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2.5.1 - Exigences relatives à une campagne de terrain

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Le rôle d’une campagne de terrain est double. Premièrement, elle doit donner l’information biologique et physique nécessaire pour déterminer ou identifier une classe d’habitat. En général, les programmes de cartographie « directe » utilisent des échantillons pour affecter une classe d’habitat aux types de terrain ou aux polygones où

les échantillons ont été prélevés. La campagne de terrain ne devrait pas avoir une grande influence sur la segmentation du territoire à lever ; son rôle se limite à déterminer les classes d’habitat dans des territoires qui ont déjà été cartographiés par interprétation directe d’images de télédétection (photographies aériennes ou mosaïques de faciès acoustiques). Vue ainsi, la cartographie directe ressemble à de la « peinture à numéros », où l’on affecte un attribut (une couleur) à une zone prédéfinie. Par contre, dans la cartographie « modélisée », la segmentation initiale du territoire à lever ne fait qu’orienter la campagne de terrain. Une fois les échantillons recueillis, la segmentation initiale est abandonnée, et l’on procède à une analyse intégrée des données biologiques et physiques ainsi que des données sur la couverture (données de télédétection ou résultant d’un modèle spatial) pour produire une carte où les habitats sont classifiés. Ainsi, les données de terrain ont une influence non seulement sur la classification, mais aussi sur la délimitation des habitats. Le chapitre 4 « Comment réalise-t-on une carte ? », fournit des explications plus détaillées sur ces deux approches de la cartographie, mais les deux exigent des données fondamentales sur la nature physique des substrats et sur leurs biocénoses. Voir à ce sujet les paragraphes 2.5.1.1 « Données physiques » et 2.5.1.2

« Données biologiques » du présent chapitre.

En second lieu, une campagne de terrain donne l’occasion de vérifier la validité, la nature et l’emplacement des frontières supposées entre les types de terrain, les segments ou les habitats déterminés auparavant, ce qui requiert une forme d’échantillonnage par l’observation. Pour des cartes vectorielles aussi bien que maillées, il faut vérifier que les frontières tracées correspondent sur le terrain à de réels changements d’habitat et non à des artefacts des données de télédétection ou à des erreurs d’interprétation. Un ciel partiellement nuageux risque de produire des ombres différentes sur des photographies aériennes, tout comme les changements de pente sur les images produites par un sonar à balayage latéral. Mais dans un cas comme dans l’autre, cela ne correspond à aucun changement réel de type d’habitat sur le terrain. Le seul fait de constituer des mosaïques d’images peut introduire de fausses frontières d’ombre (voir les orthophotographies de la figure précédente). Lorsqu’une image montre une gradation d’un type de terrain à un autre, l’observation sur le terrain contribue à déterminer la position exacte et le type de frontière (nette ou progressive) entre différents habitats.

Effort d’échantillonnage

L’ampleur de la campagne de terrain requise dépend de plusieurs facteurs, dont l’hétérogénéité du territoire étudié ainsi que les exigences du programme quant au degré de fiabilité des cartes et au niveau de détail de classification des habitats.

Évidemment, un territoire hétérogène comportant plusieurs types de terrain demande davantage d’échantillonnage qu’un territoire homogène où les types de terrain sont peu nombreux. De plus, si un type de terrain est lui-même hétérogène (c’est-à-dire un substrat mixte), il faut davantage d’échantillons pour déterminer la gamme des habitats qu’il contient (voir plus loin la notion d’« analyse d’allocation optimale »).

Le degré de fiabilité d’une carte tend à augmenter avec le nombre d’échantillons, qui abaisse le degré d’incertitude quant à l’exactitude de la classification. L’affectation d’une classe d’habitat sur la foi d’un seul échantillon est moins sûre que si l’on dispose par exemple de cinq échantillons qui ont tous les mêmes caractéristiques. Par conséquent, il faut une densité d’échantillonnage plus grande dans les programmes qui exigent des cartes d’un haut degré de fiabilité. Quatre stratégies d’échantillonnage théoriques ont été présentées à la sous-section 2.3.4 « Stratégie d’une campagne de terrain » et le chapitre 5 « Jusqu’à quel point une carte est-elle bonne ? » aborde plus en détail l’évaluation de la fiabilité d’une carte.

