• Aucun résultat trouvé

À la suite d’une lésion ou d’une pathologie, il est possible de retrouver différents effets de la neuroplasticité, dont une réorganisation des connexions entre les neurones, des formations de nouvelles connexions ou encore un changement de l’excitabilité neuronale, afin de pallier les déficits engendrés. Ces changements peuvent tendre vers une récupération spontanée de la fonction, donc vers un type de plasticité dite adaptive. Par exemple, à la suite d’un AVC, le microenvironnement cellulaire se modifie afin de créer un environnement optimal et unique pour les changements plastiques (180). Chez les individus avec une lésion médullaire, il y a une réorganisation des faisceaux nerveux non-lésés pour faire circuler les influx, malgré la lésion qui a interrompu la communication entre les centres supraspinaux et les voies sous-lésionnelles. La plasticité adaptive est définie comme activité-dépendante et est stimulée avec l’ajout d’afférences proprioceptives, d’où l’importance de l'entraînement locomoteur même lorsque les déficits sont importants. En théorie, il faut activer les CPG au niveau spinal et les efférences corticales pour stimuler la plasticité. Toutes les lésions médullaires ont le potentiel de se réorganiser qu’elles soient chroniques ou aiguës, complètes ou incomplètes (116). Avec la clientèle amputée, il y a des changements spontanés engendrés par la modification de la fonction. En effet, le membre sain viendra prendre plus de place dans l’organisation corticale, par son utilisation préférentielle, au détriment du membre amputé (84).

Toutefois, les changements suivant une lésion ou une pathologie peuvent aussi mener à des effets néfastes, tels que la chronicisation de douleurs aiguës musculo- squelettiques, donc vers de la plasticité dite maladaptive. En effet, il est possible de remarquer chez les lombalgiques chroniques qu’il y a une modification des cartes motrices corticales des muscles profonds du tronc, soit des multifides et du transverse de l’abdomen. Ces muscles sont des stabilisateurs et servent beaucoup dans les mouvements anticipatoires. Ainsi, cette désorganisation du cortex moteur primaire est en lien avec une plasticité maladaptive (25). En fait, la maladaptation neuroplastique se traduit fréquemment sous forme de douleurs. En effet, chez les blessés médullaires, il y a souvent des plaintes de douleurs neuropathiques. La plasticité maladaptive aura un rapport compétitif avec la plasticité adaptive dans la moelle épinière ; plus il y a de la place pour l’installation de la plasticité maladaptive, moins la moelle épinière pourra produire de la plasticité adaptive, ce qui se traduira sous forme de douleurs neuropathiques (126). Les amputés, quant à eux, expérimentent souvent des douleurs

fantômes induisant une plasticité maladaptive au niveau cortical, alimentée également par des changements périphériques. Il est possible de remarquer un lien entre l’intensité des douleurs fantômes et l’étendue des changements maladaptifs observés (64, 68, 71). La situation chez l’individu post-AVC est un peu différente. La plasticité maladaptive est plutôt sous la forme d’une diminution de l’excitabilité au niveau de l’hémisphère lésé et d’une augmentation de l’excitabilité de l’hémisphère non lésé. Cela provoque donc une inhibition du cortex lésé, témoignant d’une plasticité maladaptive. Celle-ci peut également être encouragée par les compensations ; en diminuant le niveau d’utilisation du membre atteint, cela amène une diminution de la représentation corticale du membre parétique (13).

En physiothérapie, nous tentons par nos modalités de traitements de pallier aux déficits engendrés par les pathologies et les lésions, tout comme la neuroplasticité adaptive. Idéalement, il faudrait essayer de travailler de concert avec celle-ci et tenter de la moduler en notre faveur. Dans le coffre à outils des physiothérapeutes se trouvent actuellement des modalités de traitements qui tente d’augmenter la neuroplasticité adaptive ou de diminuer la plasticité maladaptive, mais de façon indirecte. Chez les amputés, il y a entre autres l’imagerie mentale, la thérapie miroir et l’entraînement prothétique accompagné d’exercices de renforcement et de mobilité avec prothèse (une forme de contrôle moteur) qui sont des thérapies déjà utilisées en clinique et qui se sont révélées efficaces pour renverser la plasticité maladaptive ou la prévenir (61, 64, 90)(D. Petitclerc, communication personnelle, 2-11-2017).

Les recherches actuelles en neuroplasticité commencent à proposer des approches novatrices de traitement qui potentialisent directement la neuroplasticité. Entre autres, il est possible de diminuer les douleurs fantômes chez l’amputé du membre supérieur en faisant une stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS) sur le cortex moteur primaire, ce qui semble diminuer les douleurs fantômes jusqu’à deux semaines post-traitement (101, 102). Certaines études démontrent aussi de bons résultats en utilisant la réalité virtuelle (56).

De plus, plusieurs modalités novatrices avec des effets directs sur la neuroplasticité se combinent facilement avec le traitement plus conventionnel qui a un effet indirect sur la neuroplasticité. Ainsi, si les cliniciens intégraient dès maintenant la modalité conventionnelle, il leur serait plus facile de s’adapter aux nouvelles technologies magnétiques et électriques qui entreront dans leur clinique dans quelques années. Par exemple, avec les gens qui ont une lésion médullaire incomplète, les

déficits le plus souvent observés sont une diminution du contrôle locomoteur et des capacités motrices sous la lésion. En clinique, il est actuellement possible et recommandé de faire de l’entrainement locomoteur avec support de poids et assistance robotique (exosquelette et Lokomat) pour stimuler la plasticité adaptive et donc les voies sensorielles et motrices non lésées, et ce pour tous les types de lésions. Il a été démontré que cette approche améliore la locomotion et la motricité des membres inférieurs pour les gens avec une lésion médullaire incomplète. Idéalement, il serait possible de combiner cet entrainement locomoteur avec des thérapies neuromodulatrices (rTMS, sDCS et tsDCS), afin de surpasser les effets bénéfiques des modalités seules. En effet, en apportant une stimulation sur le cortex en même temps qu’un ajout d’afférences périphériques, il se produit une synergie des modalités qui décuple l’efficacité de la plasticité adaptive. Également, les neuroprothèses sont actuellement en développement comme alternative future afin de pouvoir combiner les modalités et d’avoir une meilleure adaptation à l’individu en temps réel (174). Il va de même pour les individus avec des douleurs chroniques, chez qui il a été démontré que les exercices de contrôle moteur entraineraient une réorganisation corticale du cortex moteur primaire. En effet, il a été prouvé qu’un lien existait entre la diminution des douleurs chroniques chez les lombalgiques et la réorganisation du cortex moteur primaire. Ainsi, à ce type d’entrainement, il serait possible d’ajouter des stimulations magnétiques ou électriques (rTMS, TBS, rPMS ou tDCS), afin de venir potentialiser la réorganisation du cortex moteur primaire et ainsi diminuer la douleur (25, 215, 225, 226, 231). Finalement, chez les individus post-AVC, il est actuellement possible de faire une thérapie par contrainte induite de mouvement (CIMT) qui permet l’augmentation de la représentation corticale des muscles entrainés. Cette thérapie démontre de très bons effets, mais peut être améliorée en ajoutant de la tDCS pendant l’entrainement avec la CIMT, afin de venir moduler les effets inhibiteurs de l’hémisphère contralésionnel et ainsi potentialiser la plasticité adaptive et limiter celle maladaptive. Il est même possible d’utiliser la tDCS en mode anodal avant la CIMT comme « priming » afin d’amorcer les circuits neuronaux impliqués dans l’entrainement moteur (194, 208).