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9. LA PLASTICITÉ CÉRÉBRALE CHEZ LES PATIENTS VICTIMES D’UN ACCIDENT

9.3 Approches thérapeutiques

9.3.3 Stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS)

9.3.3.1 Introduction

La tDCS consiste en l’administration d’un faible courant constant direct dont l’intensité varie entre 1 à 2 mA avec l’usage de deux électrodes placées dans des éponges imbibées de solution saline et dont la durée peut varier entre 10 à 40 min (194, 204). Les sites d’applications sont choisis selon une cartographie basée sur des techniques d’imagerie telles que l’EEG et correspondent généralement à l’aire motrice primaire au niveau de l’hémisphère lésé ou l’hémisphère contralatéral (194). Elle se présente sous trois modes d’application : anodale, cathodale ou bipolaire. La tDCS anodale facilite la dépolarisation des neurones sous-jacente à l’application en modulant le potentiel membranaire de celles-ci. Elle peut ainsi augmenter l’excitabilité de l’hémisphère atteint. La tDCS cathodale hyperpolarise le potentiel de repos membranaire, ce qui permet de diminuer la décharge neuronale du cortex non lésé. L’application bipolaire offre la possibilité de combiner ces deux effets (194, 205, 206). Son utilisation chez les patients post-AVC est basée sur l’idée que l’interaction maladaptive interhémisphérique post-AVC peut entraver la fonction motrice tel qu’expliqué dans la section a du point 9.2.2.1 (193, 194). Cette technique de stimulation présente aussi l’avantage d’être peu coûteuse, non invasive, sécuritaire et simple à

utiliser (194, 207). Elle peut être appliquée seule, avant ou pendant l’entrainement moteur.

9.3.3.2 Effet thérapeutique

La tDCS se présente comme une thérapie adjudante prometteuse pour les patients post-AVC en phase subaigu et chronique. En effet, en combinaison avec le traitement conventionnel en physiothérapie, celle-ci offre des résultats intéressants. Ainsi, son efficacité a été discutée dans la revue de Peters et al., qui inclut 15 essais cliniques randomisés et contrôlés, quatre essais cliniques contrôlés et non randomisés, trois essais cliniques randomisés et croisés, trois séries de cas, et une étude de cas (194). Ces études comportaient un nombre de thérapies variant d’une à 28 séances incluant de l’entrainement moteur en plus de la tDCS (194). La majorité des études portaient sur le membre supérieur et ont rapporté des effets positifs au niveau de la fonction motrice. La tDCS anodale semble avoir un effet supérieur aux autres types de montages, qu’elle soit appliquée avant ou pendant la thérapie (194, 208). Cependant, la composante cathodale lors du montage bipolaire peut augmenter les effets directs de la composante anodale en diminuant les effets inhibiteurs du cortex non lésé (209). Une intensité élevée de stimulation, soit entre 1,5 mA à 2 mA, a de meilleurs résultats comparés à des intensités plus basses et elle donne des meilleurs résultats au niveau de la récupération motrice lorsqu’elle est utilisée comme une thérapie adjudante à l’entrainement moteur (194). Ainsi, la tDCS peut être vue comme une thérapie qui exploite directement le tissu neural survivant suite à la lésion en augmentant l’efficacité synaptique, et ce avec des montages simples qui permettent une activité motrice simultanée. Elle peut donc amorcer les circuits neuronaux impliqués dans la tâche motrice pratiquée lors de la réadaptation ou permettre un effet positif additionnel aux effets de l’entrainement moteur (194). Les améliorations au niveau fonctionnel sont associées à une augmentation de l’activité au niveau des aires ipsilésionnelles (208). Ces effets sont cumulatifs et peuvent perdurer au moins une semaine post-intervention (209). Puisque la tDCS agit au niveau de l’efficacité synaptique, ces effets post- intervention peuvent être expliqués par les mécanismes de potentialisation ou dépression à long terme (194). Une meilleure activation au niveau des aires stimulées ainsi qu’une augmentation du volume de la matière grise peut être observée (208, 209).

Ainsi, la tDCS se présente comme une thérapie permettant de remédier directement à ces effets en augmentant l’excitabilité du cortex lésé et en diminuant celle du cortex non atteint. Ceci potentialiserait l’efficacité synaptique, induit de la plasticité

neuronale ou interfère avec la plasticité maladaptive et par le fait même augmente les effets et la réponse à la réadaptation (194). D’ailleurs, une corrélation significative peut être observée entre les résultats au niveau du WFMT et les changements observés au niveau de la fMRI (209). Cependant, malgré tous ces résultats prometteurs, la tDCS reste une thérapie non ciblée au niveau de son application. En effet, dépendamment de la grosseur des électrodes utilisées, des aires adjacentes aux aires ciblées par la stimulation peuvent être excitées ou inhibées (210). Aussi, à ce jour nous manquons encore d’évidences par rapport au dosage, au type d’entrainement optimal à combiner avec la stimulation et au moment d’application idéal selon la pathophysiologie et les caractéristiques individuelles à chaque patient (194).

En conclusion, la tDCS est une thérapie complémentaire très intéressante et sécuritaire à ajouter au coffre à outils d’un physiothérapeute travaillant avec les patients post-AVC (194, 207). Elle permet un effet direct sur les structures nerveuses, ce qui n’est pas le cas avec aucune des thérapies traditionnelles utilisées actuellement en réadaptation. Cependant, une meilleure compréhension de l’hétérogénéité du portrait neuroplastique des patients victimes d’un AVC est nécessaire pour personnaliser l’application de ces nouvelles approches. Autrement dit, tel qu’expliqué dans la section C du point 9.2.2.1 un patient qui utilise les réseaux neuronaux de son cortex sensorimoteur contralatéral ne bénéficiera pas nécessairement d’une thérapie qui diminue l’excitabilité de celui-ci. Toutefois, cette même thérapie sera bénéfique chez un patient dont l’effet inhibiteur de l’hémisphère non atteint est corrélé avec les incapacités motrices.