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2.4. Revue de la littérature 112 

2.4.11. Le concept de l’expérience 134 

Depuis un certain temps, les théologiens cherchent à préciser ce qu’ils veulent dire quand ils emploient le concept de l’expérience ainsi qu’à « évaluer fondamentalement et

systématiquement les mérites et les limites des divers recours de l’expérience dans la production théologique actuelle » (Dumas 200 : 4). Certains théologiens situent

le débat de l’importance de l’expérience comme lieu privilégié pour la théologie fondamentale (Petit 1981 : 19).

Bouillard (1965) dans un article de Concilium parle de l’expérience humaine comme le point de départ de la théologie. Cet article, qui souligne l’importance de l’expérience humaine dans le processus de la théologisation, est un appel à reconsidérer la place de l’expérience dans la théologie aussi bien que dans la vie spirituelle. Bouillard plaide pour une prise en compte de l’expérience comme un lieu théologal.

Jean-Claude Petit dans son article, « La théologie et l’expérience », s’inscrit dans la même logique en expliquant que « la meilleure preuve que Dieu existe est que je l’ai rencontré». Petit (1983 : 17) inscrit ainsi la preuve de l’existence de Dieu dans le sillage de l’expérience personnelle en mettant l’accent sur « je ». Le «je » de Petit personnalise l’expérience de l’existence de Dieu et ne la rend partageable que par la mise en récit. Petit (1983 : 19) va plus loin et évoque le cas de certaines personnes qui ne peuvent pas exprimer leur

expérience et se contentent de dire la phrase suivante pour confirmer leur conviction : « Pensez ce que vous voulez, moi je sais, j’en ai fait l’expérience, ou encore ce que je dis est vrai, j’en ai fait l’expérience ». Pour Petit, « le recours à l’expérience comme lieu

privilégié d’acquisition de connaissances et moyen décisif d’affirmation de soi se reposerait donc sur le caractère immédiat des certitudes acquises ». Gadamer, cité par Petit (1983: 28), soutient que l’expérience est une source d’enseignement de la connaissance du réel et sa résultante.

L’expérience religieuse. Robert Sévigny (1971 : 28), dans son ouvrage intitulé

L’expérience religieuse chez les jeunes, décrit l’expérience religieuse à partir de la

« conscience ». Cette prise de conscience, selon Sévigny, oscille autour de quatre axes principaux : 1) la conscience de certains problèmes fondamentaux tels les origines de la personnalité, de l’existence, de la vie, de la mort et de la survie ; 2) la conscience de l’aveu de faiblesse, 3) la conscience d’un sentiment de dépendance et, 4) la conscience du salut. Pour Sévigny l’expérience religieuse ne peut se réaliser en dehors de la dimension collective et sociale.

 L’expérience doit être une réalité ou une situation vécue au point d’avoir une implication personnelle avec la situation.

 Il ne suffit pas de vivre une situation pour l’enregistrer dans le répertoire de l’expérience, mais surtout, il faut l’avoir vécue de façon intense au point que l’intelligence, les émotions et les actions de la personne soient impliquées de façon active.

 Cette réalité doit constituer un objet de réflexion et d’interprétation pour donner du sens et de la valeur à la réalité. « Seul cet effort d’interprétation transforme le vécu en expérience, leçon de vie, accès au réel, orientation existentielle ».

 L’expression et l’objectivation de la réalité constituent non seulement un moyen pour communiquer l’expérience, mais aussi pour son élaboration.

Par ce procédé, Alberich dépasse le cadre superficiel de nommer une expérience par le simple fait de vivre une situation. Elle a besoin d’être travaillée au point de la transformer en une expérience vivante.