Il est dans la nature des typologies hiérarchiques de faire appel à différents types d’information à différents niveaux typologiques. Par conséquent, plus la classification doit être précise, plus il faut d’information (voir plus haut le tableau du paragraphe 2.1.1.1

d’exemples des niveaux 3, 4 et 5 de la typologie EUNIS). Certains niveaux de la hiérarchie ne requièrent que des données physiques, alors que d’autres nécessitent des données physiques et biologiques, ce qui peut entraîner des exigences d’échantillonnage supplémentaires. Par contre, si un niveau exige à peine plus de détails que le niveau précédent (p. ex. identification de l’espèce plutôt que de la famille des organismes), cette exigence peut être satisfaite par une analyse plus poussée des échantillons disponibles.

Une biocénose comprend à la fois l’endofaune et l’épifaune (en plus de la flore), et il faut donc échantillonner les deux pour obtenir une description complète de l’habitat. Un prélèvement ou appareil unique est rarement adéquat pour l’échantillonnage des deux types de faune. Il est donc normal de les échantillonner séparément avec des appareils et des protocoles spécialement adaptés (voir le chapitre 3 « Comment se fait l’acquisition des données ? »).

Campagne de terrain orientée

Les techniques de terrain peuvent différer grandement entre les domaines intertidal et subtidal. L’observation humaine directe est une technique de terrain particulièrement efficace et très souvent employée en zone intertidale, où les sites d’échantillonnage sont facilement accessibles. Chaque observateur recueille effectivement un grand nombre d’« échantillons » visuels sur une vaste gamme d’échelles spatiales. Il a la capacité d’évaluer très rapidement le littoral par rapport à la carte issue de la télédétection (p. ex.

une photographie aérienne) et d’orienter l’effort (ad hoc) d’échantillonnage vers les zones où il est le plus nécessaire. Un simple levé à pied peut suffire à compléter sur le terrain les données de télédétection. Dans les zones subtidales de petit fond, des plongeurs arrivent à faire des observations directes aussi efficaces, mais les zones qu’ils couvrent sont limitées par la mobilité et la visibilité sous l’eau.

Exemples de diverses techniques de campagne de terrain. De gauche à droite : levé à pied, plongée en eau peu profonde, levé vidéo, prélèvement à la benne. (Crédits photo : 1 et 2 – JNCC, 3 et 4 – Cefas)

Pour les zones de plus grand fond du domaine subtidal (en général au large du littoral), la campagne de terrain repose souvent entièrement sur l’utilisation d’une variété de dispositifs d’échantillonnage à distance tels que bennes, chaluts, caméras vidéo et appareils photographiques, dont le choix est abordé à la sous-section 2.5.2 « Choix d'un ensemble d'outils ». Comme l’effort d’échantillonnage ne peut pas être orienté ad hoc par des observations directes, il faut déterminer la densité d’échantillonnage d’après des règles a priori. Ces règles sont abordées plus en détail à la sous-section 2.5.3

« Conception d'une campagne de terrain ».

Nombre d’échantillons

La campagne de terrain constitue une étape cruciale de la classification des habitats. Elle doit donc être efficace sans être excessive. Le risque d’être surchargé d’échantillons tient à la fois au nombre d’échantillons et aux modalités d’analyse. Comme l’acquisition d’échantillons est souvent la partie la plus coûteuse d’une campagne de terrain, il semble

normal de s’assurer que l’on tire le maximum de chaque échantillon en le traitant d’une manière approfondie. Il est toujours possible de regrouper des données détaillées pour produire une carte à échelle globale, mais l’inverse est impossible : on ne peut pas déduire des détails à partir de données superficielles. À long terme, il est plus rentable d’acquérir des données une seule fois et de les utiliser à plusieurs reprises, plutôt que de devoir répéter l’échantillonnage pour répondre à différents besoins.

