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3.4 Structure

3.4.3 Ordre orientationnel

Définition.

Un cristal de disques durs à 2d est orienté selon les directions d’un hexagone (figure 3.8). Il est usuel de définir un champ local qui mesure l’orientation rela-tive des particules et leurs déviations par rapport à un réseau hexagonal. On note ce champ Ψj6 = 1

nv

P

hkjie6iθjk. L’angle θjk est l’angle que fait le vecteur liant deux particules voisines avec un axe de référence arbitraire (voir figure 3.8), P

hkjidénote la somme sur les voisins de la particule j, et nv est le nombre de voisins.

Ψj6 est un complexe. Sa phase donne l’orientation absolue des voisins. Son module mesure la déviation par rapport à l’ordre hexagonal parfait.

Dans notre étude, nous nous intéressons au passage d’un état a priori sans structure à un état hexagonal. Nous ne considérons alors pas les fluctuations d’orientations et nous avons uniquement considéré le module de kΨ6k (noté Ψk6k) comme paramètre d’ordre local.

Calcul du Ψ6.

Partant des positions des disques à un pas de temps, nous construisons la triangula-tion de Delaunay qui définit un type de voisinage topologique. Un disque i se situe à un sommet, qui est à la réunion de plusieurs triangles. L’ensemble des disques j appartenant aux mêmes triangles que i sont considérés comme ses voisins.

Pour chaque disque, nous calculons le champ complexe Ψj6 = 1

nv

P

Figure 3.8 – Cellule de Voronoï d’une particule j entourées de ses voisines

k. Extrait de la réf. [5]. Le polygone entourant la particule centrale représente sa

cellule de Voronoï. Les bords de la cellule sont à l’interface entre la particule j et une de ses plus proches voisines k. L’angle θj,k est celui que fait la droite joignant les centres des particules j et k avec un axe arbitrairement choisi qui dans cet exemple correspond à l’axe horizontal. Donc θj,k est l’orientation d’une particule j avec une particule k. Il intervient dans la mesure du champ complexe Ψ6(rj). La flèche noire attachée au disque central correspond à la direction du champ complexe Ψj6, et indique l’orientation de la particule j par rapport l’ensemble des ses voisines. module kΨj6k. Pour réduire les fluctuations spatiales de ces champs, à très courte distance, nous avons procédé à un coarse-graining spatial : pour chaque disque nous moyennons le champ local avec celui de ses voisins.

Nous nous intéresserons à la propagation spatiale de l’ordre orientationnel grâce à la mesure de l’auto-corrélation spatiale du champ Ψpk6k, puis nous en étudierons la statistique temporelle en fonction de Φ. Mais tout d’abord, nous souhaitons illustrer qualitativement l’état statique du système.

Instantanés de Ψpk6k.

Nous représentons sur la figure (3.9) des instantanés de cartes de Voronoï du champ local de Ψk6k pour différentes densités, pour les disques ISO en haut et les disques SPP en bas. La couleur des cellules est fonction de la magnitude du champ Ψk6k, variant du bleu au jaune pour Ψk6k qui varie de 0.4 à 1.

ISO. Dans la phase liquide (Φ = 0.66) l’ordre orientationnel est faible, les cellules

sont majoritairement bleues, seules quelques cellules jaunes sont présentes ce qui témoigne de la formation spontanée de cristallites, dues à certaines fluctuations de densités.

A Φ = 0.71, on est au seuil de la cristallisation, l’ordre orientationnel est présent sur un grand domaine. On observe néanmoins une zone désordonnée sur le haut de la figure. La coexistence indique la présence d’une transition.

3.4. STRUCTURE 81

(a) (b) (c) (d)

(e) (f ) (g) (h)

Figure 3.9 – Cartes des cellules de Voronoï coloriées selon l’intensité du champ Ψk6k du bleu (= particule désordonnée) au jaune (= particule ordonnée) pour des valeurs du champ allant d’environ 0.4 à 1. Les figures (a)-(d) correspondent aux disques ISO à des Φ ∈ [0.66, 0.71, 0.80, 0.83]. Les figures (e)-(h) correspondent aux disques ISO à des Φ ∈ [0.65, 0.71, 0.81, 0.84].

et le jaune gagne en intensité ce qui signifie que l’ordre orientationnel est de plus en plus fort. Par ailleurs, on perçoit certaines cellules non hexagonale qui marquent la présence de quelques lacunes dans la structure.

