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C- Limite de mon travail

1. Le Cadre théorique et conceptuel de ma recherche/ explication de mon cadre théorique

1.6 LE MÉTIER D’ENSEIGNANT

1.6.5 Le statut des enseignants haïtiens

Certains textes juridiques traitent du statut des enseignants. Prenons le texte de loi du 29 octobre 1984, qui traite du statut des enseignants haïtiens même si cette loi est désuète. Elle stipule en son article trois : « On entend par enseignant tout professionnel de l’enseignement qui exerce une activité d’éducation formelle ou non formelle au sein des établissements d’éducation dépendant ou reconnus par le Ministère de l’Éducation Nationale105

». En lisant cet article, il a

103

Francis Danvers, Op. cit, pp. 103-104.

104

Claude Dubard, Pierre Trippier, Valerie Boussard, Op. cit, p. 9.

105

un élément très important à souligner tout enseignant est un professionnel. Celui qui n’est pas un professionnel n’a pas le droit d’avoir ce titre. Cet article est inscrit dans une vision fonctionnaliste de la profession. Rappelons que pour le courant fonctionnaliste « une profession est pour l’essentiel, une communauté relativement homogène dont les membres partagent une identité, valeurs, définitions des rôles et intérêts. Cette conception laisse, certes, une place pour une certaine diversité et différenciation (…) et même pour des conflits; mais, de manière générale, la profession est définie par un noyau central106(…) ». Cet article est très paradoxal compte tenu de la typologie des enseignants dans le cas haïtien. Ceux qui portent le titre d’enseignant en Haïti est remis en question très souvent parce qu’il a beaucoup plus de non professionnel dans la profession. C’est difficile de faire la distinction entre le professionnel et le non professionnel. D’ailleurs la question qui revient tantôt, le corps enseignant est-il des professionnels ? Un questionnement difficile à répondre. Si l’on répond par la négation, on conclura qu’il ne s’agit pas d’une profession, vu que l’ensemble des critères pour qualifier un groupe professionnel n’est pas respecté. Par exemple, si l’on considère la catégorie professionnelle des médecins, nous voyons qu’ils ont tous une formation initiale répondant aux mêmes critères de professionnalisation, mise à part la particularité de la recherche à ce niveau, qui confère un statut supplémentaire et les spécialisations qui renvoient à des nuances significatives. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné, la profession d’avocat peut être un modèle d’exemplarité dans l’analyse. Car, à ce niveau, nous pourrions retenir au moins la similitude identifiée dans le jargon professionnel, en plus de la dite rigueur dont les avocats doivent faire preuve. C’est pourquoi Durkheim disait : « Chaque profession, en effet constitue un milieu sui generis qui réclame des aptitudes particulières et des connaissances spéciales, où règnent certaines idées, certains usages, certaines manières de voir les choses107… ».

De ce fait, il revient à poser la question du territoire d’un métier ou d’une profession, en plus du fait de défendre son territoire professionnel, de préserver la concurrence ou bien de protéger l’espace limité aux activités. Or, on peut noter que le métier d’enseignants est presque dans l’impasse de la délimitation du champ, de la protection du statut vis-à-vis des autres professions

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Claude Dubard, Pierre Trippier, Valerie Boussard, Op. cit, p.69.

107

Émile Durkheim, Éducation et sociologie cité par Olivia Benhamou, (2002), L’éducation au bonheur des

du fait qu’en Haïti tout le monde enseigne dans toutes les professions. Par exemple, lorsque le nombre des candidats inscrits aux concours d’enseignants est inférieur par rapport au nombre de postes vacants, on recrute « des enseignants » parmi des personnes qui ne sont pas qualifiées pour le poste dans l’enseignement. C’est un cas très récurrent dans l’enseignement de faire recours à des gens contre actuels parfois peu qualifiés. Contrairement au métier d’enseignants en Haïti, en médecine, en droit, on recrute à l’occasion des contre-actuels sur la base de leur savoir professionnel en la matière.

