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7. LA NEUROPLASTICITÉ À LA SUITE À LA PERTE DRASTIQUE ET SOUDAINE

7.6 L’optimisation de la plasticité cérébrale chez les amputés en physiothérapie

7.6.1 L’évaluation de la plasticité cérébrale chez la clientèle amputée

Le concept de réorganisation corticale s’établit de plus en plus grâce aux techniques d’imagerie, entre autres, par résonnance magnétique dans le domaine de la recherche(86). La plasticité chez la clientèle amputée est évaluée avec la TMS(63, 70, 78, 83, 87). Elle a été démontrée fiable à court terme pour former des cartes corticales chez la clientèle amputée(88). Il y a ensuite la tomographie(70, 89), l’imagerie par résonnance magnétique(IRM) fonctionnelle ou non(37, 66, 67, 71, 72, 79, 80, 84, 90), le

Near Infrared Spectroscopy (NIRS) (91) et l’électroencéphalogramme(85, 91). La NIRS

est une modalité plus récente et utile pour attester des adaptations anatomiques en lien avec la désafférentation et la douleur(42). Le mouvement fantôme, peut être vu avec l’activité des muscles restants au bout du moignon avec l’EMG de surface combinée à la TMS pour vérifier la représentation corticale du muscle testé(24, 63) ou à l’aide de signal BOLD au fIRM(72). Actuellement en clinique la prise en charge d’un patient amputé suit un protocole. Notamment, au département Amputés de l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay de Montréal (IRGLM), l’évaluation subjective inclut un questionnaire distinguant bien douleur, sensations fantômes et douleur au moignon, lesquels sont tous cotés sur l’échelle visuelle analogue. Aucun autre test objectif n’est fait pour quantifier ce qui est rapporté subjectivement (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017).

7.6.2 Les approches en physiothérapie influençant la réorganisation corticale

Les physiothérapeutes œuvrant avec la clientèle amputée utilisent déjà des modalités qui ont un impact indirect sur la neuroplasticité, tel que démontré dans le texte suivant. L’entraînement moteur et prothétique, l’imagerie mentale, la relaxation et la thérapie miroir sont toutes des modalités utilisées en clinique (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017) et diminuant la plasticité maladaptive. Toutefois, les effets neuroplastiques ne sont pas la raison première de leur utilisation. Elles sont utilisées pour leurs effets de diminution de douleur fantôme et d’augmentation de mouvement fantôme, améliorant l’appareillage (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017).

7.6.2.1 Entraînement moteur avec prothèse et prothèse myoélectrique

La douleur fantôme peut être diminuée par les exercices thérapeutiques(24). La rééducation motrice de longue durée (8 semaines) est à privilégier en clinique pour un meilleur contrôle moteur du membre amputé mesuré au Fugl-Meyer(89). Ces résultats sont encourageants, mais il serait intéressant de refaire la même étude, en mesurant le contrôle moteur à l’aide d’un outil différent, le Fugl-Meyer n’étant validé que chez la population atteinte d’AVC (92). La rééducation du mouvement fantôme est pratiquée en clinique (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017). Cette rééducation motrice influence l’organisation du M1 et la douleur fantôme. L’entraînement avec prothèse myoélectrique (prothèse activée par les signaux électromyographiques des muscles du moignon), étant une forme d’entraînement moteur, serait associé à une moins grande réorganisation corticale sensorimotrice. Cela suggère un renversement de la plasticité maladaptive chez les amputés souffrant de douleur fantôme(24, 53, 64, 93). L’utilisation de prothèse myoélectrique active le M1 et S1, ainsi que le cervelet(89). Elle apporte aussi une plus grande perfusion dans les aires de planification et d’exécution du mouvement, ce qui est bénéfique pour le contrôle de la prothèse(89). Dans une étude préliminaire, la prothèse myoélectrique est plus efficace pour diminuer la douleur fantôme que la prothèse cosmétique ou l’absence d’utilisation de prothèse(94). Toutefois, une seule autre étude n’a pas relevé d’association entre l’utilisation de prothèse, la diminution de douleur fantôme et de réorganisation motrice et sensorielle corticale(95).