SPP. Dans la phase liquide (Φ = 0.65), le système montre un ordre instantané

orientationnel très faible et équivalent à celui des ISO. Il est intéressant de voir que les fluctuations spatiales sont plus marquées à cette densité pour les ISO que pour les SPP.

Pour Φ = 0.71, la différence par rapport aux disques ISO à ce même Φ est très nette ; l’ordre hexagonal est moins important que pour le cas des ISO. Quelques agrégats sont apparus en ayant un fort ordre orientationnel. De plus, l’ordre y est plus important que dans le cas des ISO à Φ = 0.80 comme en témoigne l’intensité des cellules au cœur des cellules. Cela montre la tendance que les disques SPP ont tendance à former des structures hexagonales compacts sur les courtes distances, et le corrolaire semble être qu’elles laissent davantage de places autour d’elles et donc le système est peu ordonnée.

Le passage de 0.71 à 0.81 laisse penser à un processus de croissance au cours duquel les agrégats se seraient regroupés pour n’en former qu’un seul dominant. Le système est clairement hétérogène comme nous l’avions déjà remarqué sur les instantanés

(a) (b)

Figure 3.10 – Auto-corrélation de Ψk6k (a) : Distribution pour les disques ISO. (b) : De même pour les disques SPP. Le code couleur est présenté dans les ta-bleaux (3.1), et est le même pour les deux figures : il va du rouge au bleu pour Φ ∈ [0.41 − 0.84].

de la figure (3.4). Mais les cellules désordonnées sont aussi présentes en nombre importants à l’intérieur du domaine ordonné, ce qui traduit certainement la présence d’excitations ou de lacunes à l’intérieur du domaine.

Le passage de 0.81 à 0.84 semble correspondre à une transition de percolation : un agrégat domine largement et est continue. On observe, néanmoins toujours des zones désordonnées à l’extérieur et à l’intérieur du domaine ordonné.

Ces instantanés renforcent l’hypothèse établie précédemment : un régime de coexis-tence apparaît pour Φ ∼ 0.71. Celui-ci se prolonge sur une large gamme de densités où l’on a d’abord de la croissance de cristallites, puis de l’agrégation et de la perco-lation. Ce scénario laisse à nouveau penser à un scénario de transition du premier ordre.

Auto-corrélation de Ψk6k(rp)

La fonction d’auto-corrélation du champ de Ψ6(r), que l’on note usuellement g6, se définit comme ceci :

g6(r) = hΨ6(r)Ψ6(0)i (3.9) ou de façon analogue g6(r) = * P p6=qΨp6Ψq6δ(r − |rp− rq|) 2πN (N − 1)r + . (3.10)

3.4. STRUCTURE 83 Elle s’interprète de la même façon que la fonction g2(r). Cependant, au lieu de regarder la corrélation du champ de densité, on regarde la corrélation du champ orientationnel local.

Rappelons que dans une phase liquide l’ordre est à courte portée, donc g6(r) suit une loi exponentielle (e

r

ξ6, où ξ

6 est la longueur de corrélation). Dans la phase hexatique, l’ordre est à quasi longue distance, g6(r) suit une loi de puissance (g6(r) ∼

r−η). Enfin, dans la phase cristalline l’ordre est à longue distance, donc g6(r) tend vers une constante en r → ∞.

Calcul pratique du g6.

Elle se calcule par la construction d’un histogramme des valeurs du champs de Ψpk6k, pour toutes les paires de particules à une distance r à chaque instant t. Puis nous normalisons cet histogramme, et nous moyennons sur différentes réalisations temporelles. On représente sur la figure (3.10) les courbes de l’auto-corrélation du champ Ψp6. La figure de gauche est relative aux disques ISO et celle de droite aux disques SPP. Le graphe est en log-lin.

ISO. Pour Φ ∈ [0.41 − 0.58], les courbes du rouge au jaune sont des droites en

log-lin. On en déduit une décroissance exponentielle et un ordre orientationnel qui s’étend à courte distance, comme on s’y attend dans un liquide.

La courbe verte, relative à Φ = 0.66, marque un premier changement de comporte-ment dans la décroissance du g6. Les corrélations ne décroissent plus linéairement et deviennent très importantes. Par ailleurs, des pics mieux prononcés montrent de fortes corrélations à certaines distances.

