• Aucun résultat trouvé

3 Chapitre : Etude préliminaire : choix du protocole de traitement de surface

3.3 Influence de la préparation de surface sur l’impédance électrochimique des aciers

3.3.3 Spectroscopie d’impédance électrochimique locale

La figure 43 présente les résultats des mesures des impédances globale et locale, réalisées sur des échantillons d’acier 316L polis au micron, passés aux ultrasons dans l’éthanol et

immergés depuis 24 heures dans l’eau de rivière artificielle. La partie imaginaire de l’impédance est représentée en fonction de la fréquence en coordonnées logarithmiques.

La courbe correspondant à l’impédance globale comprend deux parties linéaires, caractéristiques d’un comportement capacitif de type CPE. Les valeurs des pentes sont d’environ 0,9 pour αglobal, BF et de 0,62 pour αglobal, HF. La présence de deux CPE distincts a déjà été explicitée ; le CPE à haute fréquence correspond à la distribution en courant et en potentiel dans l’électrolyte à proximité de la surface de l’électrode et provient de la géométrie de l’échantillon. Seule la partie basse fréquence est à considérer.

L’impédance locale présente un comportement capacitif de type CPE à basse fréquence. Le coefficient αlocal de ce CPE est d’environ 0,92 et est dans la même gamme que le coefficient αglobal, BF de l’impédance globale :

BF , global local ≈α α

Ainsi, un comportement capacitif de type CPE est retrouvé au niveau de l’impédance locale. Ceci indique que la dispersion de l’impédance en fonction de la fréquence Z(ω) est due à une distribution 3D au sein de la couche d’oxydes, le long de la normale à la surface. Certaines propriétés de la couche d’oxydes (composition chimique, propriétés diélectriques, porosité…) varient selon l’axe des z et engendrent une distribution de la constante de temps, donc un comportement capacitif non idéal. Ce résultat est cohérent avec les remarques précédentes, notamment avec le fait que le profil des concentrations des différents éléments présents dans le film passif d’un acier inoxydable n’est généralement pas constant sur toute l’épaisseur de la couche d’oxydes. -3 -2 -1 0 1 2 3 4 -8 -6 -4 -2 0 2 4 6 -0.92066 -0.61947 -0.89707 globale locale log(fréquence) lo g |I m( Z) |

Figure 43 : diagramme d’impédances globale et locale d’échantillons d’acier 316L

immergés depuis 24 heures en eau de rivière artificielle

3.3.4 Synthèse

Le traitement de surface employé sur un échantillon d’acier inoxydable a une influence négligeable sur son impédance en eau de rivière artificielle. Le choix de la préparation de surface n’est donc pas primordial du point de vue de la spectroscopie d’impédance électrochimique.

Les mesures d’impédances globale et locale ont montré que le comportement capacitif (partie imaginaire de l’impédance) global et local est non pas de type capacité idéale, mais plutôt de type CPE. Ceci indique une hétérogénéité de la couche d’oxydes selon la normale à la surface. Cette hétérogénéité peut être une hétérogénéité de la composition chimique du film passif – les profils de concentration des éléments constitutifs de la couche passive ne seraient alors pas constants sur toute l’épaisseur- et/ou une hétérogénéité des propriétés diélectriques – la constante diélectrique ε ne serait alors pas constante sur toute l’épaisseur.

3.4 Influence de la préparation de surface sur les propriétés de

semi-conductivité

Des diagrammes de Mott-Schottky sont acquis sur des échantillons d’acier inoxydable ayant subi les divers traitements de surface, afin d’évaluer l’influence de l’état de surface sur les propriétés de semi-conductivité. Ces mesures sont effectuées sur des échantillons d’acier inoxydable 316L 24 heures après leur immersion dans l’eau de rivière artificielle. Les résultats sont présentés sur la figure 44.

-1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 2,0x1010 4,0x1010 6,0x1010 8,0x1010 ultrasons alcool ultrasons eau décapé HF/HNO3 passivé 5 jours à l'air libre décapé puis passivé 5j

C

-2 (F -2 .m 4 )

E (V/ECS)

Figure 44 : diagrammes C-2(E) de Mott-Schottky pour des échantillons d’acier 316L polis au micron et

immergés depuis 24 heures en eau de rivière artificielle, en fonction du traitement de surface utilisé

Quel que soit le traitement de surface appliqué, le potentiel de bandes plates Ufb est toujours proche de -0,5 V/ECS. Ufb est connu pour varier avec le pH de la solution, qui est ici identique pour toutes les expériences [224].

