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L'expérience spirituelle des jeunes en difficulté du Centre d'accueil et de réinsertion sociale de Salbisgo au Burkina Faso

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'expérience spirituelle des jeunes en difficulté du Centre d’accueil et de

réinsertion sociale de Salbisgo au Burkina Faso

Thèse

Simon Ramdé

Doctorat en théologie pratique

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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réinsertion sociale de Salbisgo au Burkina Faso

Thèse

Simon Ramdé

Sous la direction de :

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La spiritualité des jeunes en général et celle des jeunes en difficulté en particulier suscitent un intérêt croissant dans la recherche récente. La présente recherche s’inscrit dans une démarche de compréhension de la spiritualité comme expression de la quête de sens chez les jeunes en difficulté du Centre d’Accueil et de Réinsertion Sociale de Salbisgo (CARSS). Comment ces jeunes, malgré les difficultés qui les ont amenées au CARSS et les ont

déboussolés dans leur quête identitaire, vivent-ils leur spiritualité? C’est cette

préoccupation qui sous-tend notre recherche. Pour répondre à cette question existentielle, nous sommes allé sur le terrain afin de collecter des données. Nous avons analysé et interprété ces données dans le but de comprendre comment se manifeste l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté. Quel rapport existe-t-il entre les difficultés et la

spiritualité? L’une influence-t-elle l’autre ou y a-t-il une influence mutuelle? L’objectif de cette recherche est de comprendre la spiritualité des jeunes qui sont en situation de

difficulté.

La théorisation ancrée a été retenue comme méthode pour cette recherche qualitative. Elle consiste à faire émerger une théorie à partir de l’observation du milieu naturel. L'analyse des résultats des données recueillies lors d’enquêtes menées auprès des jeunes a permis de saisir l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté comme une quête de sens dans un processus dynamique. À partir des analyses, nous avons retenu que la spiritualité se développe et atteint une profondeur si toutes les conditions sont réunies. Or, les jeunes en difficulté sont marginalisés et aliénés, vivant dans des conditions précaires aux plans social, familial, cognitif et affectif. Il est donc peu surprenant que leur spiritualité soit

problématique. Elle est, pour ainsi dire, étouffée et manque d’un cadre social d’expression. Pour qu’elle se développe et s’épanouisse, elle a besoin d’un environnement social propice. La convivialité du milieu social de ces jeunes en difficulté s’avère déterminante pour leur expérience spirituelle. La théorie qui se dégage largement de cette recherche se résume comme suit : l’expérience de jeunes du CARSS est une spiritualité en quête de la koinōnia. L’ouverture au divin s’avère déterminante pour la quête de sens.

(4)

The spirituality of youth in general, and that of troubled youth in particular, has become a topic of growing interest in recent research. The current study investigates the spirituality of troubled youth living at the ‘Centre d’Accueil et de Reinsertion Sociale de Salbisgo’

(CARSS). How do these young people in search of meaning live their spirituality in spite of the challenges that brought them to CARSS and disoriented their quest for an identity? This is the underlying concern for our research. To answer this central question, we analyzed and interpreted data gathered in the field in an effort to understand how youth facing serious life challenges perceive their spiritual experience. What is the relationship between those life challenges and the spirituality of these young people? Do the challenges they face condition their spiritual experience? Does their spiritual experience affect how challenges are perceived and faced? Do these two elements influence one another? The aim of this research is to understand the spirituality of young people as they face challenging situations.

Grounded theory, a form of qualitative research, is the method applied in this research project. This research method is designed to develop a theory based on observations carried out in the natural environment. The analysis of the data collected during interviews with the youth of CARSS allowed us to understand the spiritual experience of youth facing

challenges as a quest for meaning in a dynamic process. As a result of our analysis, we found that the spirituality of troubled youth can develop and deepen when the conditions are right. However, the troubled youth of CARSS came from lives in which the

development of their spirituality proved problematic because of social, familial, cognitive and emotional instability. Under these conditions, spiritual life is suppressed, lacking both the favorable social environment and a framework within which to express itself. The conviviality of the social environment of the youth of CARSS has proved decisive for their spiritual experience. The theory which emerges from our research may be summarized as follows: the youth of CARSS experience their spirituality as a quest for koinōnia. Opening up to the divine has proved decisive in their quest of meaning.

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ABSTRACT ... IV  SIGLES ET ABRÉVIATIONS ... XI  DÉDICACE ... XIII  REMERCIEMENT ... XIII  INTRODUCTION ... 1  Chapitre I... 15  LE CONTEXTE DU TERRAIN ... 15  Introduction ... 15 

1.1.  Histoire du Burkina Faso ... 15 

1.2. Situation géographique et démographique du Burkina ... 17 

1.2.1. Géographie du Burkina Faso ... 17 

1.2.2. La Situation démographique ... 19 

1.2.3. Les fonctions de la langue ... 21 

1.3. La situation socioculturelle et économique ... 25 

1.3.1. L’organisation du peuple moaga ... 25 

1.3.2. La situation sanitaire ... 28 

1.3.3. L’emprise de la société sur l’individu dans la société burkinabé (l’instinct grégaire) .... 28 

1.3.4. L’enseignement au Burkina Faso ... 31 

1.3.6. L’organisation administrative et politique ... 33 

1.3.7. Les religions au Burkina ... 34 

1.3.8.  La situation des jeunes en difficulté au Burkina Faso ... 39 

1.4.  Contexte du cadre de référence ... 39 

1.4.1. La situation de fécondité ... 41 

1.4.2.  Personne en difficulté ... 42 

1.4.3.  Historique du village de Salbisgo... 43 

1.4.4.  Court historique du Centre ... 45 

Conclusion ... 52 

Chapitre II ... 53 

LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE ... 53 

(6)

2.1.1. Remarques introductives sur la théologie pratique... 54 

2.1. 2. Le choix de la discipline ... 56 

2.1. 3. La pertinence de la théologie pratique pour la présente recherche ... 59 

2. 2. Pourquoi choisir la théorisation ancrée comme méthode? ... 60 

2.2. 1. Choix d'une école de pensée ... 66 

2.2. 2. L'échantillonnage théorique ... 66 

2.2. 3. La rigueur scientifique ... 68 

2.2. 4. La considération éthique ... 70 

2.2. 5. Collecte des données ... 72 

2.2.6. Méthode utilisée pour recueillir les témoignages de l’expérience... 75 

2.2.7. L’objectivité de notre démarche ... 81 

Conclusion de la section ... 82 

2.3. Cadre théorique ... 82 

2.3.1. La différence entre le religieux et le spirituel ... 84 

2.3.2. La spiritualité ... 85 

2.3.3. La conception religieuse de la spiritualité ... 86 

2.3.4. La spiritualité chrétienne, quelques notions de base ... 89 

2.3.5. Un aperçu de la spiritualité dans la tradition catholique romaine ... 90 

2.3.6. La spiritualité protestante ... 93 

2.3.7. La spiritualité séculière ... 97 

2.3.8. La spiritualité dans les religions traditionnelles africaine ... 101 

2.4. Revue de la littérature ... 112 

2.4.1. La spiritualité des jeunes ... 112 

2.4.2. La spiritualité des jeunes en difficulté ... 115 

2.4. 3. La notion de jeune ... 120 

2.4.5. L’adolescence ... 124 

2.4.6. La conception burkinabè de la jeunesse ... 125 

2.4.7. L’initiation ... 126 

2.4.8. La situation sociale et familiale ... 126 

2.4.9. L’inadapté ... 127 

2.4.10. Les causes des difficultés des jeunes ... 129 

(7)

Chapitre III ... 139 

ANALYSE DES DONNÉES ... 139 

Introduction ... 139 

Les difficultés rencontrées ... 139 

L’analyse des données ... 140 

La catégorie centrale ... 140 

Les catégories ... 140 

3.1. La vie des jeunes difficultés avant le CARSS ... 143 

3.1.1. Catégorie familiale ... 143 

3.1.2. Condition de vie (la pauvreté) ... 153 

3.1.3. Prise des stupéfiants ... 154 

3.1.4. Environnement des jeunes en difficulté ... 156 

3.2. La vie des jeunes en difficulté au CARSS ... 158 

3.2.1. Admission au Centre ... 158 

3.2.2. La conception de la vie ... 162 

3.3. Conscience religieuse ... 164 

3.3.1. La vie religieuse des jeunes ... 164 

3.3.2. Spiritualité des jeunes en difficulté ... 174 

3.3.3. Conception du monde ... 181 

Conclusion du chapitre III ... 182 

Chapitre IV ... 187 

L’INTERPRÉTATION THÉOLOGIQUE ... 187 

Introduction ... 187 

4.1. L’interprétation théologique des résultats ... 192 

4.1.1. L’interprétation théologique ... 192 

4.1.2. Le rôle de l'Écriture dans l'interprétation théologique ... 193 

4.1.3. L’enjeu d’une herméneutique romantique ou dogmatiste ... 198 

4.1.4. Les conditions d’interprétation ... 199 

4.2. La koinōnia comme espace d’expérience spirituelle ... 202 

4.2. La commensalité comme une expression de la koinōnia ... 213 

(8)

