• Aucun résultat trouvé

Statique et dynamique des défauts

4.3 Etude statique et dynamique des défauts

to-pologiques

Cette partie a pour but de mettre en avant les mécanismes qui induisent la fragmen-tation des clusters dans la phase dense de disques SPP. Nous nous concentrerons uniquement sur l’expérience à Φ = 0.84 réalisée dans la couronne en forme de fleur, qui correspond à la fraction surfacique la plus élevée à laquelle nous avons travaillé et pour laquelle les domaines cristallins ont percolé : ils prennent un maximum de place et pourtant ils continuent à se fragmenter.

Identification de la nature des défauts en pratique

Pour se prémunir de défauts qui seraient générés par la frustration induite par les bords, nous avons rétréci la région d’intérêt pour le comptage des défauts, comme illustré sur la figure (4.2). Nous espérons par conséquent mesurer principalement les défauts relevant des excitations du cristal.

Le comptage des défauts se fait à chaque pas de temps grâce à une triangulation de Delaunay. Celle-ci établit un réseau de voisinage. Avoir une liste des particules ayant un nombre de voisins différents ne suffit pas à compter le nombre de dislo-cations ou d’autres agrégats de défauts plus complexes. Pour cela, nous réunissons des particules voisines n’ayant pas 6 voisines en réajustant le code écrit lors de l’identification des clusters (voir chapitre 3). A l’issue de l’étape de clustering, nous identifions facilement les différentes natures de défauts. Une désinclinaison corres-pond à un groupe composé d’un seul disque ayant 5 ou 7 voisins. Une dislocation correspond à un groupe de deux particules de 5 et 7. Et une paire de dislocation (quadrupole) correspond à l’arrangement de 4 particules (5 − 7 − 7 − 5) avec la condition nécessaire qu’une particule 5 doit avoir les deux particules 7 comme voi-sines et une particule 7 doit avoir les deux particules 5 et l’autre particule 7 comme voisines. Les groupes composés d’autres arrangements seront désignés dans la suite par agrégats de défauts.

Instantanés du système

Pour se faire une idée du nombre et de la répartition spatiale des défauts à haute fraction surfacique, nous montrons des instantanés sur la figure (4.2-c) pour les disques SPP à Φ = 0.84 et sur les figures (4.2-a) et (4.2-b), pour les disques ISO à Φ ∈ [0.72 − 0.83].

Sur les figures (4.2-a) et (4.2-b), on observe une forte accumulation de défauts au niveau des bords. La forme géométrique de l’arène conduit naturellement à la

(a) (b) (c)

Figure 4.2 – Instantanés illustrant la position des défauts. Le Φ indiqué en haut à gauche de chaque image correspond comme dans le chapitre 3 à la moyenne des fractions surfaciques des cellules de Voronoï incluses dans la grande région d’in-térêt. En revanche, la région d’intérêt pour les mesures statiques des défauts dans ce chapitre correspond à l’intérieur du cercle rouge. Les particules sont représentées dans l’espace réel, coloriées en échelle de gris selon la valeur du champ Ψi

k6k. Les défauts sont représentés par des pastilles de couleurs. Une paire de dislocations est représentée en violet, une dislocation en bleu, une disinclinaison 5 ou 7 en mauve et tous les autres défauts sont dans la classe agrégat en bleu ciel. (a) : disques ISO à Φ ∼ 0.72. (b) : disques ISO à Φ ∼ 0.83. (c) : disques SPP à Φ ∼ 0.84.

formation de défauts. De plus, on observe que l’ordre cristallin est bien établi à ces deux fractions surfacique. Le nombre de défauts observables instantanément est faible. A Φ = 0.83, ce sont même essentiellement des lacunes qui ne sont pas des défauts topologiques.

Sur la figure (4.2-c), correspondant aux disques SPP, l’état du système est très différent. Un grand domaine cristallin a percolé dans tout le système. Au sein même de ce grand domaine cristallin, on observe la présence de plusieurs défauts ponctuels qui se distribuent de façon quasi-uniforme à la surface du domaine. Les défauts majoritaires sont des agrégats de défauts (lacunes ou autres défauts plus complexes) et des dislocations. Par ailleurs, le champ Ψk6k est loin d’être uniforme.

