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Stockage des COV et en particulier du 2-phényléthanol

2-phényléthanol

S’il est logique de trouver à la fois une lipoxygénase et des acides gras odorants dans les oléosomes, il l’est moins d’y localiser des COV sans les enzymes qui les synthétisent. C’est le cas des terpènes et des composés aromatiques pour lesquels aucune des enzymes de biosynthèse n’a été identifiée dans le protéome de la fraction vésiculaire. En ce qui concerne les terpènes, seuls des monoterpènes ont été retrouvés dans la fraction vésiculaire. Aucun des sesquiterpènes détectés dans les extraits totaux n’a été mis en évidence. Ce résultat est logique pour les sesquiterpènes faiblement concentrés mais illogique pour les sesquiterpènes à forte concentration comme le germacrène D chez la variété ‘Grégory Lemarchal’ et le farnésol chez les deux variétés étudiées. Ce résultat est d’autant plus surprenant que d’autres sesquiterpènes semblent être localisés dans des vésicules du réticulum du spadice d’une Aracée, Sauromatum guttatum (Skubatz et al., 1995) en mélange avec les autres familles de COV (Skubatz et al., 1996). Nous avons donc soit un problème technique dû à la difficulté d’extraire des COV par broyage et flottaison, soit une localisation différentielle des sesquiterpènes, chez la rose, et/ou à ce stade de développement. A l’opposé, plusieurs monoterpènes ont été retrouvés dans la fraction vésiculaire. C’est le cas du géraniol, détecté dans la fraction vésiculaire de la variété ‘Caprice de Meilland’ chez laquelle ce composé est majoritaire dans les extraits totaux. C’est aussi le cas de tous les monoterpènes en forte concentration dans les extraits totaux de cette

137 variété : nérol, citronellol et géranial. La très forte lipophilie de ces composés explique qu’ils soient retrouvés dans la fraction vésiculaire. Il est malheureusement difficile de savoir s’ils y sont naturellement avant extraction ou s’ils s’y retrouvent par affinité après l’extraction. Néanmoins, nos colorations au Nile Red et au NaDi, colorant respectivement les TG et les terpènes, indiquent que toutes les cellules du pétale contiennent des oléosomes mais que seuls les épidermes contiennent des gouttelettes terpéniques. Ces deux populations de vésicules se retrouvent d’ailleurs lors de l’extraction. Nous savons par ailleurs chez la rose, que seuls les épidermes synthétisent des COV (Bergougnoux et al. 2007). Il est donc possible de proposer un modèle dans lequel les COV rejoindraient les oléosomes des cellules dans lesquels ils sont synthétisés, c’est-à-dire les cellules épidermiques (Figure 39). Dans une revue de synthèse, Guo et al. (2009) expliquent que les corps lipidiques des animaux pourraient avoir des rôles différents selon les organes et les tissus. Ces corps lipidiques étant structurellement identiques aux oléosomes des végétaux (corps de TG entouré d’une monocouche de phospholipides stabilisées par des protéines de structure), il est possible d’envisager qu’ils aient aussi plusieurs rôles, et en particulier un rôle de stockage des terpènes dans les tissus épidermiques des pétales.

138 Figure 39 : schéma modèle de la biosynthèse, des possibilités de stockage et de transport des COV dans les cellules épidermiques des pétales de rose. AL : acide linoléique ; LOX : lipoxygénase ; E-2-H :E-2-hexénal ; L-phe : L-phénylalanine ; 2-PE : 2-phényléthanol ; TA : transport actif ; DF : diffusion passive ; CA : composés

139 aromatiques ; AG : acides gras ; GPP : géranyl diphosphate ;GGPP : géranylgéranyl diphosphate ; DMAPP : diméthylallyl diphosphate ; CD4 : caroténoïde 4-dioxygénase ; OOMT :orcino-O-méthyl transférase ; DMT : 3-5 diméthoxytoluène. Il y a trois possibilités de sécrétion. (a) Sécrétion granulocrine : les vésicules lipidiques (oléosomes, plastoglobules) pourraient stocker ou véhiculer les différentes catégories de COV. Ces vésicules contiendraient également les enzymes nécessaires à leur synthèse. (b) Transport actif : il serait envisageable que les COV soient excrétés par des transporteurs ABC. (c) : Diffusion passive : les COV passeraient à travers la membrane plasmique par diffusion passive.

