• Aucun résultat trouvé

Hypothèses sur les mécanismes de sécrétion

Chez les végétaux, deux mécanismes fondamentaux sont admis malgré le fait que les mécanismes cellulaires de la sécrétion soient très mal connus (Fahn, 2000). Le premier cas, nommé la sécrétion eccrine, consiste au passage des molécules à travers la membrane plasmique. Dans ce type de sécrétion, deux mécanismes sont observés : la diffusion passive et

42 le transport actif. Dans le second cas, nommé la sécrétion granulocrine, la fusion des vésicules d’exocytoses avec la membrane plasmique ou l’invagination de la membrane entraîne le détachement des vésicules dans le cytoplasme.

1. Diffusion passive

Des arguments soutiennent la théorie du mécanisme de diffusion passive. Le mécanisme d’émission du parfum des fleurs, étudié dans les pétales de Petunia axillaris, est basé sur la concentration endogène et la volatilité du benzaldéhylde, du méthylbenzoate et de l’iso-eugénol. Le taux d’émission de chacun de ces COV oscille de façon synchrone avec la concentration endogène (Figure 9). La volatilité d’un COV est déterminée par son point d’ébullition. En effet, plus celui-ci est faible, plus le COV est émis rapidement. Une corrélation est trouvée entre le point d’ébullition des COV et la quantité émise de COV chez le pétunia. (Oyama-Okubo et al., 2005). Néanmoins cette corrélation n’est pas universelle puisque, par exemple, chez le cédratier, l’abondance des COV émis par les pétales n’est pas en rapport avec la volatilité ; le limonène a un faible point d’ébullition et pourtant il est accumulé dans les tissus alors que le linalool, le plus abondamment émis, a un fort point d’ébullition (Altenburger et Matile, 1990). Ces études sur la diffusion passive mettent en évidence des contradictions permettant d’affirmer la difficulté de lier la volatilité d’un composé avec son émission.

43 Figure 9 : concentration endogène du méthylbenzoate dans les pétales du pétunia au stade FE et émission du méthylbenzoate (Oyama-Okubo et al., 2005).

2. Le transport actif

Un seul article tend à montrer que les COV pourraient utiliser un transport actif. Le gène NpABC1 a été cloné chez Nicotiana plumbaginifolia et il code pour un transporteur ABC ATP-dépendant (ATP binding cassette transporter) (Jasinski et al., 2001) localisé dans la membrane plasmique. Dans les feuilles, la présence du sclaréol, un diterpène toxique, augmente l’expression du transporteur entrainant la sécrétion du sclaréol à l’extérieur des cellules. Le transport actif pourrait être un modèle plausible chez la rose. Cependant les études ont porté sur le sclaréol, diterpène toxique et non volatil, ce qui n’est pas le cas pour les parfums qui sont des molécules volatiles.

44

3. La sécrétion granulocrine

Dans les cellules épidermiques du pétale des roses, la sécrétion granulocrine des COV n’a jamais été démontrée. Dans le cytoplasme des cellules, lorsqu’une certaine température est atteinte, des gouttelettes contenant de l’huile essentielle pourraient diffuser à travers la paroi cellulaire et la cuticule (Esau, 1965 ; Fahn, 2000).

Dans les cellules épidermiques du pétale de rose, des corps cytoplasmiques, de nature peut-être lipidique, ont été mis en évidence pouvant peut-être reliés à la sécrétion des monoterpènes (Stubbs et Francis, 1971). De plus, dans les cellules des épidermes de pétales de roses parfumées, de nombreuses vésicules lipidiques de petites tailles sont observées ainsi que des vésicules plus grosses indiquant un contenu terpénique (Figure 10). La présence de ces gouttelettes lipidiques pourrait être liée au stockage et/ou à la sécrétion des composés terpéniques. Ainsi, chez la rose la sécrétion granulocrine est très peu connue et beaucoup d’incertitudes subsistent. Il est intéressant de chercher dans la bibliographie si des vésicules lipidiques ont été mises en évidence dans les pétales d’autres espèces. Dans les pétales d’œillet, Dianthus caryophyllus, certains métabolites secondaires lipidiques, incluant des COV, comme les dérivés d’acides gras, pourraient être stockés et libérés par bourgeonnement de vésicules à partir du réticulum endoplasmique ou de la membrane plasmique (Hudak et Thompson, 1996 ; Hudak et Thompson, 1997).

45 Figure 10 : micrographies optiques après une coloration avec le réactif de NaDi de cellules de l'épiderme supérieur de pétales de la variété Rosa Generosa 'Sonia Rykiel' Masdogui en A et R. x hybrida ‘The Mac Cartney Rose’ en B et C, au stade BTO. Flèches rouges, vésicules lipidiques contenant des terpènes. La barre représente une échelle de 10 µm (Bergougnoux et al., 2007).

La sécrétion granulocrine a aussi été étudiée dans d’autres organes de différentes espèces. Ainsi, chez l’arum, Sauromatum gutatum, le spadice émet les sesquiterpènes volatils le jour de la thermogenèse. En effet, chez cette espèce, la production de pollen et la réceptivité au pollen sont corrélées à une augmentation de température et à une émission de COV. Quelques jours avant l’émission, des sesquiterpènes sont accumulés dans des poches du réticulum endoplasmique. Le jour de l’émission, ces poches fusionnent avec la membrane plasmique et se vident de leur contenu, qui est alors relâché dans l’atmosphère (Skubatz et al., 1995).

Ces exemples mettent en évidence que différentes catégories de COV ont été repérés dans des vésicules lipidiques. L’observation d’enzyme de voies de biosynthèse des COV a également été montrée dans ce type de compartiment cellulaire. C’est le cas de Marchantia polymorpha où des enzymes de voie de biosynthèse des monoterpènes ont été localisées dans des corps lipidiques (Suire et al., 2000). Ces vésicules pourraient donc contenir des COV mais également les enzymes nécessaires à leur synthèse.

Quelle que soit l’espèce étudiée, les COV sont très difficilement localisables dans les vésicules lipidiques des cellules. En effet, il existe très peu de produits spécifiques permettant de mettre en évidence les terpènes (réactif de NaDi). Les colorations classiques telles que Nile Blue A et Nile Red sont par contre utilisables pour visualiser les vésicules lipidiques, donc peut-être indirectement les COV de nature lipidique. Le problème principal en microscopie

A

C B

46 est que les vésicules observées sur l’échantillon frais peuvent disparaitre lors des procédés de fixation et d’inclusion (Vassilyev, 2000).

Parmi les trois mécanismes de sécrétion, la sécrétion granulocrine s’avère être le plus probable pour le stockage et la sécrétion des parfums malgré les difficultés qui pourront être rencontrées pour visualiser les COV en microscopie. Ainsi, notre étude s’axera plus particulièrement sur la sécrétion granulocrine.