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1 Les compléments alimentaires, leurs possibles adultérations et leurs méthodes d'analyse

1.3 Techniques d’analyse

1.3.2 Spectrométrie de masse

Comme nous venons de le voir, la spectrométrie de masse est le mode de détection le plus utilisé pour l’identification et l’élucidation structurale, notamment par l’utilisation de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS), d’analogues structuraux de substances actives dans les compléments

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alimentaires. Cependant, la spectrométrie de masse peut aussi consister en une technique analytique par elle-même.

Bien que des modes d’ionisations relativement doux tel que l’electrospray (ESI) ou l’ionisation chimique sous pression atmosphérique (APCI) soient encore préférés pour étudier l’adultération par des substances pharmaceutiques (qui sont souvent de petites molécules très polaires), la spectrométrie de masse permet en outre, quand elle n’est pas couplée, l’utilisation de sources ionisantes plus fortes et n’opérant pas obligatoirement à pression atmosphérique. De plus, avec le développement de nouveaux détecteurs et leurs associations à des analyseurs de plus en plus élaborés souvent couplés entre eux, la spectrométrie de masse possède désormais une sensibilité ainsi qu’une sélectivité suffisante pour se suffire à elle-même en tant que technique analytique.

Les détecteurs ou analyseurs les plus connus sont : les simples quadripôles, les triples quadripôles, le piège linéaire, le temps de vol (TOF) ou encore l’orbitrap ou les analyseurs à résonance cyclotronique ionique (FT-ICR-MS). Ces derniers sont les plus résolutifs, ils permettent d'atteindre des résolutions de l'ordre de 60 000 (Orbitrap) ou 100 000 (FT-ICR). La spectrométrie de masse peut notamment être utilisée sur des produits préalablement purifiés introduits en introduction directe (Flow Injection, FI) et associée à une décomposition d’ion induite ou activée par collision (CID ou CAD) pour l’obtention d’informations structurales. Cela a notamment été le cas sur de nouveaux analogues de vardénafil et sildénafil.90 Dans la même lignée Ahn et al. proposent une introduction directe associée à une ionisation par bombardement rapide d’atomes (FAB), et associée là encore à une décomposition d’ion associé par collision (FAB-CID-MS/MS) pour l’élucidation structurale d’analogues du sildénafil préalablement purifiés.96 De nos jours, le FAB n’est plus une technique de référence, par contre dernièrement Kee et son équipe ont montré la partinence d'utiliser un analyseur haute résolution de type orbitrap pour élucider la structure d’un analogue du sildénafil extrait d’un complément alimentaire.97

L’introduction directe ou l’introduction en flux ont également été reportées comme des techniques analytiques de choix pour l’analyse de compléments alimentaires potentiellement adultérés. En 2007 Koulman et al.98 proposent d’utiliser la spectrométrie de masse en introduction directe pour une

approche métabolomique sur une matrice complexe, dans ce cas la recherche de souches de champignons dans des graines de pelouses, mettant en avant la possibilité d’utiliser cette technique pour différencier les ions moléculaires entre eux ainsi que de les identifier avec un débit d’analyse extrêmement élevé. Cependant, il est reporté que sans phase de séparation préalable, les effets de matrice sont significativement plus importants.80-81 En 2012 et 2014, l’équipe de Song a utilisé la spectrométrie de masse en infusion directe pour l’analyse de compléments alimentaires contenant

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des inhibiteurs de phosphodiestérase-5 ou bien des substances amaigrissantes. Par FI-MS/MS réalisée en MRM, ils mettent alors en évidence la difficulté de telles analyses. En effet, des composés de structures proches ont régulièrement à la fois les mêmes ions précurseurs et les mêmes ions produits entre eux,99-100 nécessitant parfois le suivi d’au moins 3 ions produits pour assurer la fiabilité des résultats.

Dans le cadre de l’étude de l’adultération, d’autres techniques d'ionisation telles que l’ASAP101 (atmospheric solid analysis probe) ou bien la DCBI102 (desorption corona beam ionization) peuvent être utilisées en direct sans aucune préparation préalable. Dans l’ASAP, l’échantillon est vaporisé par exposition à un gaz d’azote chaud puis analysé par une source à pression atmosphérique, permettant l’analyse de composés moins polaires que ne le permettent des sources comme l’electrospray ou l’APCI/APPI (atmospheric pressure chemical ionisation/atmospheric pressure photo-ionisation).103 Dans le DCBI, l’échantillon est désorbé par un « faisceau d’hélium » chauffé, et ionisé par l’énergie des particules engagées dans le courant gazeux.104 Comme explicité dans les références citées, ces techniques, bien que réduisant la capacité à quantifier et à détecter des traces, permettent la mise en évidence d’un grand nombre de cas d’adultération.

Pour aller plus loin, et comme démontré par Gratz,105 des techniques particulièrement performantes, telles que l’analyseur à résonance cyclotronique d’ion par transformée de Fourrier, donnent une précision à la 6ème décimale, permettant de fournir une composition élémentaire univoque, et de fait de conclure uniquement avec l’analyse MS, sans nécessité de fragmenter directement au sein de la matrice.

Tableau 1 : Récapitulatif des principales composantes utilisées dans un spectromètre de masse.

Source ionisantes

Analyseurs

Détecteurs

L'impact électronique (EI)

Le piège ionique

quadripolaire

Le multiplicateur de photons

L'ionisation chimique (CI)

Le temps de vol

Le multiplicateur d’électrons

L'ionisation par bombardement

d'atomes rapides (FAB)

Le FT-ICR

Le cylindre de faraday

L'ionisation par électronébulisation

(electrospray ionisation) (ESI)

L'orbitrap

L'ionisation chimique à pression

atmosphérique (APCI)

L'analyseur à secteur

magnétique

La désorption-ionisation laser

assistée par matrice (MALDI)

L'ionisation thermique (TIMS)

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Bien que, comme nous venons de le voir, la spectrométrie de masse en tant que détecteur en couplage avec des techniques chromatographiques ou bien en tant que technique analytique par elle-même semble être une technique bien adaptée pour la détection de cas d’adultérations, elle nécessite cependant une mise au point importante pour pouvoir répondre aux problématiques liées au dosage. La mise en œuvre d'études quantitatives demeure une difficulté importante en spectrométrie de masse, le recours dans des étalons internes marqués spécifiques à chaque molécule étant nécessaire pour une quantification absolue. De plus, bien que ces techniques soient peu consommatrices de produits, elles n’en restent pas moins destructrices et à ce jour très peu adaptées à l’étude de produits « sur-site ». C’est pour toutes ces raisons que depuis quelques années l’intérêt se porte vers des techniques spectroscopiques, plus adaptées à des laboratoires institutionnels, qui se doivent de traiter un grand nombre d’échantillons, parfois sur site, avec le minimum de préparation, sans pour autant détruire un échantillon souvent précieux.33