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La précipitation des carbonates et sulfates de Ca dans les serpentinites a lieu lors du mélange entre le fluide hydrothermal chargé en Ca et l’eau de mer, riche en HCO3et SO42–

(Kelley et al., 2001; Palandri and Reed, 2004).

Les carbonates s’observent surtout dans les contextes de serpentinisation à basse températures, où ils précipitent sur une gamme allant de 10°C à 100°C (Kelley et al., 2005; Ludwig et al., 2006; Monnin et al., 2014; Ribeiro Da Costa et al., 2008). Expérimentalement, il a été montré qu’ils pouvaient être formés jusqu’à 300°C (Grozeva et al., 2017). La calcite est caractérisée par un champ de stabilité entre 20 et 50°C (Kelley et al., 2005; Palandri and Reed, 2004; Wray and Daniels, 1957;), alors que l’aragonite est le polymorphe présent pour des températures supérieures à 50°C (Kelley et al., 2005; Wray and Figure I-15 : Diagramme de stabilité des sulfures dans les serpentinites en fonction de la concentration en soufre du système et de sa fugacité en oxygène (à 300°C, 2kbar). Les lignes pleines représentent les limites de stabilité des espèces, les lignes en pointillés représentent le log fS2 dans le fluide. L’aire grisée correspond au champ de stabilité de la pentlandite. Py = pyrite, Mt = magnétite, Hm = hématite, Po = pyrrhotite, I = fer, Mi = millérite, Pd = polydymite, Va = vaesite (NiS2), Hz = heazlewoodite, Aw = awaruite, Ta = taenite, Km = kamacite. D’après Frost, 1985 ; Alt et Shanks, 2003. La flèche bleue désigne l’évolution de la composition des sulfures lors de la serpentinisation d’après Alt et Shanks (2003) et Delacour et al. (2008a,b).

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Daniels, 1957). La teneur en magnésium de la calcite peut également être un indicateur de la température de précipitation : plus la température est élevée, plus la calcite contient du Mg (substitué au Ca, 5 wt.% à 5°C) (Burton and Walter, 1987).

Les fortes concentrations en Ca2+ dans le fluide vont être favorables à la précipitation de calcite (Figure I-16A). En revanche une forte concentration en Mg2+ va être compatible avec la présence de carbonates magnésiens, magnésie (faible concentration en Ca2+) et dolomite (forte concentration en Ca2+) (Janecky and Seyfried, 1986) (Figure I-16A). En terme de pH, les carbonates, étant rapidement dissouts à pH acide (Pokrovsky et al., 2009), indiquent des conditions basiques (pH 9 à 13) et alcalines (Kelley et al., 2001; Ludwig et al., 2006; Monnin et al., 2014; Palandri and Reed, 2004).

Le degré de mélange entre le fluide hydrothermal et l’eau de mer influe également sur la nature des carbonates. La magnésie est l’espèce dominante lorsque le rapport eau de mer/fluide hydrothermal (seawater/hydrothermal fluid SW/HF) est compris entre 3 et 5 ou supérieur à 40, tandis que la calcite domine pour des rapports SW/HF variant de 5 à 38. Pour des rapports SW/HF<3, les carbonates ne sont pas présents car les concentrations en Ca2+ et HCO3 ne sont pas suffisantes, avec pour conséquence une prédominance de la brucite (Palandri and Reed, 2004) (Figure I-16B).

La présence du sulfate de calcium anhydrite est à relier à la circulation de fluides de haute température. Elle précipite en effet lorsque le fluide saturé en calcium dépasse une température

Figure I-16 : Stabilité des carbonates de calcium et magnésium pendant la serpentinisation. A) Diagramme de stabilité de la calcite, dolomite et magnésie en fonction des concentrations en ions Ca2+, Mg2+ et CO32–

(Janecky and Seyfried, 1986). B) Concentrations en calcite (ca), magnésie (mgs), brucite (brc) (haut) et température du fluide (bas) en fonction du rapport eau de mer/fluide hydrothermal (Palandri and Reed, 2004). Autres minéraux : dsp=diaspore ; po=pyrrhotite ; ams=amésite ; py=pyrite ; chl-Mg=clinochlore.

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de 150°C, ceci étant lié à sa solubilité rétrograde (Bischoff and Seyfried, 1978). Elle peut aussi exister à des températures plus basses (jusqu’à 60°C ; Alt et al., 1983) mais est instable en-dessous de 30°C et se déstabilise en calcite. La précipitation de l’anhydrite à haute température peut par ailleurs être bloquée pour des concentrations élevées en NaCl, qui augmentent sa solubilité et maintiennent la sous-saturation des fluides (Blount and Dickson, 1969).