4.2.4. La pratique de quelques cas de commensalité dans l’Église au Burkina Faso ... 222 

4.3. L’espérance source de vitalité spirituelle ... 228 

4.3.1. L’espérance dans l’Écriture sainte ... 231 

4.3.2. L’espérance dans la mire de La théologie de la libération ... 239 

4.4. La théologie paulienne de la spiritualité chrétienne : un aperçu interprétatif ... 240 

4.4.1. La spiritualité : vie intérieure ... 243 

4.4.2. La spiritualité chrétienne : l’esprit au-dessous de l’abime ... 247 

Conclusion ... 249 

Chapitre V ... 251 

INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 251 

5.1. Le vécu antérieur des jeunes en difficulté avant leur venue au centre ... 253 

La fugue perçue par les parents comme une rébellion ... 253 

5.2. Exclusion sociale ... 257 

5.3. La religion subie ... 257 

5.4. L’expérience des jeunes en difficulté pendant leur vie au centre ... 258 

La pratique de la koinōnia dans le centre d’accueil ... 259 

5.5. La Transformation positive des pensionnaires du CARSS ... 269 

5.5.1. La koinōnia comme moyen de restauration des jeunes en difficulté ... 269 

5.5.2. La restauration de la dignité humaine ... 271 

5.5.3. L’éveil de l’expérience spirituelle ... 271 

5.6. Les effets de la koinōnia dans le CARSS ... 275 

Transformation intérieure ... 275 

5.7. La transformation intérieure dans la perspective biblique ... 280 

5.8. Quelques fausses perceptions de la transformation ... 281 

5.9. L’engagement de la foi ... 284 

5.10. Le développement de la personnalité ... 285 

5.11. Le rôle du corps dans le développement de la personnalité ... 286 

5.12. Réinsertion sociale et familiale ... 288 

5.13. Contribution au développement socioéconomique et culturel ... 290 

(9)

Conclusion ... 292 

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 293 

L’Écriture sainte comme source de soutien à la spiritualité des jeunes ... 305 

L’expérience spirituelle comme libération intérieure ... 306 

L’expérience spirituelle comme unification intérieure ... 306 

La fonction sociale de la spiritualité ... 307 

OUVRAGES CITÉS ... 309 

Introduction ... 309 

LES ANNEXES ... 330 

Annexe I : présentation orale de la recherche ... 330 

Annexe II : formulaire de consentement parental oral ... 333 

Formulaire de consentement parental oral ... 333 

Annexe III : présentation orale de la recherche ... 336 

Le texte de présentation orale de la recherche aux jeunes ... 336 

Annexe IV : entrevue ... 339 

(10)

Tableau n °1 Le temps d’entrevue ………...……. 76

Tableau n°2 : Les renseignements sur les participants………...………...…….. 78

Tableau n ° 3 : Les différentes catégories………...………... 142

LA LISTE DES FIGURES

Figure n° 1 : L’organisation du peuple maoaga ……….……….26

Figure n° 2 : La hiérarchie pyramidale de la famille traditionnelle………...…. .29

Figure n° 3 : La condition familiale………...……….………145

Figure n° 4 : La pauvreté………...………. 155

Figure n° 5 : La prise de stupéfiant………...………. 156

Figure n° 6 : L’environnement des jeunes………...………...…... 158

Figure n° 7 : La vie au CARSS………...………... 160

Figure n° 8 : La conception de la vie………...……….. 164

Figure n°9 : La vie religieuse………...……….. 166

Figure n° 10: La spiritualité des jeunes………...………... 176

Figure n° 11 : La conception de Dieu………...………. 216

Figure n° 12 : La conscience relationnelle………...……….. 235

LA LISTE DES CARTES

Carte n° 1 carte d’Afrique ……….………...……18

Carte n° 2 carte du Burkina Faso……….. ………..18

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SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ANERSER: Association nationale pour l'éducation et la réinsertion sociale des enfants à risques

AT : Ancien Testament

BEPC: Brevet d'études du premier cycle

CARSS: Centre d'Accueil et de Réinsertion Sociale de Salbisgo

CEMEB : Conseil des Églises et Missions évangéliques du Burkina (CEMEB) CEP: Certificat d’études primaires

DEP MEBA : Département du Ministère de l’enseignement de base et de l’alphabétisation EDS : Enquête démographique de la santé

IDH : Institut du développement humain

MASSN: Ministère de l’administration de la sécurité sociale nationale MEBA: Ministère d’enseignement de base et de l’alphabétisation

MESRS: Ministère de l’Enseignement secondaire et de la Recherche scientifique OMD : Objectifs du millénaire pour le développement

ONG: Organisation non gouvernementale

ONUSIDA : Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA NT: Nouveau Testament

PDDEB : Plan décennal de développement de l'éducation de base PIB : Produit intérieur brut

RDA : Renaissance démocratie africaine

RGPH: Recensement général de la population et de l’Habitat T P: théologie pratique

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VIH/SIDA : Virus de l’immunodéficience humaine/syndrome de l’immunodéficience acquise

(13)

Nous dédions ce travail à nos parents Gnissiri et Nogbzanga.

À notre épouse, Patricia qui nous a supporté et accompagné pendant ces longues années d’absence.

À nos enfants, Epaïnette et Abimaël

(14)

attention. L’un disait lors de sa graduation comme docteur « personne ne peut être ce qu’il est sans l’autre » et l’autre, doyen sortant d’une faculté de théologie disait « l’homme ne peut faire que ce que sa capacité et son environnement lui permettent de réaliser ».

Les recherches doctorales sont une aventure et une entreprise complexes dont l’issue n’est certaine que lorsqu’on arrive à la rive. Sa complexité est telle qu’elle commande les efforts conjugués de plus qu’une personne. C’est à ce titre que nous voudrions reconnaitre l’apport inestimable de plusieurs personnes qui nous ont accompagnées dans notre parcours dont nous ne serons pas capables, pour plusieurs raisons, de tout énumérer dans une courte liste. Toutefois, nous prenons le risque de citer quels noms. Nos remerciements s’adressent :

‐ Au Professeur Robert Hurley, notre Directeur de recherche qui n’a ménagé aucun effort pour nous soutenir et relever les nombreux défis. Sa patience, sa rigueur, son accompagnement rigoureux et tout aussi respectueux nous ont orienté à chaque étape de la recherche;

‐ À la faculté de théologie et de sciences religieuses, au corps professoral : nous pensons à Gilles Routhier, doyen; à Robert Mager, directeur du programme du Doctorat en théologie pratique (D.Th.P.) qui m'a beaucoup soutenu; à Marcel Viau, le directeur fondateur du D.Th.P. à Carole Côté, à Marie-Hélène Carette, et à plusieurs autres.

‐ À la direction du Centre d’accueil et de réinsertion sociale de Salbisgo;

‐ Aux jeunes en difficulté du centre qui ont bien voulu participer à cette recherche; ‐ À mon petit frère Jean Ramdé qui m’a accompagné dans plusieurs choses, dont la

lecture du texte;

‐ Au professeur Ouoro Justin pour sa lecture du texte;

‐ L’Église des Assemblées de Dieu du Burkina dont le Pasteur Michel est le Président du Conseil Général;

‐ À l’Église des Assemblées de Dieu de Banfora qui nous a soutenu dès nos premières années de recherche;

‐ À la Fédération des Églises et Missions Évangélique du Burkina dont le Pasteur Samuel Yaméogo est le président;

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‐ À Madame Kady Fanny qui m’a accueille dans sa maison pendant mes séjours à Québec;

‐ À la fondation Cardinal-Maurice-Roy pour son appui financier

‐ À monsieur Étienne Zongo, Directeur du FONER pour son appui financier; ‐ À d’autres personnes qui ont œuvré dans l’ombre pour nous faciliter le travail.

