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10. LA NEUROPLASTICITÉ CHEZ LES PATIENTS AVEC DOULEUR CHRONIQUE

10.3 Traitements et approches physiothérapiques

10.3.4 Stimulation électrique et magnétique

Plusieurs modalités électriques et magnétiques émergentes ont désormais défendu leur place en recherche, autant pour évaluer que pour traiter. Le but ultime serait qu’elles aient un jour leur place en clinique, comme elles ont un impact significatif sur la plasticité adaptive des patients avec douleurs chroniques.

10.3.4.1 Stimulation électrique transcrânienne à courant direct La tDCS (transcranial direct current stimulation) est une modalité électrique qui envoie un courant à de très bas niveaux d’intensité (environ 2mA) à travers le scalp dans le but de modifier l’excitabilité corticale (215). En effet, il est possible de l’augmenter ou de la diminuer selon ce qu’on applique comme polarité (226). Des études ont démontré que ce genre de stimulation seule parvenait à réduire la douleur (215, 226). Toutefois, il est également possible de faire du priming, soit d’augmenter le potentiel d’excitabilité en pré-traitement et donc d’assurer une meilleure réceptivité au traitement qui suit. Cette technique de priming a été essayée en combinaison avec du TENS (transcutaneous electrical nerve stimulation) chez des individus avec des douleurs neuropathiques chroniques, afin d’augmenter la réceptivité du cortex au TENS. Il est donc plus facile d’aller chercher les effets bénéfiques spinaux et périphériques induits par le TENS. Une étude a comparé trois groupes, un recevant du TENS, un deuxième recevant du TENS et de la tDCS et un groupe recevant un placebo. Elle rapporte que l’ajout de TENS au tDCS a amené une réduction significative de la douleur (- 36,5%), comparativement à un groupe recevant seulement de la tDCS (- 15,5%) et qu’un groupe recevant un placebo (226). Les régions préférentielles pour le traitement de la douleur chronique sont le cortex moteur et le cortex préfrontal dorsolatéral. Le cortex moteur est l’un des sites de stimulation les plus efficaces dans le traitement des individus avec des douleurs chroniques réfractaires, puisqu’il amène une augmentation du seuil de perception de la douleur et du seuil de perception du toucher léger. Le cortex préfrontal dorsolatéral, quant à lui, agit seulement en augmentant le seuil de la perception de la douleur. Il est également possible de stimuler au niveau des cortex somatosensoriel primaire et secondaire, des noyaux du thalamus, de la substance grise

périventriculaire et de la capsule interne, mais ces sites comportent plus de variations d’efficacité et sont généralement efficaces que chez 20-30% des individus (215).

10.3.4.2 Stimulation magnétique périphérique répétée

L’utilisation de la rPMS (repetitive peripheral magnetic stimulation) peut elle aussi être utilisée comme modalité modulatrice de l’excitabilité corticale. Elle transmet des informations sensorielles, par exemple proprioceptives, qui réactivent les réseaux neuronaux corticaux servant au contrôle sensorimoteur. De cette façon, elle influence la planification motrice et a un imact au niveau spinal, tel que dans le contrôle des réflexes (25). L’avantage d’utiliser la rPMS plutôt que la stimulation électrique est que l’on arrive à une amélioration de la performance motrice sans toutefois recruter les nocicepteurs, puisque les intensités de stimulation sont très basses. Ainsi, il est possible de faire un entrainement moteur tout en s’assurant de ne pas créer de douleurs (25). Par ailleurs, en combinant un entrainement avec une application de rPMS, il est possible d’arriver à une diminution importante de la douleur. Une étude a testé un protocole de rPMS chez des patients avec lombalgie chronique. Ils ont remarqué une diminution considérable des douleurs tout au long de l’expérimentation et ce, dès la première séance (231). Cette diminution de la douleur à la première séance pourrait être attribuée à l’activation de voies descendantes anti-nociceptive et par une inhibition spinale. Il a aussi été démontré qu’en combinaison avec des exercices de contrôle moteur, il y avait un plus grand soulagement des douleurs, par rapport aux exercices de contrôle moteur seuls (avec un placebo). Il a également été possible de voir que l’activation du transverse de l’abdomen et des multifides dans diverses épreuves de contrôle moteur était mieux coordonnée après une semaine d’entrainement avec la rPMS. Ceci sous-tend une hausse de la facilitation des circuits cortico-spinaux du cortex moteur primaire, se traduisant en une diminution de la douleur et des incapacités jusqu’à un mois plus tard. Ainsi, pour ces patients, la rPMS semble une modalité intéressante à combiner avec les exercices de contrôle moteur pour la colonne lombaire et pour aider au soulagement des douleurs liées aux activités de la vie quotidienne. En effet, il ne faudrait que trois sessions pour que la combinaison amène une réduction significative de la douleur pour plusieurs jours (231). La rPMS semble donc avoir une influence sur la neuroplasticité particulièrement dans les circuits synaptiques du cortex moteur primaire et dans les aires fronto-pariétales afin de favoriser un apprentissage moteur et un meilleur contrôle moteur (231).

La TMS (stimulation magnétique transcrânienne) est une modalité qui permet de dépolariser le tissu cortical, donc d’induire des potentiels d’action et d’activer des réseaux de neurones. Elle a donc une fonction d’évaluation de l’excitabilité corticale, entre autres pour le cortex moteur primaire. Pour ce faire, elle induit des potentiels moteurs qui sont enregistrés par électromyographie de surface (EMG) et sont ensuite analysés selon leur amplitude (25).

La rTMS (stimulation magnétique transcrânienne répétée) est donc une série d’impulsions magnétiques envoyées à un site particulier du système nerveux central ou périphérique. La fréquence utilisée aura un impact sur l’influence de la modalité au niveau cortical, soit de venir exciter ou inhiber l’activité, et ce pour une durée entre 30 minutes et quelques heures. Tout comme la tDCS, la rTMS peut être utilisée avant le traitement (pour un effet de priming), pendant ou après le traitement. Les effets de la rTMS seule sont d’environ 10-20% d’amélioration de la douleur autant à court qu’à long terme, soit un effet plutôt modeste (25). Pour le traitement de la douleur chronique, le cortex moteur primaire sera souvent la cible principale, mais on retrouve également la stimulation du cortex préfrontal dorsolatéral, qui a l’action de venir diminuer les dysfonctions du cortex moteur. Ces effets neuroplastiques associés à la diminution de la douleur sont en lien avec des changements dans le comportement et dans la fonction. Ainsi, certaines études avancent que la rTMS pourrait servir de biomarqueur fonctionnel pour la douleur chronique (215).

10.3.4.4 Stimulation Tetha-Burst

Une alternative intéressante à la rTMS est la TBS (theta-burst stimulation). Elle a été proposée comme elle peut être utilisée sur de plus courtes durées et à moindre intensité que la rTMS, tout en ayant des effets sur l’excitabilité corticale plus démontrés et sur une plus longue période. Cette modalité permet également de moduler l’excitabilité corticale selon qu’elle soit appliquée de façon intermittente ou continue. Il est supposé que le concept sous-jacent serait donc similaire à celui de la TMS, soit d’intervenir sur les patrons d’activation des réseaux de neurones. Par ailleurs, la TBS aurait également un effet sur l’expression de certains gène, tels que le BDNF (25), présenté plus tôt comme l’un des facteurs neurotrophiques les plus impliqués dans la régulation de la plasticité synaptique dans le cerveau adulte. Cela aurait donc la possibilité de venir jouer sur la neuroplasticité directement.