En effet, pour protéger une profession, il y a certains métiers qui sont réservés aux nationaux du pays d’origine. En ce sens, Hughes a fait une distinction entre profession et occupation. Tout emploi demande ou entraine une revendication que d’autres ne pourront pas exercer, d’où il faut une licence, dans le sens d’autorisations pour exercer le métier. Cependant, il reconnaît que certaines activités professionnelles ont plus de visibilité que d’autres. Cela est dû à la nature de l’activité. Ce que Hughes appelle «activité sacrée ou savoir coupable108

». Par exemple, les activités qui traitent : la criminalité, la sexualité, la naissance, la justice ont plus de chances que le métier d’enseignant et les travailleurs sociaux. Plusieurs raisons expliquent pourquoi ces disciplines sont considérées comme sacrées. Il s’agit du secret professionnel parce que ça touche l’intime, de la tendance de chacun à pouvoir considérer que ce qu’il fait a un sens vital. Car, chacun cherche à augmenter sa valeur professionnelle dans le but de protéger la reconnaissance sociale. En fin, il s’agit d’un ensemble de professions dont le territoire est réglementé. Ainsi, émerge la question suivante : comment les enseignants peuvent-ils délimiter leur territoire professionnel ? En guise de réponse, nous pensons que chacun va exercer la profession selon les règles axiologiques et déontologiques. Par exemple, la perception de la liberté chez les marxistes est diamétralement opposée à celle des libéraux. C’est pourquoi, toujours sur le même ordre d’idées, Claude Dubar définit « l’identité professionnelle, comme un processus dynamique qui permet aux membres d’une profession de se reconnaître eux-mêmes comme tels et de faire reconnaître leur spécificité à l’extérieur. C’est donc le résultat à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions109 ».

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Note de cours du professeur Pascal Roquet au Cnam dans le master MERFA, le 30 janvier 2016.

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Il y a également la problématique du syndicalisme. Nous pouvons voir que les syndicats enseignants n’exigent pas à leurs membres d’avoir une formation. Par exemple, l’organisation syndicale la plus influente en Haïti est UNNOH (Union des Normaliens Haïtiens) paraît comme une figure emblématique de ce cas présent. En considérant la terminologie ou l’appellation, on s’attendait à ce que l’organisation syndicale ne regroupe que des normaliens, mais en réalité on est loin d’avoir une structure comme on le voudrait, axée sur la base des critères de la profession. En effet, c’est le nombre d’adhérents qui compte, donnant ainsi la priorité à la quantité sur la qualité. Cependant, il y a une certaine limite, au sens où le manque de ressources humaines en éducation pourrait constituer un motif valable pour que d’autres universitaires intègrent ce secteur. Ainsi, pourrait-on parler de métier dans ce genre de situation ? Est-il permis qu’un enseignant soigne des malades, fasse des opérations ? Pourrait-on demander à un enseignant de faire le travail d’un ingénieur ? En d’autres termes, pourquoi toutes ces catégories de professionnels ont le droit d’entrer dans le métier d’enseignant ? De ce fait, nous pourrions penser à juste titre qu’en Haïti l’activité de l’enseignement n’est pas une profession, mais de préférence une semi-profession car les critères qui définissent une profession ne sont pas respectés. L’une des multiples causes est le fait que beaucoup de ceux qui exercent le métier d’enseignant n’ont pas les pré-requis nécessaires. Cependant, il ne s’agit pas de procéder à une revendication sectaire dans le sens où l’on tenterait d’exclure du domaine de l’enseignement d’autres formes de compétences, mais plutôt d’attirer l’attention sur le fait que le métier d’enseignant peut être accessible à tous dans le respect des normes sociales et de l’éthique professionnelle son corollaire. Ce qui pousse à considérer le rôle d’arbitrage des instances professionnelles et des autorités étatiques.

En fin de compte, nous avons vu que le métier d’enseignant quel que soit le point de vue considéré, comme la comparaison entre la vision anglo-saxonne et la vision française, il s’avère que la notion de profession et celle du métier ne renvoient pas à la même considération épistémologique. Ce qui a permis de penser que des métiers peuvent être vus comme des professions et vice versa. De plus, l’exemple de la profession d’enseignant en Haïti montre que les pratiques professionnelles requièrent l’éthique de la professionnalisation du métier en question. C’est pourquoi, il reste encore à procéder à d’autres travaux, afin de permettre à la recherche d’apporter plus d’éléments dans la perspective de compréhension des notions de métier et de profession. En effet, malgré la pauvreté des exemples cités, ils donnent à voir où se situent à

l’heure actuelle les pratiques professionnelles en Haïti. Elles s’inscrivent encore dans une forme de pratique qu’il faudra absolument corriger dans le but de valoriser la profession d’enseignant où on peut être vu parfois comme des vendeurs de connaissances sur une base chronométrique du fait que n’importe qui peut, sans difficulté, enseigner. Ainsi, le métier d’enseignants est dévalorisé et les conditions économiques du pays ont eu pour conséquence une disqualification de la profession. Maintenant, nous allons passer en revue le système scolaire haïtien avec les différentes reformes et de regarder le rôle que joue les enseignants dans ces reformes.

CHAPITRE DEUXIEME - Le système scolaire haïtien