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2.4.1 - Ensembles d’instruments de télédétection

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En général, chaque type d’instrument de télédétection fournit un type particulier de données. Il faut donc plusieurs instruments pour acquérir les données nécessaires à la réalisation de cartes d’habitats. Deux des facteurs les plus importants dans la détermination de la nature des habitats sont l’élévation (altitude au-dessus ou profondeur au-dessous du niveau de la mer) et la nature du substrat. En effet, ces facteurs déterminent les conditions environnementales dans lesquelles tout organisme marin ou biocénose marine doit vivre. Par conséquent, dans les programmes de cartographie des habitats, les instruments qui donnent de l’information sur la topographie et le type de terrain sont à privilégier par rapport à ceux qui donnent d’autres types de données telles que la température de surface de l’eau, l’irradiance, la concentration de chlorophylle A, ainsi que les profils de courants et de température. Ces autres types de données ne sont pas pour autant sans intérêt ; cela dépend en grande partie de la nature du territoire à lever.

Les premiers instruments de télédétection choisis sont donc généralement ceux qui fournissent l’information de base sur la topographie et le type de terrain. Dans le cas des estrans, on utilise souvent le lidar pour déterminer la topographie des lieux, et la photographie pour distinguer les types de terrain. Dans le domaine subtidal, on choisit souvent un sondeur multifaisceaux pour obtenir les données bathymétriques, et le sonar à balayage latéral pour distinguer les types de terrain. La popularité de ces combinaisons reflète leur capacité à fournir un modèle numérique de terrain (MNT), c’est-à-dire une représentation en trois dimensions de la topographie du littoral ou du fond de la mer, segmenté en zones qui correspondent à différents types de terrain. Ce ne sont toutefois pas les seules combinaisons qui permettent d’obtenir ce résultat, et elles ne sont pas adaptées à tous les besoins en matière de levés.

Le choix de deux systèmes de télédétection qui fournissent le même genre d’information entraîne une redondance que certains peuvent estimer inutile, mais que d’autres considèrent comme une police d’assurance contre des erreurs ou un mauvais fonctionnement. Dans certains cas, par exemple l’imagerie satellitaire et la photographie aérienne, on choisit deux instruments qui produisent exactement le même type de résultat (une photographie), mais dont le contenu en information demeure complémentaire si les deux instruments ont une couverture ou une résolution différente qui rendent possible une stratégie de levés imbriqués.

Lorsque l’on choisit plusieurs instruments qui doivent fonctionner simultanément à partir du même avion ou navire, il est important de s’assurer qu’il n’y aura aucune interférence entre eux ou avec les autres appareils de bord (p. ex. radio et systèmes de navigation).

Les interférences risquent d’introduire des erreurs systématiques ou des artefacts qui masqueront la réalité et gêneront le traitement ou l’interprétation des données de télédétection.

Dans certains cas, le principal aspect de l’optimisation des levés par télédétection consiste à trouver le moyen d’utiliser une technique de manière optimale dans les circonstances propres des levés à effectuer. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on utilise des techniques « standard » aux limites de leur application. À titre d’exemple, le poisson d’un sonar à balayage latéral est normalement remorqué à l’arrière du navire, mais dans une zone de petit fond, il peut être fixé sur un mât et installé sur le côté, à la proue ou à la poupe du navire. La position choisie risque d’avoir des effets importants sur le fonctionnement du système et la qualité des données acquises, comme le montre l’étude de cas des levés par sonar à balayage latéral dans les zones de petit fond de la mer des Wadden, au nord des Pays-Bas (voir le fichier Sidescan pole_Wadden Sea.pdf).

Pour plus de renseignements sur les variantes et les capacités des instruments de télédétection, voir les chapitres pertinents de la recension MESH des normes et protocoles pour la cartographie des habitats benthiques (Coggan et al., 2007).

2.4.1.1 - Ensembles de techniques acoustiques

Si l’on dispose d’un navire adéquatement équipé, il est tout à fait possible d’acquérir des données en utilisant simultanément un sondeur multifaisceaux, un sonar à balayage latéral, le profilage sismique et un système acoustique de classification automatique des natures de fonds (SACLAF). Chacun de ces systèmes peut fonctionner dans une fourchette de conditions (vitesse du navire, état de la mer, profondeur de l’eau), mais les conditions optimales de fonctionnement diffèrent d’un système à l’autre. Par conséquent, lorsque l’on utilise plusieurs systèmes en même temps, il faut optimiser les conditions pour le système jugé le plus important et accepter que les données produites par les autres systèmes ne soient pas optimales.

