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1.3.5 - Quelle est la taille d'un habitat ?

Dans le document Version intégrale (Page 39-42)

L’échelle est un élément majeur à considérer tout au long du processus de cartographie.

On estime généralement à au moins 25 m2 la taille minimale d'une unité d’habitat marin.

Cette taille résulte d’un compromis entre les capacités des instruments de télédétection à identifier les unités et l’aptitude de l’œil de l’observateur à intégrer et résumer un ensemble complexe en une entité dominante. Cette convention relative à la taille a aussi été établie sur la base de considérations pratiques, en ayant à l'esprit la cartographie des habitats et ses contraintes. Toute biocénose qui occupe une zone plus petite, ou encore toute niche particulière à l'intérieur d'une unité d’habitat (p. ex. cuvettes des milieux exposés, rocher isolé sur un fond sédimentaire), devrait être considérée comme une propriété de cette unité.

Les cartes imprimées d'usage courant telles que les cartes topographiques de l'environnement terrestre (p. ex. les cartes topographiques de l'I.G.N.) et les cartes de navigation ont typiquement une échelle de 1/10 000, 1/25 000 ou 1/50 000. Plus le dénominateur (le second nombre) de l'échelle est grand, plus le territoire représenté sur une même surface est grand. Un carré de 5 m × 5 m correspond à un carré de 1 mm × 1 mm sur une carte dont l'échelle est de 1/5000 ! Un tel carré est trop petit pour être représenté sur une carte typique d'usage courant, et un habitat doit donc être plus vaste pour pouvoir être représenté. Par conséquent la taille minimale d'un habitat n’est pas la même que l'unité minimale d'aire qui peut être représentée sur une carte ; cette dernière porte le nom de plus petite unité cartographique. Ces notions d'aire, d'échelle et de niveau de détail des habitats sont abordées dans la prochaine section 1.4 « Que veut-on cartographier ? », qui porte sur la manière de déterminer ce qui doit être cartographié.

Il n'y a pas de limite supérieure à l'aire couverte par un même habitat, et certains habitats, par exemple les plaines côtières sédimentaires, peuvent couvrir plusieurs centaines de kilomètres carrés. Tant du point de vue écologique que physique, les habitats peuvent varier énormément quant à leur étendue, de quelques mètres carrés à des dizaines ou à des centaines de kilomètres carrés, avant que leurs caractéristiques changent suffisamment pour justifier la définition puis la cartographie d'un type d'habitat différent. La taille des habitats a tendance à être petite dans les zones intertidales (parce que les conditions du milieu changent rapidement sur de petites distances) et à être très grande dans les profondeurs marines, où les conditions du milieu sont uniformes sur de grandes surfaces.

On imagine aisément les complications résultant de l'application à des situations réelles d'une taille minimale des habitats, en raison de la complexité et de l'hétérogénéité des habitats à une échelle fine. Il faut tenir compte de ces facteurs lorsque l'on regroupe des données en unités d'aire cartographiables à une échelle donnée.

Il est important de noter que la taille d'un habitat n'augmente pas nécessairement lorsque la description de l'habitat devient plus générale. Par exemple, un habitat décrit en termes généraux tels que « rocher intertidal couvert d’algues » pourrait correspondre à un petit affleurement dans une grande plage de sable constituant un habitat défini de manière très précise par l'espèce clé et la catégorie de sédiment (Lanice conchilega dans un sable littoral). Des habitats décrits en termes généraux peuvent couvrir de petites surfaces, et il est possible que les habitats ne constituent pas les meilleures unités pour décrire de très grandes surfaces. Cette notion d'échelle dans la définition des structures benthiques a été étendue pour donner le concept de paysage marin. Il peut s'agir d'un phénomène physiographique important, par exemple un estuaire ou un mont sous-marin, ou d'une grande zone du fond définie surtout par une caractéristique topographique, par exemple une plaine côtière sédimentaire. Les paysages marins sont abordés plus en détail au chapitre 1 « Paysages et habitats – diverses méthodes de classification ».

1.3.5.1 - Frontières et continuums dans l'environnement marin

Définir et cartographier des habitats, c'est leur fixer des frontières et les distinguer les uns des autres dans leur définition ou sur une carte.

La réalité du monde marin est beaucoup plus complexe que cela : souvent, il n'y a pas de frontières claires entre habitats, mais seulement un changement graduel de caractéristiques sur une certaine distance. Parfois, les limites physiques sont nettes, comme dans le cas d'un récif rocheux qui ressort d'une plaine sédimentaire, mais le plus souvent, la transition est graduelle, comme d'un type de sédiment à un autre (p. ex. de vase sableuse à sable vaseux). De la même manière, les frontières biologiques peuvent être nettes, comme entre une forêt de Laminaires et, à une plus grande profondeur, une biocénose dominée par des animaux, à cause de la moins grande luminosité. Par contre, de nombreux changements de biocénose sont graduels, en présence de faibles gradients

des conditions du milieu (p. ex. l'exposition aux vagues et les courants de marée). Le manque de frontières nettes pose de réels problèmes pratiques pour la cartographie des habitats et pour l'élaboration de typologies des habitats capables de subir l'épreuve de la réalité.