La courbe bleue claire qui suit juste après, pour Φ = 0.71, montre un deuxième changement de comportement dans la distribution g6. En effet, lors du passage de la courbe verte à la courbe bleue claire comme pour l’étude du g2(r), nous observons un dédoublement du second pic symbolisant le fait que les disques s’organisent dans un réseau hexagonal. Puis les corrélations diminuent, montrant d’abord une décrois-sance rapide, et saturant vers une constante à longue distance. Ce comportement témoigne alors de l’entrée dans la phase cristalline pour les disques ISO à proximité de la fraction surfacique Φ ∼ 0.71.

Comme pour le champ orientationnel, les disques ISO semblent se comporter comme des disques d’équilibre, où le passage de l’état liquide à celui de cristal se ferait en deux temps autour de la valeur de Φ ∼ 0.71.

SPP. L’ordre est à courte portée dans la phase liquide (courbes rouge à jaune).

A l’instar des ISO les corrélations de Ψpk6k changent de formes à la fraction sur-facique Φ ∼ 0.68 représentée par la courbe verte. Puis, la structure hexagonale compacte apparaît clairement aux courtes distances pour la courbe bleue claire pour un Φ ∼ 0.71.

Cependant, on remarque à nouveau une différence notable avec les disques ISO. Pour Φ allant de 0.71 à 0.84, le g6 conserve la même forme. Les corrélations se maintiennent élevées et ne redescendent pas comme nous venons de le voir pour les ISO.

Il semblerait donc que les disques SPP quittent la phase liquide pour une nouvelle phase vers Φ ∼ 0.71. Au-delà de cette fraction surfacique, les SPP se maintiennent dans cette nouvelle phase et ne semblent pas entrer dans une phase cristalline ho-mogène.

Nous observons une nette différence dans l’auto-corrélation spatiale du champ Ψk6k entre les deux espèces de disques. On peut alors se demander comment l’ordre orientationnel varie dans le temps, comment évolue sa moyenne et l’amplitude de ses fluctuations en fonction de Φ.

Statistiques temporelles des paramètres d’ordre orientationnel

Pour un Φ donné, à chaque instant t nous calculons d’une part la moyenne sur l’ensemble des disques du champ Ψjk6k(t) et d’autre part le module de la moyenne du champ Ψj6(t). On obtient deux séries temporelles réelles que l’on note :

¯ Ψk6k(t) = 1 N X j Ψjk6k(t), (3.11) ¯ Ψ6(t) = 1 N X j Ψj6 (t) (3.12) Nous notons leur moyenne temporelle DΨ¯k6k(t)E

t et DΨ¯6(t)E

t. Enfin nous caractéri-sons leurs fluctuations par les susceptibilités χk6k = N varΨ¯k6k(t) et

χ6 = N varΨ¯6(t).

La figure (3.11) représente l’évolution de ces quatre quantités en fonction de Φ. On y a juxtaposé les résultats relatifs aux disques ISO (représentés par des cercles) et aux SPP (représentés par des triangles).

La rangée supérieure de la figure (3.11) décrit le comportement du champ Ψk6k. Tant pour les ISO, que pour les SPP, on note que la valeur ¯Ψk6k(t) n’est pas nulle, et vaut 0.4 dans l’état liquide. Cela vient du fait que nous moyennons la valeur absolue du champ local. Les fluctuations spatiales d’orientation ne sont pas prises en compte.

ISO. La moyenne temporelle de ¯Ψk6k(t) (voir figure (3.11-a)) croît jusqu’à atteindre

une valeur proche de 1 à très haute densité. La courbe de la moyenne en fonction de Φ montre un changement de pente, et un point d’inflexion autour de la valeur

3.4. STRUCTURE 85 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 polar isotropic < |6|> 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 polar isotropic |6| (a) (b) 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 polar isotropic < 6> 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 0 20 40 60 80 polar isotropic 6 (c) (d)

Figure 3.11 – Moyenne et susceptibilité du paramètre d’ordre

orienta-tionnel. Haut : Moyenne (a) et variance (b) de ¯Ψk6k(t) en fonction de la fraction

surfacique Φ. Bas : Moyenne (c) et variance (d) de ¯Ψ6(t) en fonction de la fraction surfacique Φ. Les ronds correspondent aux ISO et les triangles aux SPP. Le code couleur est le même que précédemment.

de Φ = 0.71. Par ailleurs, les fluctuations du champ (voir figure (3.11-b)) sont très faibles et grandissent progressivement jusqu’à atteindre un pic autour de Φ = 0.71, puis les fluctuations diminuent très rapidement et deviennent à nouveau très faibles, voire quasiment nulles à haute fraction surfacique. Le point d’inflexion et le pic dans les fluctuations confirment à nouveau une transition quasi-continue à Φ ∼ 0.71 pour les disques ISO.