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(17)

INTRODUCTION

Domaine de la recherche

Nous nous rappelons très bien l'expérience que nous avons vécue dans un centre d’accueil pour jeunes en difficulté dont nous préférons taire le nom pour une question de

confidentialité. Ce centre, créé par une mission allemande, reçoit des jeunes filles et garçons en difficulté. Ayant appris l’existence de ce centre et voulant participer à ses activités, les jeunes de quinze à vingt ans de l’Église dans laquelle nous exerçons notre ministère pastoral ont entrepris d’organiser une journée de visite au profit des jeunes du centre. Étant le responsable des jeunes de l’Église, nous avons organisé cette visite ensemble. Nous avons contacté l’administration du centre pour une autorisation de visite. Elle nous a imposé une seule condition sur laquelle elle a beaucoup insisté; à savoir ne

parler ni de Dieu ni de la foi. Nous avons accepté la condition sous réserve qu’on ne nous

pose pas non plus des questions ayant trait à Dieu et à la foi. Les jeunes (garçons et filles) de l’Église sont sortis nombreux accompagnés de quelques adultes avec au programme des activités sportives, récréatives, divers jeux, remise de cadeaux, etc. Selon les dires de la direction du centre et les jeunes en difficulté eux-mêmes, ils n’ont jamais eu la visite d’une telle délégation, agrémentée de cadeaux et d’une belle ambiance. Comme il fallait s’y attendre, l’ambiance était si bon enfant que les jeunes du centre n’ont pas pu se retenir de poser des questions relatives à Dieu. Nous ne savions pas s’ils étaient informés de

l’interdiction de parler de Dieu lors de cette rencontre. Nous n’avons pas pu non plus résister à cette tentation de répondre aux questions et les résultats ont été extraordinaires au point d’augmenter la joie des pensionnaires du centre qui nous ont promis de nous rendre visite à leur tour. Au regard de ces résultats appréciables et surprenants de l’entretien sur les questions religieuses et sur Dieu, l’administration du centre d’accueil a annulé sa condition et nous a invités à revenir faire autant sans restriction. Dans ce cas précis, les encadreurs n’ont pas pu discerner le besoin spirituel des jeunes du centre. Pourtant ce besoin est si important pour l’équilibre de leur personnalité qu’il faut nécessairement en tenir compte. Nous avons été surpris de voir que les jeunes eux-mêmes ont pris leur responsabilité pour réclamer qu’on leur parle de Dieu.

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Ce cas très parlant et représentatif est révélateur d’une part de l’expérience et du besoin spirituel des jeunes en difficulté, et d’autre part de la non-considération de la dimension spirituelle par les responsables des jeunes en difficulté dans les différents centres d’accueil. Dans ces derniers temps, il y a un développement appréciable des infrastructures dans la technique d’accueil des personnes en difficulté, en particulier dans la technique d’accueil des jeunes en vue de leur réinsertion sociale. Toutefois, dans la plupart des centres

d’accueil ou maisons d’hébergement de personnes en difficulté, force est de constater que la dimension spirituelle n’est pas toujours prise en compte. Dans certains cas où la tentative de prise en compte existe, elle est plutôt faible. La condition de vie des jeunes en difficulté rend leur épanouissement spirituel fort difficile. On pourrait même parler de crise

spirituelle chez eux.

Nous pouvons ainsi dire que la crise spirituelle que connait le monde de nos jours n’est pas dissociable de la mutation de tous ordres opérés dans les sociétés modernes (Grand’Maison 1992; Routhier 2005). Cette mutation avance de façon effrénée et bouscule parfois les normes les plus établies, les valeurs spirituelles des personnes, surtout celles en passe de structuration de leur personnalité. Le développement scientifique et technologique, les nouveaux dispositifs en communication, la mondialisation qui apporte sa touche

particulière aux différents systèmes dans le monde, la désintégration de la famille, voilà autant d’éléments qui favorisent la mutation avec tous ses effets corolaires. Dans certains cas la spiritualité est affectée et le développement de la personnalité en souffre. Fort de ce constat, on se pose la question de savoir comment vivre son expérience spirituelle dans un monde sans cesse en mutation. Cette question devient plus pertinente lorsqu’il s’agit des personnes vivant avec une difficulté quelconque. Les personnes en difficulté en

l’occurrence les jeunes ne sont-ils pas confrontés doublement à ces problèmes sérieux? La situation des jeunes en difficulté non seulement a-t-elle existé depuis toujours, mais elle devient de plus en plus accrue de nos jours et prend une envergure mondiale au point d’interpeller l’agir et la réflexion des autorités et des décideurs. L’intégration de la dimension de l’expérience spirituelle dans la recherche de la solution aux difficultés que vivent les jeunes est plus que nécessaire. Le Burkina Faso n’est pas en reste par rapport au

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phénomène des personnes en difficulté. Les statistiques montrent que 2 % de la population burkinabè vivent dans une situation de difficulté de toute nature (INSD. 2006).

Une étude menée par J. Charmes (1985 : 179), portant spécifiquement sur les jeunes dans des pays en voie de développement, s’interroge au sujet du sort des jeunes hommes:

Chez les garçons, ces jeunes inactifs non scolarisés n’appartiennent-ils pas à la rue? [...] Comparaison avec les résultats de l’enquête démographique à passages répétés, il apparaît que ces jeunes sont nés en milieu urbain, qu’ils sont faiblement scolarisés (10 % contre 43 %), qu’ils ont accusé 2 à 4 ans de retard dans leur scolarité. Le déracinement socioculturel et l’échec scolaire sont ainsi des facteurs importants de la délinquance juvénile.

Pour revenir à la conception des difficultés perçues comme une situation d’inadaptation, H. Bissonnier (1980 : 13) estime que les difficultés, qu’il appelle inadaptation, concernent « tous les humains qui se trouvent, du fait d’anomalies d’ordre physique, psychique ou social, dans des conditions spéciales d’existence ». Cette inadaptation sociale se manifeste par le décrochage scolaire, la prise des stupéfiants, le non-respect des certaines règles de la vie sociale, un faible rapport à la transcendance, etc. Le Ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Burkina Faso a mené une enquête en mai 2002 relative à la situation des jeunes en difficulté. Cette enquête a été réalisée auprès de 2146 jeunes sur le plan national. Parmi ces jeunes, 24,14 % sont âgés de 7 à 12 ans. L’enquête a révélé que la prédisposition à la délinquance est liée aux activités précaires et à la mendicité auxquelles ils se livrent (PMJA/CO 2009).

Les activités précaires sont essentiellement : le travail du charretier, il s’agit de ceux qui transportent les bagages et tout autre effet de transport par les charrettes moyennant une somme modique; cireurs, ceux qui cirent les chausseurs à prix d’argent au bord de la rue; domestiques, des personnes travaillant aux domiciles dont le salaire commence à partir de 10000 francs, environ 20 dollars par mois; parqueurs, ceux qui gardent les engins.

Le vocable « difficulté » que nous utilisons ici pourrait englober la situation des jeunes inadaptés, les enfants avec des troubles mentaux, les abandonnés ou laissés pour compte les enfants qui souffrent de troubles de comportement, les retardés scolaires, les personnes handicapées au plan psychomoteur. Selon H. Bissonnier (1980 : 14), l’inadaptation résulte du refus de la société d’accueillir ses jeunes dans ses rangs. Dans ce cas, c’est la société

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elle-même qui parait inadaptée. Cet état de fait nécessite une compréhension et une analyse de la situation des jeunes en difficulté.

La situation des jeunes en difficulté est si préoccupante que nombre de pères, de mères et/ou de responsables sociaux ou religieux ont eu des soucis voire du chagrin au sujet de certains comportements que laissent apparaître quelques jeunes. Ces comportements constituent, dans une certaine mesure, un malaise dans la société humaine. Lorsqu’il s’agit de réfléchir sur la question de l’avenir ou le devenir de la société humaine, la problématique des jeunes en difficulté se trouve au cœur de la réflexion.