Le choix stratégique d’un ensemble de techniques d’échantillonnage peut réduire l’effort total exigé par une campagne de terrain, étant donné que plusieurs techniques fournissent des données à la fois physiques et biologiques. Par exemple, un prélèvement à la benne est susceptible de donner de l’information tant sur la nature des sédiments que sur la composition de la biocénose. Dans la conception d’une campagne de terrain, il est important de considérer la complémentarité à la fois des sites et des techniques d’échantillonnage. Pour plus de détails à ce sujet, voir les sous-sections 2.5.2 « Choix d'un ensemble d'outils » et 2.5.3 « Conception d'une campagne de terrain ».

Descripteurs des conditions environnementales importantes pour la détermination des classes d’habitat

des zones littorale, infralittorale et circalittorale Salinité

(parties/1000) Courant de marée

(nœuds) [m/s] Exposition aux vagues (catégorie)

Une campagne de terrain constitue également une occasion d’acquérir des données ou de l’information (observations) environnementales servant de descripteurs des classes d’habitat, telles que la salinité, les courants de marée et l’exposition aux vagues (voir le tableau ci-dessus). Des mesures précises des variables (p. ex. le courant de marée) ne sont généralement pas nécessaires, et les bornes des catégories mentionnées dans le tableau (p. ex. « fortes marées » pour un courant de marée de 1,5 à 3,0 m/s) sont données à titre indicatif et non définitif.

2.5.1.1 - Données physiques

La campagne de terrain doit viser à fournir de l’information sur les propriétés géophysiques du substrat benthique, qui ont une forte influence sur les types d’organismes qu’il est capable d’héberger. Il est sage de déterminer avec précision le genre d’information physique que les échantillons de la campagne de terrain doivent donner, car cela permet de savoir si une analyse sommaire suffit ou s’il faut une analyse détaillée (beaucoup plus longue et coûteuse).

Dans le cas de sédiments, une analyse granulométrique peut être requise pour déterminer la répartition de la taille des grains. En plus de donner le type des grains (vase, sable, gravier, etc.), cette analyse indique jusqu’à quel point les sédiments sont uniformes ou mixtes (p. ex. gravier sableux, sable vaseux, sable graveleux). Une analyse des caractéristiques physiques et chimiques des sédiments (p. ex. compacité, tensions de cisaillement, porosité, contenu en oxygène selon la profondeur, etc.) peut également être souhaitable. La proportion de matériaux biogènes (p. ex. fragments de coquille) peut aussi influencer l’adéquation d’un substrat comme habitat pour un organisme particulier.

Des comptes rendus d’analyses granulométriques et géophysiques sont donnés dans la recension MESH des normes et protocoles pour la cartographie des habitats benthiques, contenue dans le fichier MESH_Standards_&_Protocols_2nd Edition_26-2-07.pdf (Coggan et al., 2007). Il est à noter que les analyses détaillées de sédiments sont longues et coûteuses, et qu’elles donnent parfois beaucoup plus d’information que certaines typologies des habitats n’en requièrent.

Détermination de la répartition de la taille des grains d’un échantillon de sédiment (à gauche) par des techniques de tamisage à sec (au centre) et humide (à droite) (photos gracieuseté du Cefas)

Dans le cas des substrats durs (rocher, blocs, gros cailloutis), une interprétation lithologique peut être utile, car divers types de roche ont des propriétés physiques différentes (p. ex. dureté, friabilité) qui ont une influence sur les types d’organismes qui les colonisent (p. ex. les organismes

fouisseurs préfèrent des roches plus tendres).