Le choix du système acoustique principal a des conséquences importantes sur l’espacement entre les fauchées. Cela est dû au fait que la largeur de fauchée des systèmes acoustiques est déterminée par l’angle du faisceau et l’altitude du capteur par rapport au fond. En pratique, la largeur de fauchée des systèmes de coque (p. ex.

sondeurs monofaisceau ou multifaisceaux) augmente avec la profondeur, alors que celle des systèmes remorqués (p. ex. sonars à balayage latéral et à interféromètre) est plus ou moins constante, du fait que l’objet est normalement remorqué à une altitude fixe au-dessus du fond.

Largeur de fauchée de trois différents systèmes

acoustiques en fonction de la profondeur de l’eau (non à l’échelle)

Ainsi, si le sondeur multifaisceaux est la principale technique retenue, l’espacement entre fauchées doit être beaucoup plus petit en zone de petit fond qu’en zone de grand fond, et il faudra donc beaucoup plus de temps pour couvrir un même territoire. Cela ne s’applique pas aux systèmes remorqués, dont l’espacement entre fauchées et le rythme de couverture sont indépendants de la profondeur de l’eau. Voici des largeurs de fauchée typiques de trois techniques acoustiques.

Largeurs de fauchée typiques de divers systèmes acoustiques, en fonction de la profondeur de l’eau

Technique 10 m 50 m 100 m 500 m 1000 m

SACLAF

Angle du faisceau ~10° 2 m 9 m 18 m 88 m 176 m

Sondeur multifaisceaux Largeur de fauchée ~ 7 fois la

profondeur de l’eau 70 m 350 m 700 m 3500 m 7000 m

Sonar à balayage latéral Largeur de fauchée de 400 m à

une altitude de 6 m 400 m 400 m 400 m 400 m 400 m

Dans le choix d’un ensemble de techniques acoustiques, le SACLAF est considéré comme un deuxième ou un troisième choix, car sa largeur de fauchée est de beaucoup inférieure à celle d’un sondeur multifaisceaux ou d’un sonar à balayage latéral.

L’information fournie par le SACLAF complète les données des autres systèmes et contribue à interpréter la rétrodiffusion du sondeur multifaisceaux et du sonar à balayage latéral.

L’espacement entre fauchées dépend donc habituellement du choix du sondeur multifaisceaux ou du sonar à balayage latéral comme technique principale. Pour obtenir une couverture à 100 %, on fixe généralement cet espacement de manière à ce que les fauchées successives se chevauchent, puisque la qualité des données sur les bords des fauchées peut ne pas être optimale. D’après le tableau ci-dessus, pour un levé à l’aide d’un sondeur multifaisceaux et d’un sonar à balayage latéral effectué dans une zone où la profondeur de l’eau est de 50 m, il faudrait un espacement entre fauchées de 300 à 325 m pour obtenir une couverture complète avec les deux systèmes. Une profondeur moindre tendrait à favoriser le sonar à balayage latéral comme technique principale, en raison de sa plus grande largeur de fauchée. Par contre, à de plus grandes profondeurs, le sondeur multifaisceaux a une plus grande largeur de fauchée, ce qui en fait un meilleur candidat comme technique principale. S’il faut obtenir une couverture complète avec les deux systèmes à une profondeur où leurs largeurs de fauchée sont assez différentes, il faut alors effectuer le levé en deux temps : faire un premier passage en utilisant les deux techniques simultanément, puis un second passage avec le système dont la fauchée est la plus étroite pour combler les vides de ce système lors du premier passage. Pour plus de détails techniques sur le sujet, voir le document du CIEM intitulé Co-operative Research Report on Acoustic Seabed Classification of Marine Physical and Biological Landscapes (Anderson et al., à paraître), notamment le chapitre de Simmonds sur la conception d’une campagne de levés acoustiques pour la classification du fond marin.

Dans le cas de projets pluridisciplinaires tels que la cartographie des habitats, il devient courant d’inclure le profilage sismique dans l’ensemble des techniques « acoustiques » employées pour les levés, car les profils verticaux des sédiments ou des substrats aident à interpréter la morphologie du fond de la mer. Le choix de la technique de profilage sismique dépend de la stratigraphie probable. Les systèmes à haute fréquence comme le boomer ont la meilleure résolution (quelques dizaines de centimètres), mais leur pénétration est limitée et s’arrête au soubassement acoustique constitué par l’assise rocheuse, des matériaux glaciaires ou même un sable dense. Les systèmes à basse fréquence comme l’étinceleur ou le canon à air ont une meilleure pénétration mais une résolution limitée (environ 1 m). Leur pouvoir de pénétration permet, mieux que le soubassement acoustique déterminé par un boomer, de connaître le type d’assise rocheuse.

Les appareils de profilage sismique sont généralement remorqués près du navire, à la surface ou près de la surface de l’eau. En eau profonde, on peut considérer l’emploi d’un boomer remorqué en profondeur, afin d’obtenir des données à haute résolution sur le fond. Il existe des systèmes qui combinent le sonar à balayage latéral et le profilage sismique.