Conclusion de la revue de la littérature

Ce bref parcours de la littérature publiée au sujet de notre thème nous a permis d’examiner les concepts clés qui sous-tendent notre projet de recherche. Ainsi, nous avons pu dégager de pistes de réflexion nous permettant de poursuivre la réflexion sur l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté. Nous avons retenu un certain nombre de concepts relatifs à la spiritualité qui se trouvent au cœur de notre recherche. Quelques concepts relatifs à la spiritualité restent à élucider en vue de mieux cerner la problématique qui est la nôtre. Les auteurs principaux consultés dans cette section sont entre autres Hay et Nye (1998) qui ont travaillé sur la conscience relationnelle, Oser (1991) qui a mené une recherche sur la conscience religieuse, Giguère (2009) et Descouleurs (2007) qui ont élucidé la question de la spiritualité sociale, Bergeron (2001) qui parle de cheminement intérieur, Fowler (1995) qui met en exergue les étapes de la foi. Nous avons retenu que la spiritualité des jeunes est une vie intérieure dont le développement dépend aussi bien de la personnalité de l’individu que des conditions sociales.

Conclusion du chapitre II

Ce chapitre nous a permis d’asseoir le choix de la discipline de la théologie pratique et de la méthode de la théorisation ancrée comme cadre de notre projet de recherche. Aussi, nous avons pu problématiser notre recherche sur l’expérience des jeunes en difficulté grâce au recours à la littérature publiée sur le thème général de notre thème.

Le choix de la discipline de théologie pratique remonte à la recherche d’un programme dont les outils métrologiques et les objectifs répondront aux questionnements que nous portions au sujet des jeunes en difficulté. Le choix de la méthode de la théorisation ancrée est consécutif à la découverte et au choix de la théologie pratique qui utilise les méthodes des sciences sociales, dont la théorisation ancrée. Pour la théologie pratique, nous avons consulté quelques théoriciens dont les principaux sont Gilles Routhier et Marcel Viau (2007), Thomas John Hastings (2007, Paul Ballard et John Pritchard (1996), Marc Donzé (1995), Jean-Guy Nadeau (2004). De cette recherche, il est clair que la théologie pratique est un domaine d’étude en pleine expansion. La théologie pratique part d’une situation concrète, d’une pratique pour mener une réflexion dans le but de changer ou d’améliorer la pratique. C’est dire donc qu’elle observe et analyse la situation à l’étude pour y intervenir de façon appropriée. C’est l’agir de l’Église dans la société

Les objectifs et la démarche méthodologique de la théorisation ancrée répondent mieux aux objectifs de la présente recherche d’où le choix de cette méthode. La théorisation ancrée est une démarche méthodologique scientifique qui vise l’élaboration d’une théorie basée sur l’observation des phénomènes enracinés dans la réalité empirique. Les principaux théoriciens de la théorisation ancrée que nous avons consultés sont : Glaser et Strauss (1967), Anne Laperrière (1997), Corbin (1990, 1994, 1998), Lincoln et Guba (1985), Savoie-Zajc (1998).

À travers le cadre théorique, il a été possible d’examiner le concept des mots clés de la question de recherche de la présente recherche en mettant particulièrement l’accent sur la notion de la spiritualité et du jeune. La spiritualité, le moins qu’on puisse dire, se comprend dans son aspect de construction individuelle du sens de l’existence. La capacité de

notion du sacré. Si la spiritualité séculière est le développement de l’intériorité dans une perspective de libération intérieure, la spiritualité du type religieux, en revanche, est une rencontre intérieure entre l’humain et le transcendant dont la foi est le lieu de rencontre. Deux notions se disputent dans le champ sémantique du mot jeune : la première considère le jeune comme une étape de la vie située entre l’enfance et l’âge adulte; la deuxième estime que le jeune est un état d’esprit plutôt qu’une période de la vie.

La revue de la littérature a concerné l’expérience spirituelle de personnes en difficulté en général et en particulier l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté. Cet examen fait état d’une expérience spirituelle chez toutes les personnes en difficulté qui se

manifestement de façon différente par rapport à celle des personnes ne présentant pas une difficulté particulière et apparente.

Sur la base de ces acquis, je me tourne maintenant à l’analyse des données recueillies sur mon terrain d’intervention.