En dessous de Ufb, le comportement capacitif est variable. Les diagrammes des échantillons ayant subi un décapage nitro-fluorhydrique (« décapé HF/HNO3 » et « décapé puis passivé 5j ») comportent une zone linéaire de pente négative, correspondant à un comportement semi-conducteur de type p. Ce comportement est vraisemblablement lié à la présence d’oxy-hydroxydes de chrome au sein de la couche passive [164, 172-175]. Le décapage par

HF/HNO3 est connu pour provoquer un enrichissement en chrome. Dans le cas de

l’échantillon « décapé par HF/HNO3 », la densité des porteurs de charge (accepteurs : lacunes d’électrons ou « trous ») Na est de 2,3.1019 cm-3. Elle est difficile à déterminer sur l’échantillon « décapé puis passivé 5j » en raison d’un bruit important. Les autres diagrammes ne présentent pas cette zone linéaire. Le film passif est parfois considéré comme dégénéré aux potentiels inférieurs au potentiel de bandes plates [73].

Les cinq courbes présentent entre Ufb (-0,5 V/ECS) et environ 0,2 V/ECS une zone linéaire de pente positive. Le signe de la pente de cette zone linéaire indique que l’acier inoxydable a un comportement semi-conducteur de type n. Une mesure de la pente par régression linéaire permet de calculer la densité des porteurs de charge (c’est-à-dire des électrons dans ce cas précis) à l’aide de la formule (51). L’épaisseur W de la couche de charges d’espace W est calculée par la formule (52). Pour rappel, W et Nd varient en sens inverse.

Les valeurs des densités de porteurs de charge Nd et d’épaisseurs de couche de charges d’espace W trouvées pour les cinq traitements de surface différents sont indiquées dans le tableau 11. Traitement de surface « ultrasons alcool » « ultrasons eau » « décapé HF/HNO3 » « passivé 5 jours à l’air libre » « décapé puis passivé 5j » Nd (cm-3) 2,4.1019 2,2.1019 2,3.1019 2,0.1019 1,4.1019 W (nm) 0,20 0,20 0,24 0,26 0,29

Tableau 11 : densités des porteurs de charge et épaisseur de la couche de charges d’espace

pour les différents traitements de surface étudiés

Nd est compris entre 1,4 et 2,4.1019 cm-3. W est compris entre 0,2 et 0,3 nm. Le traitement de surface a une faible influence sur l’épaisseur de la couche de charges d’espace et sur le taux de dopage du semi-conducteur de type n qu’est le film passif entre Ufb et 0,2 V/ECS. La passivation de l’échantillon au contact de l’air ambiant semble provoquer une diminution de Nd (resp. une augmentation de W).

Il faut toutefois noter que l’épaisseur de la couche de charges d’espace est très faible ; une épaisseur de 0,2 nm correspond à 2 angströms, c’est-à-dire à une couche biatomique. Des restrictions doivent alors être apportées à l’utilisation de la technique de Mott-Schottky, qui ne prend pas en compte l’échelle atomique de la couche de charges d’espace. L’assimilation électrocinétique d’une couche biatomique à une capacité peut s’avérer risquée. L’autre critique qui peut être émise envers la méthode de Mott-Schottky est la rapide assimilation de la partie capacitive de l’impédance à une capacité idéale. Les résultats d’impédance globale et locale déjà discutés ont montré que la partie capacitive n’est pas une capacité idéale mais se comporte comme un CPE. En outre, le choix d’une seule fréquence d’acquisition limite forcément la précision de la mesure de la capacité.

Synthèse

Le traitement de surface a une faible influence sur les propriétés semi-conductrices de type n que présente le film passif des aciers inoxydables aux potentiels supérieurs à Ufb (environ égal à -0,5 V/ECS). La passivation à l’air libre (stockage de l’échantillon durant 5 jours) a tendance à faire augmenter la densité de donneurs Nd dans la couche de charges d’espace. Le comportement semi-conducteur aux potentiels inférieurs à Ufb parait être plus affecté par la préparation de surface. En effet, le traitement de décapage par le mélange HF/HNO3, qui provoque un enrichissement en chrome dans le film passif, fait apparaître un comportement semi-conducteur de type p dans cette gamme de potentiels. Ce comportement type p pourrait être attribué aux oxydes et hydroxydes de chrome [175]. Ces résultats ont été obtenus sur la nuance 316L et sont identiques sur les deux autres nuances (304L, 254SMO) d’acier inoxydable.

3.5 Influence de la préparation de surface sur les

caractéristiques énergétiques de surface

Des mesures d’angle de contact sont réalisées sur des échantillons d’acier inoxydable ayant subi divers traitements de surface, afin d’évaluer l’influence de l’état de surface sur les

caractéristiques énergétiques. Les traitements de surface employés ici diffèrent légèrement de ceux qui ont été utilisés pour les mesures électrochimiques.

Les trois protocoles de traitement de surface considérés sont les suivants : ¾ « ultrasons alcool » ;

¾ « décapé puis passivé 5j » ;

¾ « passivé 3j eau » : l’échantillon subit d’abord le traitement de surface « ultrasons alcool », puis il est laissé dans de l’eau distillée pendant 5 jours. L’échantillon est alors prélevé et séché à l’aide d’un mouchoir doux.

Les résultats obtenus en fonction du traitement de surface, présentés dans le tableau 12, montrent que les écart-types sur les mesures sont relativement élevés, laissant supposer une certaine hétérogénéité des surfaces étudiées.