! Systèmes hydrothermaux et fluides liés à la serpentinisation

En contexte océanique, le fluide impliqué dans la réaction de serpentinisation des péridotites est l’eau de mer, dont les caractéristiques physico-chimiques sont les suivantes : basse température (~4°C), oxydant et pH ~8. Au cours du processus de serpentinisation, l’eau de mer va être transformée en un fluide hydrothermal dont la composition chimique, la température et le pH seront fonction du contexte géologique (position à la dorsale, régime magmatique), des lithologies rencontrées lors de la circulation du fluide au sein de la lithosphère océanique, et de la température des interactions entre fluides et roches. Dans ce paragraphe, nous ne nous intéresserons qu’aux fluides impliqués dans les réactions de serpentinisation, les fluides type Rainbow et type Lost City (McCaig et al., 2007). A noter qu’il existe un troisième type de fluide hydrothermal, le type TAG, qui correspond à la circulation hydrothermale sur substrat basaltique (McCaig et al., 2007) et ne concerne donc pas le sujet de cette thèse.

Les fluides hydrothermaux associés à la serpentinisation, quel que soit leur contexte géodynamique (océanique ou ophiolitique), sont enrichis en dihydrogène (H2) (jusqu’à 20 mM) et en méthane (CH4) (jusqu’à 50 mM) (Boulart et al., 2013; Charlou et al., 2002; Kelley et al., 2001; German et al., 2010; Lang et al., 2006; Monnin et al., 2014; Schmidt et al., 2007; Seyfried et al., 2011) caractérisant donc des conditions réduites.

Le dihydrogène provient de la réduction de l’eau lors de l’oxydation du fer des minéraux primaires (Andreani et al., 2013; Bach et al., 2006; Klein and Bach, 2009; Oufi et al., 2002; Malvoisin et al., 2012b), et sa concentration dans les fluides évolue au cours de la serpentinisation. Elle est généralement très élevée lors des premiers stades de serpentinisation, ceci étant lié à l’altération de l’olivine (Allen and Seyfried, 2003), tandis qu’aux stades intermédiaires et avancés de serpentinisation, la silice produite par l’altération des pyroxènes et le mélange progressif avec l’eau de mer oxydante vont venir tamponner la concentration en

69 H2, diminuant progressivement le caractère réducteur des fluides (Alt and Shanks, 1998; Delacour et al. 2008b; Frost, 1985; Schwarzenbach et al., 2012).

Le méthane de son côté est formé à partir du H2, soit abiotiquement par recombinaison avec du carbone présent dans le milieu (e.g. le CO2 dissout dans l’eau de mer) via des réactions de type Fisher-Tropsch (Berndt et al., 1996; McCollom and Seewald, 2001, 2006, 2007; McCollom et al., 1999; Neubeck et al., 2016), soit biotiquement par les organismes méthanogènes lors de leur respiration (Martin et al., 2008; McCollom and Seewald, 2013; Orcutt et al., 2011; Schrenk et al., 2013; Suzuki et al., 2014).

Deux grands types de fluides hydrothermaux liés aux réactions de serpentinisation ont été mis en évidence : les fluides de type Rainbow (36°14’N, MAR), et les fluides de type Lost City (30°N MAR). Les systèmes hydrothermaux produisant ces deux grands types de fluides sont tous localisés sur des substrats mafiques et ultramafiques mais diffèrent par leur localisation par rapport à la dorsale, qui influe sur la température, le pH et la composition chimique des fluides.

Les fluides de type Rainbow sont associés à des systèmes hydrothermaux localisés proches de l’axe de la dorsale, en contexte de détachement actif avec exhumation de manteau (e.g. Rainbow, Ashadze, Logatchev…) (Figure I-17). Ces fluides se forment par réchauffement de l’eau de mer infiltrée dans la croûte par interaction à haute température avec des intrusions gabbroïques (Allen and Seyfried, 2004; McCaig et al., 2007), et sont donc caractérisés par

Figure I-17 : Modèle de circulation des fluides hydrothermaux impliqués dans le processus de serpentinisation, d’après McCaig et al, 2007.

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des températures supérieures à 350°C (Andreani et al., 2014; Charlou et al., 2002; Douville et al., 2002; German et al., 2010; Seyfried et al., 2011). Ces fortes températures favorisent la dissolution des pyroxènes et la précipitation de chlorite (Allen and Seyfried, 2003), ce qui consomme rapidement les ions OH issus de la dissolution des minéraux primaires (Palandri and Reed, 2004) : les fluides de type Rainbow sont donc typiquement acides, avec un pH inférieur à 4 (Charlou et al., 2002; Douville et al., 2002; Schmidt et al., 2007; Seyfried et al., 2011). Acidité et haute température, associées aux conditions réduites, sont favorables à la dissolution du soufre et des métaux chalcophiles contenus dans les gabbros, les fluides type Rainbow sont par conséquent riches en H2S (jusqu’à 3 mM), en fer, nickel, cuivre, zinc, cobalt, arsenic… (Charlou et al., 2002; Douville et al., 2002; Schmidt et al., 2007; Seyfried et al., 2011). Les serpentinites associées contiennent donc une forte proportion en minéraux de haute température (trémolite, chlorite) (Allen and Seyfried, 2003; Andreani et al., 2014; Marques et al., 2006), ainsi qu’une grande quantité de sulfures hydrothermaux (Alt and Shanks, 1998, 2003; Alt et al., 2007, 2012a, 2013; Andreani et al., 2014; Fouquet et al., 2008; Früh-Green et al., 1996, 2004; Kelemen et al., 2004).