7.6.2.2 Imagerie mentale

Il y a des évidences que l’imagerie mentale diminue la douleur fantôme(44, 90). En clinique les patients anxieux semblent avoir plus de douleur fantôme et la relaxation est utilisée en plus avec ceux-ci (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017). Il semble que l’imagerie mentale de mouvement combinée à la méditation et à la relaxation produit un soulagement significatif de la douleur fantôme dans la majorité des cas et que cela est associé à une diminution de réorganisation corticale(90). Avant l’entraînement, le mouvement fantôme imaginé a produit une activation étendue de la région du visage du M1 controlatéral à l’amputation, incluant une activation bilatérale de l’insula(90). Après l’entraînement de mouvement imaginé du membre fantôme, il n’y avait plus d’activation excessive dans la région du visage et de la main, du M1 et du S1, même si celle-ci demeure en partie(90). Cela pourrait donc indiquer une certaine inversion du phénomène de plasticité maladaptive chez l’amputé(24). Dans une autre étude comparant la thérapie miroir à la visualisation chez des amputés du membre inférieur souffrant de douleur fantôme, les auteurs n’ont pas vu de diminution de douleur fantôme dans le groupe visualisation(96). Toutefois, cette étude comportait un petit échantillon dans le groupe visualisation seulement(n=6)(96). Quatre patients sur six avaient vu leur douleur fantôme augmenter à la suite de la thérapie de 15 minutes quotidienne de visualisation pendant 4 semaines. Il faut donc interpréter ces résultats contrastants avec prudence. À la lumière de ces résultats, toutes les études vérifiant l’effet de l’imagerie mentale chez les amputés du membre supérieur ont une issue favorable, alors qu’une étude chez les amputés du membre inférieur a une issue défavorable. Pour ce qui est des pratiques cliniques, il arrive que l’imagerie mentale soit faite avec le psychologue à l’IRGLM. Sachant que l’amputation et la douleur fantôme apportent des modifications dans les aires corticales liées aux émotions et à la représentation de soi, l’accompagnement psychologique se voit bénéfique pour les patients chez qui l’adaptation au nouveau corps est difficile (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017). Ce sont donc des pratiques soutenues par la littérature en neuroplasticité.

7.6.2.3 Thérapie miroir et réalité virtuelle

Grâce à la théorie du mouvement fantôme et sa relation avec la douleur expliquée plus haut, les effets de la thérapie miroir peuvent être compris(44). Elle est effectuée dans une boîte de 2x2 pieds où un miroir est au centre, la main saine d’un côté et de l’autre le membre amputé(61)(Figure 8 (44)). En regardant dans le côté

réfléchissant, le patient y voit un autre membre sain à l’endroit où est son membre fantôme(61). De façon préliminaire, un patient pourra bouger sans difficulté son membre fantôme dans la boîte miroir, les yeux fermés via l’imagerie mentale, car voir le reflet de son membre peut augmenter les douleurs pour certains(44). Pour d’autres, cela a diminué les douleurs et sensations de spasmes (61, 97). Chez les patients qui voient la main saine bouger dans le miroir, plusieurs ont senti leur membre fantôme bouger également(44). Cela peut être vécu aussi par ceux n’ayant jamais senti de mouvement fantôme auparavant(97). La TMS évaluant l’effet de la thérapie miroir démontre un effet de prévention de la réorganisation corticale du M1 controlatéral à l’amputation à long terme et de diminution de la douleur fantôme(72) (Flor et al. 2006 cité dans (61)). Le soulagement est vu à court terme, suggérant la présence d’un mécanisme supplémentaire expliquant l’effet de la thérapie(61). À plus long terme, il peut y avoir un impact des neurones miroirs, car il y a un effet similaire de soulagement lorsque le patient regarde le thérapeute masser le bras sain d’une autre personne(61). Ces neurones, découverts chez les primates, sont dans les lobes pariétaux et frontaux et permettent de déclencher une action copiée (di Pellegrino et al. 1992 cité dans (61). La vision joue donc un rôle dominant dans l’activation des neurones miroirs(61). L’activité dans le M1 désafférenté induite pendant la visualisation du mouvement du membre sain devant le miroir est fortement corrélée avec la capacité de bouger le membre fantôme. Ceci implique donc une activité synergique au niveau cortical(72). La réalité virtuelle pour sa part est un environnement immersif produit à travers un casque(Boyajian 2015 cité dans (56)). Vu les principes énoncés jusqu’ici, l’utilisation de la réalité virtuelle dans le but que le patient intègre la vue d’un deuxième membre est aussi efficace que la thérapie miroir(98). Le mouvement du membre intact retourné vers la vision du membre fantôme à l’écran, à travers la réalité virtuelle, peut être utilisé pour traiter la douleur fantôme, mais les paramètres optimaux ne sont pas connus (Murray et al. 2006 cité dans (64). Les circuits neuronaux impliqués sont semblables lors du réentraînement sensorimoteur dans la réalité(98). La réalité virtuelle offre toutefois plus de paramètres pour ajuster la rétroaction(98) dans sa forme de laboratoire(56). La plupart des études ont relevé un soulagement de la douleur fantôme (> 30% de soulagement)(56). La réalité virtuelle est un outil permettant la répétition dans un objectif thérapeutique lors de l’entraînement moteur, un peu plus étudiée chez la clientèle AVC, entre autres(99, 100). Malgré les perspectives encourageantes, il manque d’études rigoureuses à propos de cette modalité. De plus, en clinique la réalité virtuelle n’est pas applicable pour la

clientèle amputée à l’IRGLM, car la majorité ayant des problèmes visuels aura de la difficulté à percevoir l’image. En revanche, cela serait plus utile chez une clientèle amputée militaire (D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017).