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3.5 Défaut de régénération en cas de stéatose

3.5.2 Stéatose et régénération sur modèles murins

Les études portant sur la régénération hépatique en cas de stéatose sur modèles murins se sont développées ces 15 dernières années et ont abouti à des résultats parfois contradictoires. En effet, alors que la majorité des recherches montre un défaut de régénération hépatique post hépatectomie partielle, d’autres études ne parviennent pas à mettre en évidence un quel- conque défaut. En réalité, certaines différences s’expliquent probablement par la variabilité des modèles utilisés ou par des cinétiques de prolifération parfois trop peu détaillées. Par exemple, deux études utilisant exactement le même régime « High Fat Diet » ont trouvé un défaut de régénération pour l’une [174] et pas pour l’autre [175]. Cependant, le temps de régime variait de 9 et 13 semaines pour la première et de 6 semaines maximum pour la seconde. D’autre part, ce défaut de régénération semble se confirmer dans différents modèles d’agression toxique. L’acétaminophène a des effets plus toxiques sur foies stéatosiques [176] ou encore l’injection de CCL4 inhibe clairement la prolifération hépatocytaire de souris ob/ob [177]. Au final, à la lumière de l’ensemble des études, il est maintenant communément admis que la stéatose hépatique tend à induire des défauts de régénération précocement dans le cycle cellulaire, notamment au niveau de la transition G1/S. Comme illustré dans la table 3.2, les différentes études effectuées au cours de ces dernières années mettent en avant pour la majorité une dérégulation des voies inflam- matoires sans véritablement entrer dans des explications moléculaires plus développées.

Les deux prochains chapitres s’intéresseront à deux voies de signalisation importantes pour contrôler la régénération hépatique. Le premier chapitre développera la voie EGFR dans son ensemble, qui est connue pour agir posi- tivement sur la régénération en induisant des signaux pro-prolifératifs et qui

Article Modèle(s) utilisé(s) Régénération Cible(s) moléculaire(s)

[178] ob/ob ✪ ↓NF-κB

[179] ob/ob ✪ ↑ STAT3 et ↑ p21

[180] ob/ob ✪ VEGF

[181] ob/ob ✪ ?

[182] Rat Zucker ✪ ↓ IL-6

[183] Db/Db ✪ ? [184] Db/Db ✪ ↓ Wee et ↓ Mit1 [185] MCD ✦ – [186] MCD ✪ ↑ IL-6 et ↑ TNF-α [187] MCD ✪ ? [188] Orotic acid ✦ – [189] MCD ✦ –

[189] Choline deficient ✪(délais) ?

[174] HFD ✪ ↓ IκBα et ↓ NF-κB [175] HFD ✦ – [190] HFD ✪ ↑ ER stress et ↓ Erk1/2 [191] Régime fructose ✪ ↓ TGF-β1 [192] AOX-/- ✦ – [136] L-Fabp-/- ✦ – [136] PPARα ✦ – [136] MTP-IKO ✦ – [136] FAS-KOL ✦ –

[193] KK-Ay ✪ STAT3 et ↑ SOCS3

Table 3.2 – Résumé de l’ensemble des articles consacrés à la recherche sur la régénération du foie en cas de stéatose hépatique sur modèles murins. Il est précisé les modèles utilisés, l’impact sur la régénération hépatique et les voies de signali- sation isolées

✪ : Défaut de régénération ✦ : Régénération normale.

a fait l’objet essentiel de mes investigations dans mon projet de doctorat. Le second détaillera la voie TGF-β, qui joue négativement sur la régénéra- tion hépatique en activant des signaux antiprolifératifs et que j’ai trouvée perturbée dans mon étude du défaut de régénération du foie stéatosique. Schématiquement, on peut représenter ces deux voies comme une balance permettant à la régénération post-hépatectomie de s’effectuer correctement.

La voie de signalisation EGFR

dans la régénération hépatique

4.1

Description générale

L’EGFR, aussi appelé ErbB-1, est une glycoprotéine transmembranaire qui appartient à la famille des récepteurs à tyrosine kinases (RTKs) ErbBs, conjointement avec ErbB-2, ErbB-3 et ErbB-4 [194]. L’EGFR est le premier membre de cette famille, ainsi que le premier RTK à avoir été découvert en 1963 [195]. Il joue un rôle essentiel à l’égard du développement des tissus épithéliaux, mais est aussi à l’origine des tumeurs de ces mêmes tissus [196]. D’autre part, la délétion de l’EGFR chez la souris est létale entre la mi- gestation et la troisième semaine de vie en fonction des souches de souris. Les souris présentent par ailleurs de multiples anomalies au niveau de la peau, du rein, du cerveau, du tractus gastro-intestinal ainsi que du foie, avec un épaississement des lobules hépatiques, des malformations anatomiques des sinusoïdes ainsi que des noyaux anormalement vacuolés [197].

D’un point de vue structurel, en plus de son domaine tyrosine kinase cyto- plasmique très conservé, cette protéine possède une région transmembranaire ainsi qu’un domaine extracellulaire riche en cystéines. Lorsque qu’un ligand se lie au récepteur, ce dernier peut soit s’homo- ou s’hétéro-dimériser avec d’autre membres de la famille ErbB [198]. Ceci entraine l’autophosphoryla- tion de ces résidus tyrosines qui vont recruter un certain nombre de parte- naires pour permettre l’activation de toute une cascade de signaux intracellu- laires. L’ensemble de voies activées par l’EGFR est connu pour être impliqué dans la croissance, la différentiation, la prolifération cellulaire, la motilité cellulaire, le contrôle de l’apoptose, la transition epithélio-mésenchymateuse et la surexpression des métalloprotéases matricielles [199]. On a aussi prêté à

l’EGFR un rôle dans le maintien des cellules souches ainsi que dans le cancer [200], mais ces thématiques ne seront pas abordées dans ce chapitre.

Le turnover de l’EGFR est contrôlé par l’endosome. Quand un ligand se lie sur le récepteur, ce dernier rentre dans la cellule et est transporté vers une vésicule d’internalisation. Ensuite, en fonction de la stabilité du complexe EGFR/ligand et de l’ubiquitination du récepteur, il y aura soit une dégra- dation complète dans le compartiment lysosomal, soit un recyclage vers la membrane [201]. Ce procédé permet de moduler finement la signalisation EGFR en proposant un mécanisme de rétrocontrôle négatif [202]. Il a égale- ment été montré que l’EGFR peut réguler ses cibles en transloquant sa région interne dans le noyau pour activer des gènes tels que la cycline D1 [203] ou des gènes de l’inflammation comme COX-2 [204].