Une tentative pour décrire la dynamique des défauts

Suivre un défaut topologique est une entreprise très compliquée car un défaut cor-respond à un état de la particule qui varie en fonction du temps. Un défaut n’est pas exclusivement attaché à une particule et se déplace sans qu’une particule ne se soit réellement déplacée. Afin d’illustrer le caractère mobile ou immobile de certains dé-fauts, nous proposons d’accumuler, sur les instantanés présentés sur la figure (4.2),

4.3. STATIQUE ET DYNAMIQUE DES DÉFAUTS 125

(a) (b) (c)

Figure 4.3 – Dynamique des défauts. Les particules sont coloriées en échelle de gris selon la valeur du champ Ψ6

kik. Le code couleur utilisé est le même que pour la figure (4.2) : une paire de dislocations est représentée en violet, une dislocation en bleu, une disinclinaison 5 ou 7 en mauve et tous les autres défauts, qui sont dans la classe agrégat, en bleu ciel. (a) : disques ISO à Φ = 0.72. (b) : disques ISO à Φ = 0.83. (c) : disques SPP à Φ = 0.84.

la position des défauts sur une fenêtre de 100 pas de temps. Sur la figure (4.3-a), à la fraction surfacique Φ = 0.72, nous sommes à la limite de la transition de cris-tallisation pour les disques ISO. Nous observons néanmoins un cristal. Les disques ont de la place pour vibrer, et des fluctuations peuvent apparaître spontanément. A l’intérieur du cristal on peut observer essentiellement l’apparition de paires de dislocations qui se distribuent de façon presque homogène. Par ailleurs, ces défauts se sont quelque peu déplacés, comme en témoigne la présence de zones de niveaux de gris diffuses. Sur la figure (4.3-b), à la fraction surfacique Φ = 0.83, le cristal est beaucoup plus dense que précédemment. Les quelques défauts accumulés dans le temps se superposent essentiellement aux endroits présentant des lacunes, ou dans des zones moins cristallines. De plus, sur la figure (4.2-b) on observait deux agrégats de défauts sur la gauche et en bas à droite. A présent sur la figure (4.3-b) on remarque qu’à ces endroits les défauts se distribuent sur une longueur d’environ 5 diamètres de disques, ce qui laisse penser que les défauts font des aller-retours autour de ces endroits. Les zones grises sont peu diffuses et sont bornées en espace. Ces positions accumulées quasiment au même endroit montrent que les défauts dans la structure cristalline ont été gelés lors de la fabrication du cristal.

Sur la figure (4.3-c) relative aux disques SPP, le contraste est saisissant à Φ = 0.84. La région désordonnée s’étend et envahit la région cristalline. Dans les régions cristallines, on observe essentiellement des tâches diffuses d’agrégats de défauts et des lignes de dislocations orientées dans plusieurs directions. Les lignes continues de dislocations suggèrent une propagation de celles-ci avec une forte mobilité dans les domaines cristallins.

En conclusion, ces illustrations de la dynamique des défauts montrent que le peu de défauts présents au cours du temps pour les disques ISO sont gelés dans la structure. Les défauts ne se propagent pas. Pour les disques SPP, les défauts dans la zone cristalline sont fugaces et se déplacent facilement sur plusieurs diamètres de disques.

Densités de défauts en fonction de Φ

A chaque pas de temps nous relevons le nombre de défauts et leur type dans la région d’intérêt (ROI) délimitée par les bords du cercle représenté en rouge sur les figures (4.2) et (4.3). Nous calculons la densité de défauts de façon à ce que la densité d’un défaut tienne compte du nombre de particules impliquées dans le défaut (Réf. [40]). Ainsi, une dislocation est composé de deux particules, leur densité est 2 × Nd(t)/N0(t), avec Nd(t) et N0(t) respectivement le nombre de dislocations et de particules détectées dans la ROI au temps t. La densité d’une désinclinaison vaut

Nd5(t)/N0(t)+Nd7(t)/N0(t), avec Nd5(t) et Nd7(t), le nombre de désinclinaisons cinq et sept. Les paires de dislocations ont une densité au temps t égale à 4×Np(t)/N0(t), avec Np le nombre de paires. La mesure de la densité d’agrégats se fait dans le même esprit, tout en faisant attention à compter exactement le nombre de disques dans chaque agrégat pour compter correctement leur densité. Enfin, nous moyennons les densités de chaque type de défauts sur l’ensemble des pas de temps.

Sur la figure (4.4-a) nous représentons la densité de défauts en fonction de la fraction surfacique pour les disques ISO. La figure b) constitue un zoom de la figure (4.4-a).