Nous avons été interpellé plus d’une fois soit par les parents des jeunes, soit par les jeunes eux-mêmes sur des cas précis des jeunes en difficulté, eu égard à notre profession de pasteur. Aussi, avons-nous entrepris certaines actions pour apporter une contribution aux solutions du problème (camps des jeunes, retraites spirituelles, encadrement des jeunes, etc.). Cependant, dans les tentatives de recherche de solutions, nous nous sommes vite rendu compte des lacunes dans notre démarche et notre action. Dans le but de comprendre de façon analytique le phénomène des jeunes en difficulté et d’être plus efficace dans notre action, il nous a semblé nécessaire d’étudier le problème à travers un projet de recherche qui nous offre la possibilité d’utiliser des méthodes indiquées pour cerner au mieux la problématique. D’où la formulation de notre question de recherche : Quelle est

l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté du Centre d’accueil et de réinsertion sociale de Salbisgo au Burkina Faso ?

Le projet de recherche exige une démarche scientifique et exploratoire et l’adoption d’une méthodologie appropriée s’impose. Les méthodes qualitatives sont particulièrement bien adaptées pour des études exploratoires. Nous avons donc retenu la méthode de la

théorisation ancrée. Cette méthode nous permettra de rendre compte du problème, étant donné que la théorisation ancrée consiste à observer une situation à l’étude dans son milieu naturel en vue de générer une théorie.

La situation du chercheur: la pratique pastorale et le cheminement

La logique qui engage le chercheur à préciser son lieu de prise de parole qui influence son analyse de l’objet et constitue un motif de transparence se mêlant à l’argument éthique a eu

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raison de notre résistance et nous convainc de livrer succinctement, quelques pans de notre histoire personnelle.

Né en Côte D’Ivoire dans une famille immigrée à la recherche de fortune, nous sommes le cinquième d’une famille polygame de 20 enfants. Le contact avec le message évangélique s’est effectué dans ce pays d’accueil. Convaincue du besoin de salut en Christ, la famille s’est convertie au christianisme dans l’Église de la Mission World Evangelical Church (WEC). Né dans cette ambiance chrétienne, nous y avons évolué pendant notre enfance. Reparti dans Burkina Faso, le pays d’origine de ma famille, pour suivre l’école chez notre oncle, nous y avons vécu une situation plurireligieuse. Nous étions protestant, notre oncle catholique. Ce dernier pratiquait les religions traditionnelles et le fétichisme et a finalement opté définitivement pour les religions traditionnelles. L’Église de la mission WEC n’étant pas implantée dans la localité, nous partions à l’Église des Assemblées de Dieu la seule Église protestante de la localité dans laquelle nous sommes resté jusqu’à l’âge de

l’adolescence. Reparti en Côte d’Ivoire pour rejoindre nos parents qui y étaient, nous avons senti la vocation pour servir Dieu comme pasteur.

Après une formation à l’Institut biblique et théologique, qui est une formation de base pour le ministère pastoral, nous avons été intégrés dans le corps pastoral et avons exercé le ministère pendant neuf ans. Confronté à certaines questions existentielles au cours de l’exercice du ministère pastoral, nous nous sommes vite rendu compte de nos limites et le besoin d’une formation supplémentaire se faisait sentir de plus en plus.

Nous nous sommes inscrit à l’École supérieure de théologie de l’Afrique de l’Ouest à Lomé, Togo dans le programme de licence en théologie. Notre passage dans cette école, nous a donné le goût de continuer les études dans le souci de mieux nous former pour être plus efficace et opérationnel dans le ministère, d’où une inscription au programme de maîtrise à la Faculté de Théologie protestante de Yaoundé au Cameroun.

Après la maîtrise, notre intérêt de travailler parmi les jeunes en difficulté s’est accru au regard des cas auxquels nous sommes confrontés. La complexité des différentes situations des jeunes en difficulté nous a à la fois convaincu et suscité le désir de poursuivre les études dans une démarche doctorale dont le programme permet de mener des activités de

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recherche liée aux jeunes en difficulté en vue de répondre aux préoccupations afférentes. Nous citons quelque trois cas parmi tant d’autres qui ont retenu notre attention:

Le premier cas concerne la situation du fils d’une connaissance très proche. Ce jeune faisait la fierté des parents dès son enfance et avait des bonnes notes à l’école, toute chose qui présageait un avenir radieux. À un moment donné, les parents ont constaté un

comportement quelque peu inquiétant de leur fils lorsque celui-ci tendait vers l’âge de l’adolescence voire jeunes adultes. Informé de la situation, nous avons entrepris ensemble de comprendre ce qui se passait dans la vie de ce jeune. Le constat était suffisamment fâcheux. La prise de drogue, le viol, le vol, l’alcoolisme et l’inceste étaient les activités courantes du jeune. Ses études ont pris un coup au point qu’il a commencé à enregistrer de mauvaises notes et a été finalement renvoyé à plusieurs reprises de l’établissement qu’il fréquentait (décrochage scolaire). Nous avons tenté de comprendre davantage afin d’aider le jeune sans succès. Cette situation a à la fois révélé nos limites et laissé apparaitre la complexité des difficultés liées à la situation des jeunes en difficulté.

La deuxième expérience nous provient d’un groupe de jeunes fréquentant une Église locale. Malgré le fait que ces jeunes étaient membres d’une communauté chrétienne, ils prenaient des stupéfiants, buvaient de l’alcool à excès, remettaient en question la foi chrétienne, et s’abandonnaient à une vie antisociale et au désordre sexuel. . Dans la tentative d’aider ces jeunes, nous avons créé un cadre d’expression et d’écoute dénommé Mouvement ado-jeune pour mieux cerner la problématique afin d’envisager une intervention adéquate. Au

programme des activités, nous avions des séminaires d’enseignement et de formation, des camps bibliques, des activités récréatives, etc. Ces actions ont aidé certains jeunes à retrouver leur sérénité sociale, tandis que d’autres étaient toujours en difficulté.

La troisième expérience est une situation incongrue du fils d’un voisin immédiat. Le jeune est l’ainé de la famille sur lequel tous les espoirs de la famille se reposaient. À l’âge

adolescent, la prise des stupéfiants et les effets corolaires ont été le lot quotidien de ce jeune au point d’avoir des troubles de santé mentale. Un jour pendant que nous étions assis, nous avons entendu un coup de feu. Ce sont des choses qui arrivent très rarement dans notre localité. Nous nous sommes rendus dans les lieux pour savoir ce qui en était. Grande était

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notre surprise, c’est le père qui a tiré sur la jambe de son fils, un jeune en difficulté qui voulait violer sa propre mère.

Au regard de ce qui précède et ne pouvant pas rester indifférent, nous avons tenté de comprendre ces événements et de déterminer s’il y avait quelque chose que nous pouvions faire. À partir de ce moment, notre approche en tant qu’individu et chercheur consiste à interroger constamment notre pratique et notre expérience, à relire notre pratique dans une perspective de compréhension, de recherche du réel, d’amélioration de la pratique, etc. C’est dans cette vision des choses que nous nous sommes intéressé au programme de doctorat en théologie pratique de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’université Laval.

En 2007, nous arrivions à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, avec un projet de recherche sur les jeunes en difficulté. À ce moment-là, nous avons utilisé un vocabulaire qui donnait l’impression que les jeunes étaient les seuls responsables de leur situation. À travers les activités de formation et de recherche sur le terrain, nous nous sommes rendu compte de l’insuffisance de cette conception des choses et nous avons commencé à adopter un nouveau point de vue qui a fait avancer notre recherche à plusieurs égards. Les préjugés et les a priori tombent pour laisser place à l’observation et la

recherche du réel. Le réel n’est pas dans le préjugé, mais dans l’observation, on pourrait aussi dire que la vérité n’est pas dans le jugement, mais dans la manifestation de l’objet. Nous avons compris que dans la recherche du réel, il faut nécessairement observer et analyser la situation à l’étude avant toute action, autrement il sera difficile, voire préjudiciable, de vouloir découvrir la vérité en jeu sans observation.

Nous illustrons cette réalité ci-dessus évoquée par un cas que nous avons rencontré dans notre terrain d’intervention. Il s’agit d’un cas très éloquent d’un jeune issu d’une union incestueuse. Rejeté par ses parents, au nom de la culture, il a été confié à une maison d’accueil de petits enfants. Plus tard, il a été amené au Centre d’Accueil et de Réinsertion sociale de Salbisgo (CARSS). Lorsque le jeune a appris son histoire et la déclaration de son père de ne jamais le reconnaitre comme son fils, il a adopté des comportements assez étranges. Les responsables du CARSS, ignorant sa situation, l’ont jugé à tort avant de s’en rendre compte. Lorsque les responsables ont changé de comportement envers le jeune

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celui-ci, se sentant entouré, aidé et aimé, a changé de comportement et a repris son cursus scolaire dans la tranquillité. Cette situation parmi tant d’autres nous ont permis d’orienter notre intervention sur la compréhension-interprétation-action, en d’autres termes, sur le « voir-juger-agir ».