SPP. La moyenne temporelle de ¯Ψk6k(t) (voir figure (3.11-a)) croît de façon

mono-tone. La concavité reste la même à tout Φ ; on n’observe pas de point d’inflexion. La valeur de la moyenne est toujours inférieure à celle des ISO. Les fluctuations (voir figure (3.11-b)) sont du même ordre jusqu’à Φ ∼ 0.71, cependant celles-ci continuent à croître au delà de Φ ∼ 0.71. Une susceptibilité (les fluctuations tem-porelles) importante signifie que des domaines importants de disques perdent et acquièrent régulièrement de l’ordre orientationnel.

La rangée inférieure de la figure (3.11) décrit le comportement du champ Ψ6. Cette fois, tant pour les ISO que pour les SPP, sa valeur moyenne est proche de zéro dans la phase désordonnée, du fait que les fluctuations d’orientations sont prises en compte.

ISO. La moyenne temporelle de ¯Ψ6(t) (voir figure (3.11-c)) capture maintenant

très bien la transition de cristallisation. Du point de vue des fluctuations (voir figure (3.11-d)), on observe encore une fois un pic autour de Φ = 0.71, qui atteint des valeurs plus importantes que dans le cas précédent. Ceci confirme la présence d’une transition qui apparaît bien quasi-continue.

SPP. Les données sont plus délicates à interpréter. Cependant on observe

claire-ment que la moyenne de ¯Ψ6(t) (voir figure (3.11-c)) présente une transition plus marquée entre une phase désordonnée et une phase ordonnée que celle de ¯Ψk6k(t). Du point de vue des fluctuations (voir figure (3.11-d)), nous manquons de données au voisinage de cette transition, mais on observe bien que la susceptibilité d’une part peut atteindre de très grandes valeurs au voisinage de la transition, d’autre part qu’elle est à nouveau plus faible dans la phase ordonnée à plus haute fraction surfacique. Ceci laisserait penser qu’il y a peut-être aussi une transition continue dans le cas des SPP vers la phase ordonnée pour φ ' 0.8. Pour trancher, il serait nécessaire de réaliser une série d’expériences complémentaires centrées autour de cette valeur.

Distribution des ¯Ψk6k(t)

Sur la figure (3.12) on représente la distribution des ¯Ψk6k(t) pour les ISO à gauche et pour les SPP à droite.

Pour les ISO et les SPP les distributions sont semblables pour les cinq plus basses fractions surfaciques représentées par les courbes du rouge au vert pomme. Les

3.4. STRUCTURE 87

(a) (b)

Figure 3.12 – Distribution du champ Ψk6k en fonction de Φ (a) : pour les

disques ISO. (b) : Pour les SPP. (b) : pour les disques SPP.

distributions sont piquées, avec une valeur probable proche des valeurs moyennes relevées sur la figure (3.11). Par ailleurs, ces distributions sont assez larges, ce qui confirme la présence de fortes hétérogénéités dans l’ordre orientationnel, comme observé sur la figure (3.9) des instantanés du champ.

Pour Φ ∼ 0.71 la distribution s’élargit et s’aplatit pour les deux espèces de disques (courbe bleue claire). Ceci suggère une coexistence de plusieurs cristallites d’ordre orientationnel.

Au-delà de 0.71, la distribution se resserre et devient de plus en plus uni-modale et piquée, pour les ISO. Centrée en 0.9 avec une variance qui diminue, le système gagne en homogénéité lorsque Φ augmente. Pour les SPP, le mode à 0.9 grandit aussi fortement mais une queue dans la distribution vers les plus basses valeurs de ¯Ψk6k(t) persiste jusqu’à Φ = 0.84, signifiant la présence de fortes hétérogénéités spatio-temporelles.