Les fluides hydrothermaux de type Lost City sont associés à la circulation de fluides dérivés de l’eau de mer au sein de roches mafiques et ultramafiques, localisés en position hors axe, en contexte de détachement inactif (McCaig et al., 2007) (Figure I-17). Loin de la dorsale, l’apport de chaleur se limite à la présence d’unités lithosphériques de haute température en profondeur (Allen and Seyfried, 2004), à une source de chaleur magmatique proche de l’axe, et/ou à la cristallisation des corps gabbroïques présents, conduisant à la formation de fluides de basse température (<100°C) (Boulart et al., 2013; Kelley et al., 2001, 2005; Charlou et al., 2002; Chavagnac et al., 2013; Monnin et al., 2014; Neal and Stanger, 1984;). La serpentinisation étant une réaction hautement exothermique (Fyfe, 1974), certains auteurs indiquent que la serpentinisation peut apporter suffisamment de chaleur pour initier le système hydrothermal (Emmanuel and Berkowitz, 2006), tandis que d’autres suggèrent la nécessité d’avoir des apports externes (Allen and Seyfried, 2004). La dissolution de l’olivine et des pyroxènes est responsable de la libération dans le fluide de silice aqueuse et d’ions Mg2+, Fe2+, OH et Ca2+, ce dernier provenant uniquement des clinopyroxènes (Allen and Seyfried, 2003; Palandri and Reed, 2004). Les ions Fe2+ (oxydés en Fe3+) vont être progressivement extraits du fluide par la précipitation de magnétite + serpentine ± Fe-brucite. Les ions OH, qui confèrent au fluide une forte basicité dans les premiers stades de serpentinisation (pH~13), vont de leur côté être consommés par la précipitation de la serpentine (Palandri and Reed, 2004),

71 menant à une diminution du pH pour atteindre une valeur finale entre 9 et 11 (Allen and Seyfried, 2003; Palandri and Reed, 2004). Les fluides issus de la serpentinisation des roches ultramafiques à basse température sont par conséquent basiques et ont des concentrations élevées en Mg2+ et Ca2+ (fluide alcalin). La différence de pH entre les fluides de type Rainbow et les fluides de type Lost City tient du fait que la chlorite peut précipiter à des pH relativement neutres en contexte de haute température (Palandri and Reed, 2004), elle consomme donc très rapidement les OH. A l’inverse, la serpentine ne se forme que lorsque le pH est déjà élevé

(Palandri and Reed, 2004), sa précipitation est donc trop tardive pour pouvoir contrebalancer les fortes concentrations en ions OH en contexte de basse température. Ces conditions hyperalcalines sont défavorables à la mobilité du soufre, les fluides type Lost City sont donc pauvres en H2S et en métaux (Charlou et al., 2002; Kelley et al., 2001, 2005; Monnin et al., 2014; Neal and Stanger, 1984). Les concentrations élevées Mg2+ et Ca2+ conduisent à la précipitation de carbonates et hydroxydes de calcium et magnésium, qui sont les principaux composant des cheminées hydrothermales associées (Delacour et al., 2008c; Früh-Green et al., 2003; Haggerty, 1987; Kelley et al., 2005; Ludwig et al., 2006; Monnin et al., 2014).

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! CONTEXTE GÉOLOGIQUE

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! Généralités sur la SWIR

La dorsale Sud Ouest Indienne s’étend dans l’océan Indien entre le point triple de Bouvet au sud-ouest (1°5’W) jusqu’au point triple de Rodrigue au nord-est (70°00’E), et sépare la plaque Africaine au Nord de la plaque Antarctique au Sud (Figure II-1). Classée dans la catégorie des dorsales ultralentes (Dick et al., 2003), elle représente un intermédiaire entre la dorsale Atlantique lente et la dorsale la plus lente connue à ce jour, la dorsale arctique de Gakkel. Les études magnétiques, bathymétriques et sismiques ont montré que la dorsale SWIR présente d’importantes variations le long de son axe. Elle peut ainsi être séparée en quatre segments majeurs : la zone s’étendant du point triple de Bouvet à la zone de fracture d’Andrew Bain (30°E), la zone entre Andrew Bain et la zone de fracture de Gallieni (52°20’ E), la zone comprise entre la fracture de Gallieni et la fracture de Melville (52°20’E à 60°45’E) et l’est de la fracture de Melville jusqu’au point triple de Rodrigue.

Figure II-1 : Carte de la dorsale Sud-Ouest Indienne (SWIR) et de ses principales failles transformantes. CIR=Dorsale Centrale Indienne, SEIR=Dorsale Sud-Est Indienne, MAR=Dorsale Médio-Atlantique, AAR=Dorsale Amérique-Antarctique. Les points triples (TJ) sont repérés par les étoiles, et la zone du smooth seafloor (SMS) est repérée par le cadre vert.

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