1.3.5.2 - Définition d'habitats à différents niveaux de détail – une hiérarchie Pour cartographier des habitats, il faut définir leurs propriétés avec un certain niveau de détail et donc s'attendre à une certaine constance des caractéristiques observées sur l'étendue d'un habitat donné. Cela est faisable à différents niveaux, ce qui introduit la notion de hiérarchie dans la définition des habitats. Par exemple, pour les habitats rocheux de petit fond, on peut définir une zone supérieure hébergeant des Laminaires très denses (une forêt) et une zone inférieure où les Laminaires sont plus clairsemées (une prairie). Ces deux zones (forêt et prairie de Laminaires) peuvent être plus généralement définies comme des « habitats de Laminaires », ce qui crée une hiérarchie des définitions et des unités de cartographie des habitats. Cette zone de Laminaires pourrait elle-même être regroupée avec d'autres communautés d'algues pour définir un habitat encore plus général de« rochers couverts d’algues ».

La définition d'habitats à divers niveaux de détail peut résulter des techniques de levé employées (autrement dit, les techniques déterminent le degré de finesse des types d'habitat définis) ou relever d'une typologie dans laquelle il peut être utile d'avoir à la fois des habitats définis de manière générale et d'autres définis très précisément (voir les sous-sections 1.3.3 « Qu'est-ce qu'une typologie des habitats ? » et 1.3.4 « Quelles typologies sont disponibles ? »). Lorsque des habitats sont définis de manière moins détaillée, on peut s'attendre à des variations plus importantes des caractéristiques à l'intérieur de chaque type, ainsi qu'à une plus grande étendue géographique que dans le cas des sous-types plus finement définis qui les composent.

1.3.5.3 - Paysages et habitats – diverses méthodes de classification

On peut aborder la classification de l'environnement marin de diverses manières et avec différents niveaux de détail, selon le but de la classification, les méthodes employées et les données disponibles. À des fins de gestion environnementale, il est important que la typologie de l'environnement marin ait du sens du point de vue écologique, pour qu'elle puisse appuyer une approche de gestion fondée sur les écosystèmes.

Dans le cas du fond de la mer, la typologie a été généralement définie par la caractérisation des structures benthiques par type d'habitat. Cette approche se reflète dans les diverses typologies nationales et européennes (voir la sous-section 1.3.4 :

« Quelles typologies sont disponibles ? »).

L'approche de la classification fondée sur les habitats ne prend que faiblement en considération des modèles globaux de caractéristiques benthiques telles que la morphologie résultant de processus géologiques et hydrographiques majeurs. Par conséquent, on peut considérer que des formations telles que des monts sous-marins et des estuaires se situent à une échelle plus globale que celle des habitats ; chacune comporte un ensemble de types d'habitat présents à l'intérieur d'une formation définie à l'échelle topographique – à ce niveau de classification, les structures plus globales sont décrites comme des paysages marins que l'on peut considérer comme analogues à des montagnes, vallées, plaines et rivières dans un milieu terrestre. Chaque type de paysage marin comporte un ensemble de types d'habitat, dont certains sont caractéristiques du type de paysage ; de plus, ces types d'habitat peuvent se présenter selon un modèle donné (tel qu'un zonage des habitats du sommet jusqu'à la base d'un mont sous-marin).

D'autre part, de nombreux types d'habitat peuvent être présents dans divers types de paysage (par exemple, des herbiers de phanérogames marines dans des bras de mer, des baies et des estuaires) – ce qui signifie que les deux approches de la classification

sont liées entre elles, mais qu’il est impossible de les intégrer dans une seule typologie hiérarchique (Connor et al., 2006). Le fichier UKSeaMap_FinalReport_Annex7.pdf montre la relation entre habitats et paysages. La figure ci-après, qui représente l'estuaire de l'Exe, au Royaume-Uni, illustre cette relation.

Carte de l'estuaire de l'Exe, au Royaume-Uni, qui illustre la relation entre la typologie des paysages marins et celle des habitats

Alors que l'approche des habitats est très bien adaptée à une typologie détaillée (à échelle fine) du fond de la mer (pour les levés sur le terrain et la cartographie des habitats), la typologie plus générale des paysages marins est particulièrement utile à des fins de gestion à une échelle plus globale, car une telle gestion se fait souvent plus facilement à cette échelle (p. ex. pour un estuaire entier) qu'à l'échelle d'un habitat.

Le milieu pélagique peut faire l'objet d'une classification faisant appel à des caractéristiques hydrographiques (p. ex. la température et la salinité) d'une manière qui soit pertinente sur le plan écologique. Les résultats de cette classification se rapprochent probablement le plus de la notion d'habitat, bien qu'à une échelle très grossière.

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