Pour Φ > 0.72 nous n’observons quasiment pas de défauts, hormis une fluctuation qui vient du fait qu’un défaut impliquant quelques disques s’est retrouvé “gelé” dans le cristal au cours de la période d’équilibration du cristal. Pour Φ ∼ 0.75 on mesure quelques paires de dislocations. Les disques ont plus de place pour vibrer, et les fluctuations sont plus à même de former spontanément des paires de dislocations. Parmi les défauts topologiques simples, les paires de dislocations et les dislocations sont observées avec la même fréquence. Si l’on se réfère aux résultats de l’équilibre, nous pouvons faire l’hypothèse que des paires de dislocations se forment sponta-nément, puis restent liées ou bien se repoussent, permettant l’observation de dis-locations. Vue la faible proportion de disinclinaisons, ceci laisse penser que l’ordre orientationnel est préservé et que le système est dans sa phase hexatique. Quand Φ diminue, on note que les dislocations et les disinclinaisons s’observent plus fré-quemment, mais les quadrupôles disparaissent. Cela signifie que des dislocations se forment spontanément, sans que ce soit des paires de dislocations qui se dissocient. Pour Φ ∼ 0.71, nous observons une croissance très forte de l’ensemble des défauts et en particulier des agrégats. Le cristal a fondu.

4.3. STATIQUE ET DYNAMIQUE DES DÉFAUTS 127 Sur la figure (4.4-c) nous représentons la densité de défauts en fonction de Φ pour les disques SPP. Nous représentons aussi un zoom sur la figure figure (4.4-d). Même à la fraction surfacique la plus élevée, Φ = 0.84, on voit que les agrégats de défauts dominent largement. Leur densité est tout à fait comparable à celle que l’on mesure juste en dessous de la transition liquide-cristal pour les disques ISO. Nous observons aussi la présence de dislocations, mais remarquons la très faible présence de paires de dislocations. Cette asymétrie constitue une différence très nette avec ce que l’on observe dans le cas des disques ISO. En effet, pour les ISO, à moins de geler un défaut dans la structure, les dislocations n’apparaissent que si des paires de dislocations interagissent entre elles, permettant aux dislocations de se désaparier. Ainsi dans le cas des disques SPP, étant donnée la quasi-absence de paires de dislocations et la très forte densité d’agrégats, on peut supposer que les dislocations sont les excitations élémentaires en présence de l’activité.

4.3.1 Conclusion

L’étude des défauts marque un fort contraste entre les deux espèces de disques. En ce qui concerne les disques ISO, à haute fraction surfacique, ils sont dans un état cristallin. Le cristal est dense et il n’est pas excité. Le peu de défauts que l’on mesure provient des défauts gelés dans la structure. Ces défauts ne permettent même pas de faire relaxer localement le cristal sur notre durée d’expérience. Quand la densité est plus faible, les disques ont alors plus de place pour vibrer. Des fluctuations permettent à des paires de dislocations, puis à des dislocations d’apparaître. Ceci montre un lien de cause à effet entre la présence de paires de dislocations et des dislocations uniques. La fonte est alors due à la prolifération de ces défauts. Ce scénario ressemble à celui de la fonte des cristaux d’équilibre, même si nous n’avons pas élucidé la question de la nature continue ou discontinue des transitions de phases.

Dans le cas des disques SPP, même à Φ ∼ 0.84 où l’on a reporté la présence d’un cluster ordonné qui a percolé et d’une réduction drastique de la place laissée aux particules dans les zones hors clusters, nous mesurons une très forte densité d’agrégats de défauts et de dislocations. Nous notons aussi la quasi-absence de paires de dislocations. Ceci implique que les dislocations sont excitées différemment que dans le cas du cristal d’équilibre. On observe que ces défauts sont mobiles et fugaces et semblent se propager aisément dans toute la structure cristalline, comme en attestent les lignes de dislocations observables sur la figure (4.3-c). Ainsi, la mobilité des défauts constitue une différence majeure entre le cristal d’équilibre et le cristal actif. Cette mobilité est très certainement responsable de la relaxation structurelle anormalement rapide du système de SPP.

(a) (b)

(c) (d)

Figure 4.4 – Densités de défauts en fonction de Φ. Le Φ mesuré en abscisse est pris comme la valeur des fractions surfaciques des cellules de Voronoï incluses dans la région d’intérêt restreinte. (a) : Densité de défauts pour les disques ISO en fonction de Φ. Les dislocations sont en bleu foncé, les désinclinaisons sont en rose, les paires de dislocations sont en violet et les agrégats sont en bleu ciel. (b) : Zoom de la figure (a) sur la densité de défauts d’ISO entre 0 et 7. (c) : densité de défauts pour les disques SPP en fonction de Φ. (d) : Zoom de la figure (c) sur la densité de défauts de SPP entre 0 et 7.