.2 : « Outils et techniques d’échantillonnage », les types de données et d’information obtenus varient selon les instruments de télédétection, de sorte qu’il faut choisir ces derniers en fonction des besoins d’information mis en lumière par l’analyse de l’existant. À ce stade de la planification, on indique habituellement quelle technique (ou combinaison de techniques) de télédétection sera employée, car cela a des conséquences importantes sur la stratégie de réalisation de levés par télédétection.

Levé à l’aide d’une combinaison de lidar et d’imagerie numérique aérienne

© Terra Imaging

Dans le cas de la photographie aérienne ou satellitaire, la stratégie implicite est de rechercher une couverture totale puisque la largeur de fauchée de ces techniques est généralement supérieure à la largeur du littoral exposé. Dans le cas des lidars topographique et hydrographique, la stratégie implicite est également celle d’une couverture totale, car l’objectif visé est d’élaborer un modèle numérique de terrain (MNT) montrant la topographie de la zone de levé. Le levé est effectué par une série de fauchées parallèles, et toute zone non couverte se traduirait par des lacunes dans le modèle. La largeur de fauchée du lidar est réglable jusqu’à un certain point, une fauchée plus large couvrant plus de terrain à une résolution moindre.

Les levés de zones de petit fond mettent à contribution une combinaison de techniques de télédétection aériennes et acoustiques, et les questions de stratégie ont trait à la moins grande efficacité des techniques aériennes lorsque la profondeur ou la turbidité de l’eau augmentent. Les techniques acoustiques ne sont pas affectées par la turbidité de l’eau, de sorte que l’on peut s’en servir pour compléter les levés, à condition que la profondeur de l’eau soit suffisante (sinon il est difficile d’y recourir en pratique). Ces questions sont abordées plus en détail au paragraphe 2.3.3.1 « Télédétection en zone de petit fond » à l’aide de deux études de cas. Pour réaliser un MNT, il faut choisir des techniques aériennes et acoustiques qui donnent la position en trois dimensions (X, Y, Z). Il faut aussi

s’assurer que les techniques employées utilisent le même système géodésique (p. ex.

latitude, longitude, WGS84) et que les deux jeux de données sont calés sur un même niveau de référence (de profondeur nulle) avant leur fusion.

La question du degré de couverture (totale ou partielle) a énormément d’importance dans le cas des levés acoustiques, qui s’effectuent eux aussi par un ensemble de fauchées parallèles afin d’obtenir une couverture totale du territoire. L’image ci-après résultant d’un sondage multifaisceaux d’une partie de la Manche centrale illustre ce point. On peut cartographier les détails de la partie supérieure, où la couverture est totale, mais dans la partie inférieure, où la couverture est partielle, seules les grandes structures qui s’étendent au-delà des zones non couvertes sont cartographiables. Ce sont des questions de temps et de coûts qui incitent à faire une couverture partielle plutôt que totale.

Image de la Manche centrale produite par sondage multifaisceaux, qui montre une couverture totale et partielle d’une zone d’affleurements rocheux faillés coupée par une paléovallée orientée dans la direction nord-sud. Les lignes de la grille correspondent à des intervalles de 0,5 degré (~0,5 mille marin).

Une couverture totale est obligatoire pour produire des cartes à échelle fine, et c’est la plus valable dans les zones fortement hétérogènes. Elle peut ne pas être nécessaire pour cartographier des structures à une échelle plus globale ou dans les zones où le substrat est très homogène (p. ex. une grande plaine sableuse). Dans ces derniers cas, on arrive à obtenir une couverture « quasi-totale » à partir d’une couverture partielle en interpolant à l’œil entre les fauchées comme on l’a vue plus haut. Il n’est pas rare d’interpoler sur plus de deux fois la largeur de fauchée (couverture d’environ 33 %). Des levés partiels de grands territoires (des milliers de kilomètres carrés) sont réalisables selon une stratégie de « corridors », qui consiste en une couverture totale de corridors d’une largeur de 1 km espacés de 5 à 10 km. Il s’agit d’un type de levés imbriqués, qui permet de reconnaître des structures à échelle fine ou intermédiaire dans les corridors et à cartographier les structures à échelle globale sur tout le territoire. Pour plus de détails à ce sujet, voir paragraphe 2.3.3.2 « Levés acoustiques à couverture partielle ».

Il faut savoir que, dans le cas de capteurs de coque, par exemple les sondeurs multifaisceaux et les SACLAF, la largeur de fauchée augmente avec la profondeur de l’eau, alors que dans le cas de systèmes remorqués maintenus à une altitude constante au-dessus du fond, la largeur de fauchée est constante (voir l’illustration). Par conséquent, les systèmes remorqués donnent une couverture plus grande dans les zones de petit fond, et les systèmes de coque dans les eaux plus profondes. Cela peut avoir des effets sur le choix du système acoustique et sur la rentabilité des levés. Si les conditions le permettent, il est conseillé de faire fonctionner simultanément plusieurs systèmes acoustiques, qui fournissent des types de données complémentaires. Il faut attendre l’étape d’optimisation de la télédétection pour déterminer l’espacement entre les fauchées, mais le cahier des charges des levés doit indiquer le type de capteur acoustique à utiliser ainsi que le caractère total ou partiel de la couverture voulue.