La formulation du sujet. Au départ, la formulation de notre sujet de recherche était

influencée pour notre conception de la responsabilité des jeunes dans leur difficulté. Nous avons reformulé le sujet en fonction des déplacements que nous avons connus.

Changement de cadre de référence. Notre milieu d’intervention initial était les jeunes en

difficulté de la ville de Banfora. Nous avons compris que ce cadre de référence représentait un enjeu de taille au regard des affinités qui existaient entre quelques jeunes et nous. Cette affinité pouvant influencer négativement la recherche. Nous avons aussi été affecté à Ouagadougou, la capitale du pays située à environ 500 km de la ville de Banfora, nous étions en ce moment distant de notre terrain d’intervention. Ces raisons nous ont amenés à choisir le Centre d’accueil de réinsertion sociale de Salbisgo situé au centre ouest du pays à 95 km de la capitale où nous sommes. Le centre est bien structuré et propice à une

recherche doctorale

Changement de méthode. La méthode que nous avions choisie initialement était la

recherche-action, bien que cette méthode paraisse indiquée pour une telle recherche, nous avions constaté qu’une autre méthode, de par sa démarche, nous permettrait de comprendre de façon approfondie l’expérience spirituelle des jeunes, un préalable nécessaire pour envisager toute autre action dans le sens d’apporter le message évangélique à ces jeunes. Nous avons donc choisi la théorisation ancrée. Nous expliquerons plus tard l’importance de cette méthode pour notre recherche.

L’objet et les objectifs de la recherche Limitation de l’objet d’étude

Guidé par nos observations du terrain, la délimitation de notre objet d’étude s’est opérée progressivement. Les jeunes en difficulté sont affligés d’une série de difficultés incluant: les maladies mentales, les déficiences intellectuelles, psychomotrices, les troubles de

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comportement, etc. Dans la présente recherche, nous avons délimité le sujet aux troubles de comportement. Dans cette catégorie de difficulté (Bouchard 1991: 8), il y a d’abord celles qui se rapportent aux comportements des adultes dirigés contre les jeunes, il s’agit des différentes formes d’abus et de négligence qui se caractérisent par les violences physiques, psychologiques, rapports incestueux et abandon. Ensuite, il y a d’autres comportements qui, sans être dirigés contre les enfants, ont des conséquences directes sur eux : la santé mentale des parents, la consommation de drogues ou d’alcool par les parents, le déménagement fréquent, le divorce, la séparation géographique des parents pour des raisons de service et le remariage. On peut supposer que ces facteurs sont la cause directe ou indirecte pour

plusieurs des comportements adoptés par des jeunes en difficulté : l’abandon scolaire, l’itinérance, la fugue, l’autodestruction, la mutilation, la consommation de drogues et de l’alcool, le suicide, la prostitution, la transgression de certaines lois ou certains règlements et aux torts causés à autrui. Certains jeunes sont rejetés par leur famille à cause de leurs croyances et de leurs pratiques traditionnelles ; d’autres sont orphelins d’un parent, sinon des deux parents ; alors que d’autres sont victimes de la négligence ou de l’abus.

Du reste, la délimitation des difficultés est faite selon chaque centre d’accueil qui a ses propres critères pour identifier les difficultés. Deux raisons principales sous-tendent cette délimitation :

- dans le Centre d’accueil et de réinsertion sociale de Salbisgo (CARSS), le type de jeunes en difficulté reçus est le trouble de comportement;

- en incluant tous les types de difficultés, le travail dépasse le cadre d’une seule thèse.

Les objectifs de la recherche

Les objectifs de la présente recherche visent à élucider de façon analytique les points suivants :

1. Mener une analyse de la situation des jeunes en difficulté (les causes et les caractéristiques de la crise) à partir des entrevues et des observations.

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3. À partir de la compréhension de l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté, faire émerger une théorie enracinée dans le milieu naturel.

L’utilité ultime de la recherche se décline par le fait de mettre les résultats de ces

recherches à la disposition de l’Église ou des leaders politiques en vue de mener des actions suivantes :

- apporter un appui dans la réflexion et dans l’agir en vue de mieux comprendre la situation des jeunes ;

- faire des recommandations générales pour les jeunes déjà affectés par la précarité ; - envisager des mesures préventives à l’intention des plus jeunes et pour la génération montante;

- éveiller la conscience des décideurs politiques, sociaux et ecclésiastiques sur la pertinence de la question de la vie intérieure (spirituelle) des jeunes en difficulté ;

- mettre sur pieds une commission permanente de réflexion sur la question.

La pertinence de la recherche

Les recherches exploratoires que nous avons pu mener sur le terrain laissent entrevoir une pertinence assez prononcée de la présente recherche. Les responsables du Centre, au regard du travail déjà effectué, sont prêts à toute collaboration et attendent avec enthousiasme les résultats de la recherche. Selon Bertil (2010), fondateur du Centre, les jeunes sont reçus dans le Centre sans une étude adéquate de leur situation. Il n’y a pas une recherche scientifique prenant en compte l’aspect spirituel. Ainsi, les résultats de cette recherche viendront combler une lacune. Au Burkina, quelques enquêtes relatives aux jeunes en difficulté sont menées dans le milieu dit ouvert (Anerser 2008; 2009)1, mais pour les jeunes

du milieu fermé, peu de travaux ont été réalisés. Le Centre étant un milieu fermé,2 les

activités de recherche sur ce site sont suivies avec une attention particulière. Selon Zongo (2009), Directeur du Fonds national d’éducation et de recherche scientifique du Burkina, la

      

1 Le milieu ouvert, selon certains spécialistes, concerne les enfants dans la rue.

2. Nous entendons par milieu fermé un Centre structure qui reçoit les personnes en difficulté pour leur

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dimension spirituelle des jeunes en difficulté est occultée dans la prise en charge par les services techniques (Zongo 2009). Les résultats de cette recherche sont non seulement attendus pour étoffer le mécanisme de prise en charge des jeunes en difficulté, mais aussi pour envisager un module dans le système éducatif du Burkina.

L’originalité de la recherche. Au Burkina Faso selon nos informations, aucune recherche

n’est faite relative à la question de la spiritualité des jeunes en difficulté. La présente recherche qui vise la compréhension de la spiritualité des jeunes en difficulté pourrait s’avérer utile pour plusieurs catégories d’intervenants sur le terrain. Les responsables du CARSS espèrent pouvoir se servir des résultats pour modifier leurs pratiques au profit des jeunes en difficulté.

Cette recherche permettra d’analyser et d’interpréter la spiritualité des jeunes en difficulté en vue d’améliorer les services que l’on leur offre. La recherche est faite dans une approche qualitative. L’analyse que permet cette approche émerge des observations faites par le chercheur et de la participation des sujets à la recherche.

Questions de recherche

La présente recherche s’inscrit dans une logique de compréhension, d’analyse et

d’interprétation de l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté au Burkina Faso. Notre lieu d’intervention et de prise de parole est celui de la théologie pratique. Nous estimons que tout être humain a une vie intérieure, des aspirations et un sens de l’absolu. En ce sens, on peut supposer que tout être humain a une spiritualité (Bergeron, 2001 :18). Compte tenu de la complexité de la spiritualité, une précision du type de spiritualité s’avère nécessaire. Ainsi, la spiritualité qui fait l’objet de la présente recherche est la spiritualité religieuse des jeunes en difficulté.

Toutefois, les individus vivent la spiritualité parfois de façon fort différente. Existe-t-il un lien de causalité entre la manière d’expérimenter la vie intérieure et la difficulté éprouvée par les jeunes ? Comment les jeunes en difficulté vivent-ils leur spiritualité ? Y a-t-il un rapport entre les situations précaires (par exemple, la pauvreté et tous ses corolaires, le rejet familial et social) vécues par certains jeunes et la manière de vivre leur spiritualité ? Voilà autant de questions qui sous-tendent notre désir de comprendre la situation à l’étude.