Pour certaines typologies, une description générale suffit si elle comporte une indication du type principal de substrat et de sédiment (p. ex. cailloutis, gravier sableux, sable vaseux, etc.). Il existe plusieurs typologies des sédiments. Le tableau ci-après compare les trois typologies les plus souvent employées pour les programmes européens de cartographie des habitats : les typologies Folk, Wentworth et MNCR. La typologie EUNIS utilise la terminologie de la typologie MNCR, mais à certains niveaux elle recourt à des termes vagues tels que

« mixte » ou « grossier », faciles à affecter à une structure par simple observation visuelle.

2.5.1.2 - Données biologiques

L’information biologique recherchée dans la campagne de terrain dépend en grande partie de la portée du programme de cartographie. Certains programmes ne demandent qu’une description sommaire des habitats et n’exigent aucune information biologique.

D’autres se contenteront d’une description générale des biotes à l’aide de catégories des formes de vie telles que « prairie de Laminaires » ou « herbier de Zostera » que l’on peut déterminer par simple observation. D’autres exigeront une analyse quantitative complète visant l’identification des habitats à un niveau détaillé d’une typologie (p. ex. niveaux 5 et 6 de la typologie EUNIS), ou encore une analyse statistique solide afin de distinguer des biocénoses selon leur composition. Le niveau de détail requis doit être déterminé à partir du rapport sur la portée du projet (voir sous-section 2.1.2) et du cahier des charges des levés (voir sous-section 2.3.5).

Aux fins de la cartographie des habitats, l’information biologique se limite à la macrofaune et à la macroflore. La macroflore se limite à la zone photique et est généralement fixée à un substrat. La macrofaune est présente à toutes les profondeurs. Elle comprend l’endofaune (vivant dans le substrat) et l’épifaune (vivant sur le substrat) ; elle est sessile ou mobile. Cela a des conséquences sur le cahier des charges de la campagne de terrain, car il n’y a pas de méthode unique permettant d’échantillonner de manière efficace tous ces éléments fauniques. Certains se prêtent mieux que d’autres à l’échantillonnage (ou au recensement), avec pour résultat que les typologies existantes peuvent favoriser l’endofaune dans une partie et l’épifaune dans une autre. Il faut dont une bonne connaissance pratique des typologies existantes pour que la campagne sur le terrain fournisse l’information biologique voulue.

Lorsque le programme de cartographie commande des prélèvements (par opposition à une simple observation), l’objectif visé est de décrire la composition de la biocénose par la liste et l’abondance relative des espèces présentes, qui peuvent être établies par des moyens quantitatifs ou semi-quantitatifs. Des mesures quantitatives sont données par l’abondance (nombre d’individus de chaque espèce) ou la biomasse (poids total des individus de chaque espèce). Il est souvent bon de noter les deux, afin de ne pas laisser de côté les organismes coloniaux ou incrustés, indénombrables du fait qu’ils n’existent pas en tant qu’« individus ». L’abondance et la biomasse des organismes sont les quantités les plus souvent mesurées lorsque l’on fait des prélèvements, par exemple à la benne ou au chalut. Par convention, on exprime l’abondance en nombre par unité d’aire, même dans le cas de prélèvements à la benne ou de carottages susceptibles de donner chaque fois des volumes de sédiments différents.

Des mesures semi-quantitatives consistent à noter la présence de chaque espèce sur une échelle d’abondance relative comme l’échelle « SACFOR » (voir le tableau suivant) mise au point pour les études du programme MNCR (Marine Nature Conservation Review – Examen de la conservation de la nature en milieu marin) sur les habitats marins (voir la page http://www.jncc.gov.uk/page-2684 pour de plus amples détails sur son utilisation).

De telles échelles conviennent surtout lorsque l’on observe les biocénoses sur place, par exemple sur le littoral, en plongée ou avec des photographies et vidéos sous-marines.

Elles sont particulièrement utiles dans les habitats où la faune et la flore caractéristiques sont fixées au substrat (p. ex. un affleurement rocheux) et ne se prêtent pas à des mesures quantitatives de l’abondance et de la biomasse. On évalue alors l’abondance relative des espèces selon leur densité ou leur pourcentage de couverture d’une certaine surface (p. ex. 1 m2).

Échelle « SACFOR »

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