Effet d’une augmentation de la profondeur de l’eau sur la largeur de fauchée de systèmes acoustiques de coque (sondeur multifaisceaux et SACLAF) et remorqués (sonar à balayage latéral)

On peut considérer que les systèmes acoustiques de classification automatique des natures de fonds (SACLAF) fournissent une suite d’échantillons ponctuels le long de la fauchée. En fonctionnement normal à une profondeur modérée (moins de 30 m), on arrive à une limite de résolution spatiale de 25 m. Si l’on effectue plusieurs fauchées dans une zone de levés, cela permet de percevoir un motif de types de terrain (voir l’illustration). On applique des techniques d’interpolation (par ordinateur) pour obtenir une image matricielle à couverture « pseudo-totale » qui permet de segmenter la zone de levés. Dans le cas de levés par SACLAF, l’espacement entre les fauchées constitue la principale question de stratégie à considérer, puisque l’interpolation entre les fauchées devient de moins en moins fiable à mesure que l’espacement entre fauchées augmente. Un espacement de 50 m est considéré comme un minimum habituel, et un espacement de plus de 500 m n’est pas recommandé (Foster-Smith, 2007). De nos jours, on tend à favoriser l’emploi de systèmes acoustiques à fauchée continue, à cause de leur plus grand pouvoir de résolution, mais on utilise souvent un SACLAF comme système secondaire, car il peut aider à interpréter les images des fauchées.

Exemple de résultat d’un levé par SACLAF. Les différentes couleurs correspondent à divers types de terrain.

En résumé, pour la cartographie des habitats marins, les levés à couverture totale sont fortement souhaitables, car ils permettent une segmentation du territoire en fonction de structures à échelle fine, intermédiaire et globale. Ils sont également les plus fiables pour des travaux de cartographie directe. Il est toujours possible de généraliser les détails afin d’obtenir des cartes à échelle globale de grands territoires. Les levés à couverture partielle peuvent pour leur part répondre aux besoins de programmes de cartographie à échelle intermédiaire ou globale, tout en permettant des économies substantielles.

2.3.3.1 - Télédétection en zone de petit fond

À mesure que l’on s’éloigne du littoral en direction de la haute mer, la télédétection optique perd rapidement de son efficacité, jusqu’à devenir complètement « aveugle » à une profondeur de 10 à 20 m (selon la turbidité de l’eau). Par conséquent, une simple couverture totale ne garantit pas l’acquisition de données pour toute une zone ; à certains endroits, les conditions du milieu (profondeur et turbidité de l’eau) limitent l’efficacité des moyens optiques de télédétection. Ces lacunes dans les données peuvent être comblées par des levés acoustiques en zone de petit fond. Par contre, les moyens acoustiques ont une capacité limitée au voisinage d’un littoral rocheux complexe, et le coût de ces levés par unité d’aire est élevé en raison de l’étroitesse des fauchées des systèmes acoustiques en eau peu profonde.

Les techniques de télédétection optique perdent de leur efficacité à mesure que la profondeur de l’eau augmente. Noter la détérioration des données bathymétriques d’un lidar (points de couleur) en eau profonde.

Même une couverture totale d’une zone de petit fond par deux techniques (p. ex. levés bathymétriques et imagerie) donne généralement une mosaïque de sous-zones où aucune, une ou les deux techniques se sont avérées efficaces. Les lacunes restantes doivent être comblées par des techniques d’interpolation, accompagnées le cas échéant d’une campagne de terrain plus importante qu’ailleurs. À cet égard, il vaut la peine de visionner le diaporama de l’étude de cas de l’archipel de Glénan (voir le fichier Glenan survey strategy.ppt) et de considérer la mosaïque des couvertures par la variété des techniques de télédétection.

Une autre étude de cas du programme français Rebent est présentée dans le document Mapping shallow coastal habitats.pdf. Elle montre l’application et l’utilité de techniques acoustiques pour la cartographie des habitats benthiques en zone littorale de petit fond.

2.3.3.2 - Levés acoustiques à couverture partielle

La suite de figures ci-contre illustre comment le niveau de détail du rendu cartographique augmente avec le degré de couverture. Un levé à échelle globale a été effectué à l’aide d’un sonar à balayage latéral, avec des

fauchées de plus en plus rapprochées.

(Coggan, 2006). Chaque fauchée a été interprétée séparément, et les couleurs représentent différentes classes de sédiments et de figures sédimentaires (p. ex. rides de sable, rubans graveleux, etc.). Une carte à couverture quasi-totale a ensuite été produite par interpolation (à l’œil) entre les fauchées interprétées.

Avec l’augmentation du degré de couverture, l’interpolation était guidée davantage par un contenu en information et moins par des suppositions, réduisant d’autant l’incertitude associée à la carte finale. La carte produite à partir de fauchées espacées de 4 km (pour un degré de couverture d’environ 18 %) avait laissé de côté certaines figures sédimentaires importantes qui sont apparues sur la carte produite à partir de fauchées espacées de 2 km et de 1 km (degré de couverture d’environ 33 % et 50 % respectivement).