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Cette situation interpelle, à plus d’un titre, notre réflexion et notre agir. Ainsi donc, notre question de recherche est la suivante :

Comment apparaît l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté du Centre de réinsertion sociale de Salbisgo au Burkina Faso ?

Le plan de la thèse

La thèse est divisée en cinq chapitres, précédés d’introduction générale et suivis d’une conclusion générale. Chacun des chapitres apporte quelque chose de spécifique à l’étude, de sorte que la signification de l’ensemble ne se fait sentir que lorsque l’on tient compte de toutes les sections de la thèse.

Les cinq chapitres

Le premier chapitre, consacré au contexte socioculturel du pays et du cadre de référence, est une brève présentation du Burkina Faso. Ce chapitre permet de connaitre la situation socioculturelle des participants à la présente recherche afin de comprendre certaines réactions dans l’analyse des résultats à l’intérieur du travail. Nous avons jugé nécessaire qu’il y ait plus de détails dans la description de la situation socioculturelle en vue de soutenir la compréhension de l’analyse.

Le deuxième chapitre se rapporte au contexte de la recherche. Quatre sections ont constitué ce chapitre. La première section de ce chapitre concerne la justification du choix de la discipline de la théologie pratique pour la présente recherche. La deuxième section traite de la justification du choix de la méthodologie. La méthode retenue est la théorisation ancrée. Nous avons expliqué en quoi cette méthode, qui consiste à faire émerger une théorie à partir du milieu naturel, répond au besoin et aux objectifs de la présente recherche. La troisième section analyse le cadre théorique qui permet de comprendre les théories liées à la question de recherche et peut soutenir l’analyse et l’interprétation des résultats des données. La quatrième section, dernière de ce chapitre, présente une revue de la littérature qui fait une recension de certains écrits relatifs au sujet de recherche. Dans le chapitre trois, qui est le cœur même de la thèse, nous avons procédé à une analyse des résultats des données qui nous ont permis de décrypter à l’échelle des données l’expérience spirituelle des jeunes en

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difficulté. Le but de cette analyse est de formuler une théorie concernant la spiritualité des jeunes en difficulté au CARSS.

Le chapitre quatre est consacré à l’interprétation théologique des résultats des données. Nous laissant guider par les analyses des résultats des données, nous avons pu retenir quelques points qui ont fait l’objet d’interprétation théologique dans ce chapitre. Cette interprétation nous a permis de faire une lecture théologique de l’expérience spirituelle des jeunes en difficulté.

Le cinquième chapitre reprend dans un premier temps les causes des difficultés des jeunes en difficulté du CARSS et dans un deuxième temps fait des suggestions de cheminement transformationnel. Ces suggestions constituent en fait des pistes de réflexion pouvant aboutir à des actions à mener en faveur des jeunes en difficulté dans l’avenir.

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Chapitre I

LE CONTEXTE DU TERRAIN

Introduction

La présente recherche s’est déroulée dans un pays africain, le Burkina Faso, dans la région du Centre-Ouest précisément dans le village de Salbisgo. Au regard de certaines

spécificités du pays et de la localité où la recherche est menée, il convient de faire un aperçu global du pays et du cadre de référence. Cet aperçu permettra une meilleure compréhension de certains éléments liés à la culture du pays qui informent sur certains comportements des participants. Ce chapitre est donc consacré à la présentation

géographique et à un aperçu socioculturel du pays. En outre, le village de Salbisgo et le centre d’accueil et de réinsertion sociale feront l’objet d’une présentation.

1.1. Histoire du Burkina Faso

L'histoire du Burkina Faso s’adosse dans la majeure partie à celle du royaume mossé et du peuple moaga. Cette histoire, bien que réelle, peut paraitre comme une légende aux yeux des étrangers qui sont loin de la culture moaga. Étant donné que les jeunes en difficulté étudiés dans le cadre de notre recherche sont majoritairement mossé, comprendre cette culture, c’est déjà commencer à comprendre le monde de ces jeunes. On y verra certains facteurs qui influencent la perception de la personnalité face à la société; une société qui a toujours la primauté sur l’individu.

En effet, vers le XIVᵉ siècle, selon la légende, un roi aurait eu une fille guerrière et belle nommée Yenenga. Le roi s’opposait fermement à son mariage nonobstant les quelques tentatives entreprises par l’intéressée. Selon certains historiens, la fille guerrière, ne pouvant plus supporter la vie du célibat, décide de fuir la maison de son père-roi sur un cheval accompagnée par des servantes. Selon d’autres autorités, elle est partie seule vers une direction inconnue. Providence ou hasard, le cheval s’est arrêté devant la case d’un chasseur en pleine forêt, loin de la maison de son père. Le chasseur nommé Ryâlé, un prince déshérité du royaume malinké qui avait fui sa patrie, est sorti accueillir la princesse. Cette rencontre a abouti à un mariage entre le prince-chasseur et la princesse guerrière. De

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cette union naquit un fils qu’ils nommèrent Ouédraogo en souvenir du cheval qui a conduit la princesse auprès de son mari chasseur. Ouédraogo, en langue mooré, signifie étalon. Quinze ans plus tard, le couple accompagné de leur fils est revenu chez les parents de la princesse. Accepté dans la famille et comblé d’honneurs et de présents, Ouédraogo, le petit fils du roi, deviendra roi et l’ancêtre des Mossé. C’est à partir du roi Ouédraogo que le moogo (le territoire sous la juridiction du moogonaba, l’empereur des mossé) sera peuplé. La présence des Mossé fut acceptée par les populations autochtones (les Gnongnonsé et les Samo) parce qu'elles y trouvent une protection militaire contre les razzias des Touaregs d’une part et d’autre part parce que les Mossé s'accommodent facilement aux coutumes locales (Nazi 1971 : 195).

En 1896, quand les Français conquièrent le pays, il y avait quatre puissants royaumes qui se partageaient le pays de l’Est au Centre (Ouagadougou, Tenkodogo, Yatenga, Gourma). Le pays a été sous l'administration française jusqu'en 1958.

En 1919, le Burkina Faso, l’ancienne Haute Volta, est créé comme nation sous

l’administration française. À cause de la situation géographique et climatique du pays (pays intérieur et n’ayant pas d’accès à la mer, au sol pauvre), pour faire fortune, quelques

habitants migraient dans des pays côtiers, en l’occurrence la Côte d’Ivoire où la main-d’œuvre était demandée. Cette migration a été fortement motivée par la crise économique mondiale à l’époque, et les planteurs ivoiriens avaient besoin de la main d’œuvre (Ki Zerbo 1978 : 508).

En 1932, les ressources étant jugées faibles, le pays fut partagé entre trois pays

respectivement le Mali, le Niger et la Côte d’Ivoire par l’administration coloniale française. Le Mogho Naaba, l’empereur des Moosé, n’a pas entendu cette suppression d’une bonne oreille. Aussi a-t-il collaboré avec le parti l’Union voltaïque (UV), un parti favorable à l’Administration coloniale pour la reconstitution de la nation, contre le parti du

rassemblement démocratique africain (RDA) qui s’y opposait.

En 1945, après une âpre lutte, l’administration coloniale, sous la demande insistante du Mogho Naaba, l’empereur des Mossé, et de l’UV, accepte et ordonne la reconstitution de la Haute –Volta comme une nation à part entière (Ki Zerbo 1978 : 509). En dépit des

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ressources naturelles du pays très limitées, les Burkinabé sont reconnus par les pays voisins comme des travailleurs inlassables et c’est pour cette raison que la diaspora Burkinabè est considérée très importante. À titre d’exemple, le chiffre de quatre millions de Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire est avancé par les autorités burkinabè (Ki Zerbo 1978 : 517). En 1960, le Burkina Faso, colonisé par la France à la fin du XIXᵉ siècle, accède à sa souveraineté nationale (l’indépendance).

À partir du 4 août 1984, la Haute-Volta devient Burkina Faso à la faveur de l’avènement de la révolution démocratique et a pour devise, « Unité, Progrès, Justice ». Le pays est

présentement dirigé par Monsieur Blaise Compaoré, premier président élu de la quatrième République.