Sur le plan pratique, l’emploi simultané de systèmes de profilage sismique et de sonar à balayage latéral rentabilise au maximum l’utilisation du navire, car les deux systèmes fonctionnent à des vitesses de croisière semblables (alors que l’emploi simultané d’un sonar à balayage latéral et d’un sondeur multifaisceaux risque de limiter la vitesse du navire). Cela permet d’intégrer les données sur l’épaisseur de la structure du fond et sur sa géométrie (p. ex. épaisseur de rides de sable). Il est important de consigner avec précision la position de l’appareil remorqué pour que les données soient bien géoréférencées et puissent être comparées avec l’information fournie par des appareils de coque comme un sondeur multifaisceaux et un SACLAF.

Dans certaines circonstances, le choix de la technique acoustique a une influence sur l’orientation des fauchées. Si la zone à lever est en pente, des fauchées parallèles à la direction de la pente auront une largeur variable dans le cas de systèmes de coque, mais non dans le cas de systèmes remorqués. Si la pente devient forte, la longueur de câble de systèmes remorqués tels que le sonar à balayage latéral devra être réglée plus souvent pour maintenir l’instrument à une altitude constante au-dessus du fond. De tels réglages répétés ne sont pas souhaitables, car ils risquent d’introduire des discontinuités et de réduire l’utilité de l’enregistrement du sonar. Il est donc habituel d’optimiser les levés en prenant des fauchées perpendiculaires à la direction de la pente, ce qui simplifie à la fois la planification des fauchées et l’exécution des levés, tout en diminuant le risque de contact entre les appareils remorqués et le fond.

Largeur de fauchée d’un sonar à balayage latéral, d’un sondeur multifaisceaux et d’un profileur du sous-sol du fond qui se déplacent dans la direction d’une pente du fond.

Il est à noter que les exigences de la cartographie des habitats sont relativement moindres en matière de levés acoustiques que celles des levés hydrographiques et bathymétriques visant la production de cartes de navigation ou le traitement d’autres questions liées à la sauvegarde de la vie humaine en mer (en abrégé SOLAS pour Safety Of Life At Sea). Ces derniers levés exigent un degré de couverture beaucoup plus élevé (200 %, ou couverture double) et doivent être conformes aux normes strictes fixées par des organisations telles que l’Organisation hydrographique internationale (OHI) (voir Mills,1998, dans le document IHO survey standards.pdf, et le chapitre 3 « Comment se fait l’acquisition des données ? »). Ces normes vont généralement au-delà des exigences de la cartographie des habitats, mais il est de plus en plus courant d’adopter l’une d’entre elles ou à tout le moins de tenter de s’en approcher, car cela garantit dans une certaine mesure la qualité des données et élimine le besoin de recommencer le levé d’un territoire à d’autres fins.

2.4.1.2 - Ensembles de techniques aéroportées

Comme dans le cas des techniques acoustiques, on peut rassembler plusieurs techniques aéroportées pour en faire un ensemble d’outils efficace. Pour s’en rendre compte, le mieux est d’examiner une étude de cas comme celle du site du Trégor sur le littoral nord de la Bretagne. Ce levé a fait appel à un ensemble de quatre techniques aéroportées, à savoir l’imagerie satellitaire, la photographie aérienne, le lidar topographique et le lidar hydrographique (bathymétrique) pour cartographier des zones intertidales et des zones subtidales de petit fond. Ces techniques ont ensuite été complétées par des levés acoustiques des zones de petit fond. Le document Tregor survey strategy.ppt, montre comment les couches de données s’assemblent et illustre comment le plan de campagne des levés a optimisé l’utilisation de chacune des techniques de manière à cibler les zones où elle est la plus efficace.

Sonar à balayage latéral Sondeur multifaisceaux Sondeur de sédiments

Construction de couches de données à partir de levés par télédétection du site de Trégor, en Bretagne

Comme dans le cas des levés acoustiques, les questions de largeur de fauchée et d’empreinte au sol des instruments utilisés pour un levé aéroporté ont des effets sur l’espacement des fauchées, mais dans le cas des levés aéroportés, on contrôle généralement mieux l’altitude choisie.

Comme les différents instruments n’ont pas tous la même capacité à détecter les structures et les habitats benthiques, le recours à un ensemble de techniques entraîne le besoin d’un étalonnage commun de leurs résultats. Cette question a fait l’objet d’un atelier du projet MESH sur l’« interétalonnage », qui a montré que la mise en correspondance des résultats de différentes techniques peut servir à valider des interprétations et mettre en évidence des artefacts d’une technique donnée. L’interprétation combinée des données acquises à l’aide d’un certain nombre de techniques de télédétection permet de réaliser des synergies. L’atelier cité plus haut a porté principalement sur des techniques employées dans le cas d’herbiers de zostères (Zostera marina). Voir le fichier Intercalibration Workshop Report.pdf.

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