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2.4. Revue de la littérature 112 

2.4.1. La spiritualité des jeunes 112 

C’est à la lumière de cette présentation générale de la spiritualité que nous nous tournons maintenant de façon plus précise à la question de la spiritualité des jeunes en difficulté. Plusieurs chercheurs ont étudié la question. Une des contributions majeures qui retient notre attention est le travail de David Hay et Rebecca Nye (1998). Robert Hurley (2009 :3) qualifie leur ouvrage comme: « d’outil incontournable pour n’importe quelle discussion contemporaine de la spiritualité des enfants ». Dans The Spirit of the Child, les auteurs développent une théorie qui décrit la vie spirituelle des enfants britanniques à partir d’une étude de 38 écoliers (19 participants âgés de 7-8 ans et 19 âgés de 10-11 ans). À partir de l’analyse des verbatim des entrevues menées par Nye avec ces enfants, ces chercheurs ont élaboré la théorie de la « conscience relationnelle » pour expliquer la vie spirituelle des enfants. Selon cette théorie, la spiritualité des enfants qu’ils ont interviewés prend la forme

d’une conscience particulière, une conscience qui se décline en quatre variantes : la conscience d’une relation entre l’enfant et Dieu (child-God consciousness); la conscience d’une relation entre soi et autrui (child-people consciousness); la conscience d’une relation entre l’enfant et le monde (child-world consciousness), et enfin, la conscience d’un rapport à soi (child-self consciousness). Cette conscience d’être en relation avec Dieu, avec les autres êtres humains, avec le monde et avec eux-mêmes semble pour ces enfants une source de cohésion sociale et morale.

Les résultats de cette recherche rejoignent la description des trois relations proposées par Giguère (2009) et l’explication de l’intériorité (spiritualité) enrichie par la spiritualité sociale dont fait cas Descouleurs. Cette conscience relationnelle qui s’articule autour de quatre axes rencontre la découverte de plusieurs chercheurs entre autres Oser (1991) ; Bergeron (2001) ; Giguère (2009) ; Grand’Maison (1992 : 103). Ces chercheurs expliquent que la conscience relationnelle (Hay et Nye 1998), la conscience religieuse (Oser 1991) et la spiritualité sociale (Descouleurs 2007), la spiritualité comme unification personnelle et comme libération intérieure Bergeron (2001), cheminement intérieur (Grand’Maison 1992) sont des formes de spiritualité haut de gamme. Partant d’une intériorité bien organisée, le sujet peut bien harmoniser ses relations.

Richard M. Lerner et ses collaborateurs (2003:3) parlent de la définition opérationnelle qui sous-tend leur recherche: « These discussions have been predicated on a definition of adolescent spirituality as seeing life and living in new and better ways, taking something to be transcendent or of great value, and defining self and relation to others in ways that move beyond the petty or material concerns to genuine concern for others ». Là encore, il est question de la perception de soi et des rapports entre soi et autrui.

James W. Fowler (1995), dans son ouvrage La psychologie du développement de l'homme

et quête du sens, décrit le développement de la foi dans ses différentes étapes. À partir de

329 participants, répartis entre protestants (45%), catholiques romaines (36,5%), juif (11,2%), orthodoxe (3,6%), et autres (3,6%), Fowler établit six stades expliquant le

développement religieux de l’humain. Ce « modèle de développement de la foi qui est testé depuis plus de 20 ans, dans des stages et développements de théologie pastorale » (Fowler

(1995). Des six stades du développement de la foi que décrit Fowler, le troisième décrit celui du groupe d’âge qui nous concerne dans cette recherche, c'est-à-dire des 12-20 ans. Dans le stade trois qui s’appelle « le synthétique conventionnel », le sujet développe son expérience du monde au-delà du cercle familial. Il est confronté à une orientation de

cohérence, à une grande complexité interrelationnelle et à une « ouverture » de la foi censée jouer un rôle important. C'est-à-dire qu’elle « doit synthétiser les valeurs et l'information ; elle doit fournir une base à l'identité et à la vision du monde ». Ce stade est une étape importante dans l’équilibre permanent et la structuration des relations interpersonnelles. Il est aussi considéré comme le stade de conformisme « dans le sens où, de manière très aiguë, il est adapté aux attentes et aux jugements de ceux qui ont du poids pour nous » (Collas 2003: 19). Dans ce stade « les croyances et les valeurs sont profondément ressenties […] La personne demeure en elle et dans le monde qu'elles expriment. Mais il n'y a pas eu d'occasion pour les dépasser ou pour réfléchir à leur sujet ou pour les examiner de manière explicite - au cas par cas - ou de manière systématique ».(Collas 2003: 18).

En outre, Fowler (1995), intègre la spiritualité dans un processus de « formation d'un mythe personnel », évoluant vers l'identité et la foi, « en incorporant le passé et le futur que l'on peut anticiper dans une image de l'environnement ultime, unifié par les caractéristiques de la personnalité ».

J. P. Deconchy (1965 : 8) rejoint Fowler en parlant de trois étapes de développement spirituel chez les jeunes : étape 1 de 7-11 ans, attribution anthropomorphique de Dieu ; étape 2 de 11-14 ans, qui correspond à la période de réflexion abstraite, les attributs de Dieu deviennent beaucoup plus abstraits ; étape 3 à partir de 14 ans, la vision abstraite de Dieu prend l’allure de relation personnelle du sujet avec Dieu. À cette étape se développe un peu plus la conscience relationnelle en lien avec l’image de Dieu et à cela s’ajoutent l’amour et la vérité

Jacques Grand’Maison (1992 : 33, 133) dans son ouvrage Le drame spirituel des

adolescents explique l’affirmation rationnelle et pragmatique des jeunes de 12-14 ans. Cette

période est une étape où le jeune se retrouve en mode critique face à certains acquis de son enfance, « de l’éducation reçue et de l’autorité des adultes ». Dans ce cas, l’enseignement

religieux et le concept de la spiritualité reçus depuis l’enfance n’échappent pas à ce « mode critique » et pourraient aboutir soit à une continuité de la foi de l’enfance, soit à une

redécouverte de la foi ou précisément de la spiritualité des jeunes. Il pourrait y avoir un rejet de la « sensibilité religieuse » partant de la spiritualité, si toutefois il n’y a pas eu « une ressaisie plus rationnelle de la foi ». Grand’Maison décrit l’absence d’exploration sérieuse de cette période de la jeunesse qui demeure une étape très critique pour la vie spirituelle du jeune. En outre, il estime que la période de 15-16 ans est celle de personnalisation pour les jeunes, et à ce titre, ils ont besoin d’établir leur « position religieuse sur une base

personnelle plus que jamais auparavant dans leur itinéraire » (Grand’Maison 1992 : 133). Considéré comme une phase cruciale du développement religieux et spirituel du jeune, Grand’Maison préconise des actions indiquées pour aider le jeune à bien développer sa spiritualité, car dit-il : « ils ont besoin de savoir que la foi chrétienne est une grande aventure de vie, de cheminement intérieur, de transformation du monde, de poursuite d’un royaume qui amène ce monde, cette humanité vers des horizons sans cesse renouvelés ».