À travers leur histoire, les Burkinabé ont connu successivement la monarchie extrême, la colonisation déboussolante, avant d’aboutir à une jeune et fragile démocratie. Dans le cas de la monarchie, les autorités coutumières en l’occurrence les rois avaient droit de vie et de mort sur ses sujets. Cet état de fait a créé un respect mêle de peur et de crainte à l’égard de toute personne ayant une portion de pouvoir. Le gène du jeune en difficulté de parler aisément devant une personne plus âgée ou ayant une autorité s’explique par cet

arrière-plan culturel.

1.2. Situation géographique et démographique du Burkina

1.2.1. Géographie du Burkina Faso

Le nom Burkina Faso est une combinaison de deux langues nationales du pays respectivement le Mooré et le Dioula; il signifie littéralement « le pays des hommes intègres » (Burkina qui signifie homme intègre et Faso qui veut dire pays). Le pays est situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest dans la boucle du Niger. Pays sahélien et enclavé, le Burkina Faso a une superficie de 274 000 km². Il est limité au nord et à l’Ouest par le Mali, au nord-est par le Niger, au sud-est par le Bénin, au sud par le Togo, le Ghana et la Côte-d’Ivoire. Il s’étend du nord au sud sur 480 km et de l’est à l’ouest sur 820 km. N’ayant pas d’accès direct au port maritime et fluvial, le Burkina Faso utilise les ports maritimes de pays voisins méridionaux pour l’import et l’export, les plus concernés sont les ports

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d’Abidjan (Côte-d’Ivoire), de Lomé (Togo), de Cotonou (Bénin), d’Accra et de Tema (Ghana)(INSD 2006).

Les cartes de l’Afrique et du Burkina Faso ci-dessous situent géographiquement le pays.

Carte n° 1 Carte n° 2

Source : INSD 2006.

Le climat

Le cadre de référence de la présente recherche se situe dans un pays où la situation géographique pourrait influencer quelque peu certaines attitudes des habitants. Le froid comme la chaleur n’ont-ils pas des conséquences sur le comportement des sujets? Par exemple, le manque de pluie est la cause d’une mauvaise récolte avec ses corolaires de famine et bien d’autres qui pourraient être des facteurs favorisant du larcin de certains jeunes en difficulté.

Selon L’institut national des statistiques et démographie (INSD 2006), le Burkina Faso, au regard de sa situation géographique, a un climat continental aux fortes amplitudes

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1.2.2. La Situation démographique

Le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de décembre 2006 a donné comme résultat quatorze millions dix-sept mille deux cent soixante-deux habitants au Burkina Faso. Soit « une densité moyenne de près de 51, 8 habitants au kilomètre carré. La croissance annuelle de la population est estimée à 3,1 %. La population burkinabè est à forte composante jeune, 57 % de population ont moins de 20 ans et la grande majorité,soit 77, 3 %, vit en milieu rural. Les femmes représentent 51,7 %. Le Burkina Faso est l’un des États les plus peuplés de l’Afrique de l’Ouest (INSD 2009).

La croissance démographique disproportionnelle aux moyens financiers et matériels des familles justifie en partie l’attitude de celle-ci à confier leurs enfants à d’autres familles pour s’occuper d’eux. Une action qui n’est pas sans conséquence négative, voire néfaste, dans le comportement des jeunes. Le mauvais traitement et le manque d’affection sont le lot quotidien de plusieurs d’entre eux.

Il ressort une disparité notoire de la répartition de la population par km² en fonction de la zone rurale ou urbaine. Cette inégale répartition de la population reflète de fortes disparités de densité. Si dans les provinces de l’Ouest, du Sud-ouest, du Nord et de l’Est, il y amoins de vingt-cinq habitants par km²; dans le plateau central, par contre, il y a entre quarante-quatre à cent habitants par km² (SNDP 1996).

La migration : la population burkinabé connait un flux migratoire assez important aussi

bien en interne qu’en externe. Selon INSD (1996), le phénomène de migration interne est de 71, 2 %). L’exode rural draine les jeunes vers les grandes villes à la recherche d’un mieux-être social et économique causant ainsi une urbanisation accélérée. « Ce sont l’Ouest et le Centre, principalement Ouagadougou et Bobo-Dioulasso qui bénéficient le plus des migrations internes et constituent l’origine ou la destination de plus de 75 % des migrations internes. Les raisons évoquées par les migrants sont d'ordre social et économique en

corrélation avec le climat, le relief, la pauvreté » (INSD 1996). À leur arrivée en ville, les jeunes sont confrontés à des problèmes sérieux. Il s’agit du problème de logement, de nourriture et de travail. Plusieurs n’ont d’autre choix que de vivre dans la rue où ils nouent de nouvelles amitiés et entrent dans un nouvel environnement avec un nouveau

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comportement. Progressivement, ils sont éloignés de leur vie campagnarde. Il convient de noter qu’au niveau national 43,9% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté (INSD 2009-2010). Confrontés par la pauvreté, les parents laissent les jeunes enfants pour aller chercher du travail afin de pouvoir subvenir à leurs besoins. Laissés à eux-mêmes, ils s’adonnent parfois à des activités autodestructrices.

Le flux migratoire externe qui est moins important que celui d’interne est de 28, 8 % et concerne les personnes âgées de quinze ans et plus (INSD 1996).Certains jeunes migrants se sont retrouvés en situation de difficulté. Lorsque la migration ne se passe pas comme prévu, le jeune se retrouve dans la rue.

Groupes ethniques, il y a quatre groupes de peuples qui habitent le Burkina- Des autochtones : Gourounsi, Sénoufo, Dogon, Bwa, Kouroumba.

- Des Mandé : Bissa, Samo, Bobo-Fing, Yarsè, etc.

- Des Peulh

- Des Mossé.

Ces différents groupes de peuples cohabitent au point de créer parfois des ethnies mixtes. Ce sont les cas des silmi-Mossé, il s’agit d’une ethnie née à partir du métissage entre les Mossé et les Peulh (silmissi) et les bobo-jula, mélange de bobo et de jula. « Tout cela a contribué à renforcer l’esprit pacifique qui anime l’ensemble des ethnies du Burkina Faso qui, selon l’Institut national de statistiques et de développement de Burkina, vivent en parfaite harmonie » (INSD 2008). Cette cohabitation a créé entre les peuples la « parenté- à-plaisanterie ». C’est un comportement et un langage de plaisanterie entre les membres de deux ethnies différentes connues et partagées de tous.

À la base, cette plaisanterie découle d’une alliance contractée par les deux ancêtres mythiques des deux ethnies. Elle consiste à un mode de comportement spécifique aux relations entre certains groupes. C’est à travers les échanges verbaux, des attitudes très souvent agressives que les concernés manifestent leur rakiré (parenté à plaisanterie). Ce comportement est tel qu’il n’est pas possible de le manifester envers une autre personne qui n’est pas concernée par le rakiré. Il est formellement interdit qu’il ait des bagarres entre les

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personnes de deux ethnies soumises aux principes des « parents à plaisanterie », quel que soit le comportement des intéressés.Philippe Deman (2008 : 3) explique que :

[l]es origines de la parenté à plaisanterie sont souvent liées à des événements historiques communs, mais parfois aussi à des faits divers anecdotiques, souvent rocambolesques dans la mémoire collective, mais la plupart du temps oubliés. Tout l’intérêt de cette relation réside dans l’interaction des deux personnes ou groupes concernés. Une des fonctions de ce jeu relationnel est d’affirmer, pour chacun, son identité et son appartenance à un groupe, tout en dénigrant l’autre. Pour un non-initié, assister à une telle scène peut s’avérer inquiétant : les deux parties s’invectivent parfois avec violence, laissant croire que l’altercation va dégénérer en bagarre. En fait, c’est tout le contraire qui se produit : grâce à ce jeu de rôle, chacun évacue son agressivité, tout en amusant un public qui sait à quoi s’en tenir.

Il existe plusieurs types/duo de partenaires ayant entre eux un lien de parenté à plaisanterie : Samos/Mossé, Gourounsi/Bissa, Samos/Bissa, Peulh/Bobo, Lobi/Siamou, etc. Les Peulh représentent le groupe le plus sujet à plaisanterie, il est le "souffre-douleur" de presque toutes les autres ethnies. Pour tous, il est le voleur de bétail, il est même parfois nié en tant qu’humain. Dans le cadre de la parenté à plaisanterie, l’on peut entendre des descriptions de ce type : « il y avait six personnes et deux Peulh ... ». [...] Les Bissa sont considérés par leurs parents à plaisanterie comme des mangeurs d’arachides ; les Gourounsi, des voleurs ; les Samos, des mangeurs de chien, etc.