Nuance Traitement de surface θ eau θ diiodométhane θ formamide

« ultrasons alcool » 58,7 ± 4,5 52,4 ± 2,6 47,9 ± 5,7

« décapé puis passivé 5j » 89,3 ± 5,1 57,1 ± 3,6 69,0 ± 5,3

304L

« passivé 3j eau » 86,4 ± 5,6 54,9 ± 2,2 75,5 ± 7,6

« ultrasons alcool » 66,1 ± 9,1 56,8 ± 5,1 60,0 ± 10,5

« décapé puis passivé 5j » 77,3 ± 9,4 54,9 ± 5,5 70,2 ± 6,3

316L

« passivé 3j eau » 61,1 ± 4,9 52,9 ± 5,0 50,3 ± 6,5

« ultrasons alcool » 66,1 ± 5,3 45,1 ± 2,2 50,3 ± 8,8

« décapé puis passivé 5j » 91,4 ± 4,6 56,2 ± 1,8 73,5 ± 5,6

254SMO

« passivé 3j eau » 89,5 ± 3,1 60,9 ± 2,3 76,0 ± 2,6

Tableau 12 : mesure des angles de contact de l’eau, du diiodométhane et du formamide sur des échantillons

d’acier inoxydable ayant subi 3 traitements de surface différents

Les surfaces présentent une variabilité dans leur degré d’hydrophilie en fonction du traitement utilisé. Si l’acier 316L reste moyennement hydrophile quelle que soit la préparation de surface pratiquée, les nuances 304L et 254SMO perdent cette caractéristique lorsque l’échantillon est décapé ou passivé à l’air libre.

Les caractéristiques énergétiques de surface, calculées à partir des valeurs d’angles de contact et de l’équation (43) de Young-Van Oss, sont quant à elles données dans le tableau 13.

Nuance Traitement de surface γSLW γS- γS+ γSAB γS

« ultrasons alcool » 32,9 ± 1,5 22,8 ± 7,5 0,8 ± 0,7 8,3 ± 4,9 41,2 ± 5,1 « décapé puis passivé 5j » 30,3 ± 2,1 3,4 ± 3,6 0,1 ± 0,4 1,4 ± 2,3 31,7 ± 3,1 304L

« passivé 3j eau » 31,5 ± 1,3 8,9 ± 7,2 0,3 ± 0,7 3,1 ± 4,9 34,6 ± 5 « ultrasons alcool » 30,4 ± 2,9 22,2 ± 15,8 0,1 ± 0,6 3 ± 9,9 33,4 ± 10,3 « décapé puis passivé 5j » 31,5 ± 3,1 15,5 ± 13 0,1 ± 0,5 2,6 ± 7 34,1 ± 7,7 316L

« passivé 3j eau » 32,6 ± 2,8 21,5 ± 8,1 0,6 ± 0,8 7,3 ± 5,7 39,9 ± 6,3 « ultrasons alcool » 37 ± 1,2 15,3 ± 8,4 0,4 ± 0,7 4,6 ± 5,7 41,6 ± 5,8 « décapé puis passivé 5j » 30,8 ± 1 3,8 ± 3,7 0 ± 0 0,2 ± 2,3 30,9 ± 2,5 254SMO

« passivé 3j eau » 28,1 ± 1,3 6,3 ± 2,9 0 ± 0,1 0,6 ± 1,7 28,6 ± 2,2

Tableau 13 : valeurs des caractéristiques énergétiques de surface pour des échantillons d’acier inoxydable

ayant subi 3 traitements de surface différents (mJ.m-2)

Quel que soit le traitement de surface employé, l’énergie de surface γS est toujours comprise entre 28 et 42 mJ.m-2. Ces valeurs sont en accord avec les données de la littérature concernant les aciers inoxydables [205, 207].

Le terme lié aux interactions de Lifschitz-Van der Waals ne varie pas de façon significative avec le traitement de surface et est toujours supérieur au terme acido-basique. Dans la composante acido-basique, le terme γS- est toujours supérieur à γS+, ce qui indique que la surface a un fort caractère donneur d’électrons. La surface est basique au sens de Lewis dans tous les cas, et en particulier lorsque l’échantillon a été poli peu de temps avant la mesure des angles de contact (traitement de surface « ultrasons alcool »).

La composition de la matrice des aciers inoxydables ne semble pas avoir d’influence évidente sur les caractéristiques énergétiques de surface. Il faut toutefois rappeler que les mesures de mouillabilité de surface sont perturbées par la présence d’une couche de molécules organiques adsorbées provenant d’une contamination par l’air ambiant du laboratoire (visible en XPS par exemple). Les mesures d’angles de contact se font sur cette couche organique adsorbée toujours présente à la surface des échantillons, ce qui explique la similarité des valeurs caractérisant en réalité non pas des nuances d’acier inoxydable différentes mais des couches carbonées de contamination différentes [207, 242].