Il y a eu moins de différence entre les cartes produites avec des espacements de 2 et de 1 km entre les fauchées qu’entre les cartes produites avec des espacements de 4 et de 2 km. La carte

« à 1 km » contenait plus de petits détails que celle « à 2 km », mais les deux cartes étaient en général très semblables. Cela indique que la plupart des variations à échelle globale dans ce territoire ont été saisies avec un degré de couverture se situant entre 30 et 50 %. Il faut noter que, dans un autre territoire, un degré de couverture différent pourrait être nécessaire pour obtenir le même niveau d’exactitude.

On a effectué un levé à couverture totale (100 %) sur une bande centrale du même territoire, mais l’amélioration de

cette partie de la carte a été minime, car l’interpolation était devenue très exacte sur la carte « à 1 km ». Comme une couverture totale coûte deux fois plus cher qu’une couverture à 50 %, le gain minime ne semble pas justifier le coût supplémentaire de tels levés à échelle globale. Le diaporama PowerPoint Remote sensing coverage.pps aide à visualiser les différences entre ces cartes.

Lorsque l’on fait le levé de zones moins étendues, il n’y a généralement pas d’obstacle financier à la réalisation de levés acoustiques à couverture totale, car les coûts totaux en cause sont en principe beaucoup plus abordables que dans le cas de grands territoires (quelques milliers d’euros contre des centaines de milliers ou des millions). En outre, le besoin d’un niveau plus élevé de détail, de fiabilité et d’exactitude est en général plus grand dans le cas de levés à échelle fine de sites précis, et une couverture totale est alors recommandée.

Des compromis sont inévitables entre d’une part une couverture réduite et donc une fiabilité moindre de la carte, et d’autre part le besoin de doser l’utilisation de ressources (budget, temps et personnel) pour obtenir des levés et donc une carte d’une certaine qualité. Il n’y a pas de réponse empirique à la question : « Quel degré de couverture faut-il pour obtenir une carte du niveau de fiabilité voulu ? », car cela dépend en grande partie de la façon dont on atteint un degré de couverture donné et du degré d’hétérogénéité du territoire à cartographier. Il est évident que la fiabilité d’une carte produite avec un degré de couverture de 30 % sera supérieure pour une zone homogène de sable fin que pour une zone hétérogène de substrats mixtes et d’affleurements rocheux.

L’important est de savoir reconnaître le point où la fiabilité des résultats des levés devient inférieure au seuil acceptable défini dans le rapport sur la portée du programme.

Inévitablement, les bailleurs de fonds exerceront des pressions ou feront eux-mêmes l’objet de pressions pour réduire les coûts en diminuant le degré de couverture, ou pour augmenter la rentabilité apparente des levés en répartissant des ressources fixes sur un territoire plus grand. Il est donc important de faire cette comparaison avec les seuils définis dans le rapport sur la portée du programme, afin d’éviter des situations de fausses économies et de sous-financement.

Dans le cas d’un programme de cartographie à échelle globale (grand territoire avec résolution et exactitude limitées), le degré de couverture est probablement limité (par les coûts) à moins de 50 %. Les levés acoustiques doivent donc viser à détecter les changements de faciès à échelle globale (type de sédiment et figures sédimentaires), car ce genre d’information est pertinent à l’échelle visée. Comme l’échelle des figures sédimentaires est généralement plus globale que la largeur de fauchée d’un sonar à balayage latéral ou multifaisceaux, des fauchées isolées sont rarement efficaces pour identifier et cartographier de telles structures. Deux études récentes (Mackie et al., 2006 et James et al., 2007) ont montré qu’une approche de « corridors » peut constituer une stratégie efficace de levés acoustiques. Cette approche consiste à faire plusieurs fauchées contiguës afin d’obtenir une couverture totale sur un corridor de 1 km de largeur, ce qui permet de beaucoup mieux apprécier la nature des figures sédimentaires. On obtient une interprétation d’un grand territoire en faisant des levés de plusieurs corridors.

L’exemple illustré ici est celui de la partie ouest du chenal de Bristol (Mackie et al., 2006), où chaque corridor a été levé à l’aide d’un ensemble de trois systèmes géophysiques : un sondeur multifaisceaux, un sonar à balayage latéral et un profileur à réflexion (boomer remorqué à la surface). La mosaïque de 1 km de largeur donnée par le sondeur multifaisceaux a permis d’identifier de manière fiable les grandes et petites figures sédimentaires, alors que le sonar à balayage latéral et le profilage sismique ont fourni plus d’information sur la nature des substrats.

Dans tous les cas où l’on ne dispose d’aucun levé acoustique antérieur, il est fortement conseillé de procéder à un bref levé « pilote » du territoire. Une grille rudimentaire de fauchées peut donner une information précieuse sur l’hétérogénéité du fond, qui permettra de prendre des décisions éclairées quant au degré de couverture nécessaire pour les levés par télédétection.

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