La parenté à plaisanterie joue un rôle fondamental dans la société burkinabè. Elle est source de distraction et d’amusement, mais elle est aussi et avant tout un régulateur social, un exutoire pour dédramatiser une situation tendue ou conflictuelle. Les fonctions sociales remplies par la parenté à plaisanterie, étudiées et mises en valeurs ces dernières années par les sociologues (cf : les grandes conférences du ministère) ont amené les autorités à promouvoir cette pratique qui contribue à la stabilité et à la paix de ce pays pluriethnique.

1.2.3. Les fonctions de la langue

La parole est en Afrique, non seulement un moyen de communication sociale, mais aussi un moyen de présence humaine, un véhicule de sagesse, un support de puissance et un

régulateur des rapports sociaux. Ainsi, les diverses sociétés africaines considèrent la parole, le bien-dire, comme un élément fondamental de la cohésion du groupe (Dembelé2010 : 2). Les traditionalistes utilisent très souvent dans leur langage de formules figées telles que les proverbes, les dictons, les contes, les anecdotes, comme un vecteur privilégié des codes

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sociaux établisafin de communiquer et enseigner aux différents membres de la société. Bien que l’usage de la communication langagière se passe à tout moment, une période est traditionnellement choisie pour marquer le caractère éducatif de cette communication, il s’agit du soir après les travaux et au clair de la lune, parfois autour d’un feu. À cette occasion, les jeunes se retrouvent auprès des personnes âgées pour écouter et cultiver l’art oratoire à travers les contes, les devinettes, les charades, les épopées. Cette pratique constitue une véritable école de sagesse par laquelle les membres de la communauté sont formés et informés. Par cette même occasion, ceux qui présentent des prédispositions dans l’art oratoire sont préparés à savoir bien manier la parole. C’est pour cette raison que les rois et les chefs de l’Afrique traditionnelle encourageaient la maîtrise du langage verbal

(Dembelé 2010 : 2). La prise de la parole se fait dans un contexte de l’oralité comme norme de communication immédiate. Dans la mesure où elle permet de sauvegarder des valeurs culturelles, cette communication joue un rôle social critique. La parole est considérée comme ayant une fonction ludique et un rôle thérapeutique qui s’accomplit dans le domaine psychologique. Pour A. Alland (1981: 10):

Furthermore, proverbs can be looked at from another point of view as a symbolic language in which the discovery of the meaning of the words and phrases demands a penetration of the mind of the speaker. This could be why the Yoruba say that proverbs are horses we ride to search for truth. In another way, the Igbo say that proverbs are the palm oil with which words are eaten. In short, the use and understanding of proverbs mark the adult usage and maturity in an African language.

Par la parole, les sentiments sont extériorisés, les états d’âme sont rendus explicites, la sagesse théorique est révélée et très souvent les différends sont résolus. La transmission de la culture s’effectue en grande partie par la parole. Par exemple, les griots utilisent la parole comme un moyen laudatif pour exalter les rois, les chefs et les personnages importants. Cette salutation au roi est éloquente de sens (Dembélé 2010 : 3). Chaque roi, à son intronisation, se donne un nom de bravoure qui sous-tend sa devise, ainsi le griot pourrait dire à ce roi qui se nomme naaba-sanem (roi or) « Salue ô roi sanem (or) ; l’or entre au marché et le bronze se cache derrière les buissons ». À l’écoute de cet éloge, le roi est excité, enchanté, se sent aimé et croit à son pouvoir très étendu (suprématie) (Ki Zerbo 1978 : 176). C’est pourquoi la maîtrise de la parole est fortement recommandée pour toute

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personne qui se respecte dans le contexte africain, car la parole lorsqu’elle est agréablement exprimée frappe non seulement l’imagination de l’interlocuteur et crée l’amitié, mais elle atténue le répréhensible.Saenger Alexandre (1988 : 9) pense que« La parole est tout. Elle coupe, elle écorche, elle modèle, elle module. Elle perturbe, elle rend fou, elle guérit ou tue net. Elle amplifie ou elle abaisse selon sa charge, elle excite ou calme les âmes ».

Nicaises Muzinga Lola (2008 : 24) dans sa thèse sur la résolution des conflits par la

palabre, postule que la reconnaissance judiciaire et politique de la palabre procure un statut capital à la parole dans les règlements des différends et régule les tensions sociales. Non seulement la parole « est considérée comme une véritable condensatrice d'énergie revêtue d'un caractère sacré », mais surtout elle est utilisée pour donner un sens profondément particulier aux événements de la vie. Dans les sociétés de l’oralité, la parole est le moyen puissant pour la transmission des « valeurs historiques et ancestrales » du groupe culturel. Muzinga Lola (2008 : 83) définissant la palabre pense que ce mot dérive de la langue espagnole et veut dire « parole ». C’est donc un espace qui offre l’opportunité aux Africains d’échanger et de discuter « des questions importantes de la société ». La palabre se passe dans une ambiance de sorte qu’une personne qui assiste pour la première fois se croirait en présence des personnes qui engagent des querelles sans fondement, des bavardages inutiles. Muzinga Lola (2008 : 97) apporte encore d’autres points intéressants :

Parler n'est pas le simple fait d'émettre des sons, de prononcer des mots pour communiquer dans la vie courante, négocier les affaires, notifier des ordres ou signifier l'amour ou la fraternité. Dans la palabre, la parole quitte le domaine du vulgaire pour devenir un véritable condensateur d'énergie. C'est un son puissant qui incarne la sagesse et la conduite des ancêtres et des dieux. Une parole réfléchie, prononcée en public ou en privé, est une révélation de la puissance du Créateur. L'utilisation sage et réfléchie de la parole s'apprend dès le jeune âge par les contes, les chansons et les proverbes, etc.

La prise de la parole pour les Mossé n’est pas un fait banal comme nous l’avons dit plus haut, elle frise plutôt un événement dans ce sens qu’il faut considérer l’âge des personnes en présence et demander la parole avant de la prendre. Pendant les cérémonies, les différents intervenants utilisent une formule de demande de permission aux personnes plus âgées et aux notables avant de

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prendre la parole. La formule en mooré est « mkabsda »; ce qui signifie « je vous salue et demande l’autorisation ». Cette pratique est connue dans toutes les couches sociales au point que dans la famille le moins âgé doit parler après le plus âgé ou demander la permission. Du coup, devant une personne inconnue, on se méfie de parler aisément.

Les langues, elles demeurent un facteur déterminant pour le regroupement culturel et

ethnique au Burkina Faso, comme le fait remarquer Ki Zerbo (1978 :176) « Dans la société burkinabé, les clans sont liés par une communauté de langue formant une ethnie et

constituent par ce fait une communauté culturelle. Les sociétés burkinabé sont soit patrilinéaires, soit matrilinéaires où l’autorité est généralement exercée par les ainés », signe de respect et de discipline. Le pays présente une très grande diversité culturelle avec plus d’une soixantaine de groupes ethniques et plusieurs langues parlées dont les

principales sont le mooré, le dioula et le fulfulde. La langue officielle est le français. Les langues nationales au Burkina sont divisées en deux grands groupes :

- Groupe voltaïque : le mooré, langue des Mossé; le gourrounsi; le dagari; le lobiet le sénoufo.

- Groupe mandé : bobo-fing, le bisa, le samo et le samoro de Orodara. (Ki Zerbo 1978 : 244).

Le peuple moaga est le plus nombreux et représente plus de 48 %; le mooré, la langue des Mossé, est parlé par la plupart des Burkinabés. Les zones habitées à l’origine par les Mossé sont le Centre, le Centre-ouest, Centre-nord et le Centre-est. Toutefois, eu égard à leur nombre et le fait qu’ils soient des travailleurs, les Mossé sont maintenant dispersés sur toute l’étendue du pays à la recherche d’un mieux-être. Il est pratiquement difficile de parler du Burkina sans faire une mention particulière du peuple moaga le plus nombreux au Burkina donc son organisation attire l’attention des historiens et des ethnologues.

Figure

Figure n° 2 : La hiérarchie pyramidale de la famille traditionnelle
Graphique : Répartition (%) de la population par religion selon le milieu de résidence
Tableau n° 1 : temps de l’entrevue
Tableau n°2 : renseignements sur les participants
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