Des composés aromatiques sont aussi retrouvés dans la fraction vésiculaire. Il s’agit du DMT chez la variété ‘Caprice de Meilland’ et du 2-phényléthanol chez la variété ‘Grégory Lemarchal’. Dans les deux cas, il s’agit des composés aromatiques les plus abondants dans les extraits totaux. Ces composés sont moins lipophiles que les terpènes ou les acides gras odorants, il pourrait donc être surprenant de les retrouver dans cette fraction. Néanmoins, la localisation de l’enzyme de biosynthèse du DMT n’est pas complètement connue. Il s’agit d’une orcinol-O-méthyl transférase (OOMT) dont la localisation passe progressivement d’une fraction cytosolique à une fraction microsomale lors de l’épanouissement de la fleur alors qu’aucun peptide-signal ne laisse supposer un tel adressage (Scalliet et al. 2006). Nous avons séquencé cette OOMT dans notre protéome. Il est donc possible que l’enzyme de biosynthèse passe momentanément au contact des oléosomes et qu’une partie du DMT formé reste dans ce compartiment. En ce qui concerne le 2-phényléthanol, nous avons montré un décalage dans sa biosynthèse lors de l’épanouissement de la fleur. Le transcrit du gène RhPAAS est détecté avant l’ouverture de la fleur mais le 2-phényléthanol l’est bien plus tard. Ce composé semble être stocké durant la floraison. Dunphy (2006) a montré un stockage sous forme glycosylée. Nous pouvons envisager un stockage alternatif, sous une autre forme, dans les oléosomes comme il semble que ce soit le cas dans la variété ‘Grégory Lemarchal’. Cette hypothèse peut être appuyée par les travaux de Strehle et al. (2005). Les auteurs localisent en effet de l’anethole, un phénylpropanoïde, dans des vésicules lipidiques de graines d’anis. Dans d’autres vésicules, du même type que celles contenant l’anethole, ils localisent des phospholipides. Leur technique d’imagerie est issue de la spectroscopie Raman. Nous avons déjà établi des liens avec cette équipe et nous envisageons de colocaliser des acides gras et des COV. La seule limite est celle de la résolution, leurs vésicules font plus de 10 µm alors que les nôtres font entre 1 et 2 µm. Une amélioration technique sera donc nécessaire. Quoi qu’il en soit, même s’il reste beaucoup d’incertitudes dans notre modèle, il semble bien que

140 certains COV passent au moins transitoirement par les oléosomes. Hudak et Thompson (1997) et Hudak et al. (2000) ont déjà posé cette hypothèse après avoir détectés la plupart des familles de COV dans la fraction vésiculaire des pétales de Dianthus caryophyllus. La différence avec nos travaux est que d’un article à l’autre, ils ne confirment pas que cette fraction vésiculaire correspond bien à des oléosomes et préfèrent la nommer « lipid-protein particles ». Les auteurs précisent que ces « lipid-protein particles » ressemblent à des oléosomes mais proviennent d’un recyclage de la membrane plasmique. Ils y trouvent d’ailleurs le marqueur ATPase que nous avons aussi trouvé dans notre protéome. Par ailleurs, il est désormais établi chez les animaux que les corps lipidiques transportent des éléments membranaires (Guo et al., 2009) ; ce qui pourrait aussi être le cas des oléosomes, expliquant ainsi la présence d’une ATPase membranaire dans ce compartiment.