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Cas des formulations 36 et 56

3 Analyse de compléments alimentaires pour sportifs

3.1 Contexte de l'étude

3.2.2 Compléments alimentaires avec actifs annoncés

3.2.2.3 Cas des formulations 36 et 56

Pris à forte dose, les stéroïdes anabolisants ou dérivés, ont comme décrit brièvement la propriété de s’aromatiser facilement en œstrogène par une action enzymatique. L’œstrogène étant l’hormone sexuelle primaire de la femme, elle induit par nature une féminisation toute au moins partielle du corps, et principalement au niveau des organes sexuels. On note notamment l’apparition de gynécomastie mais aussi une forte atrophie des gonades. Pour pallier ces problèmes induisant des imperfections physiques, les culturistes ont régulièrement recourt à ce que l’on appelle des inhibiteurs d’aromatase. Comme leur nom l’indique, ces derniers ont pour fonctions de limiter la conversion de stéroïdes anabolisants en œstrogène, et donc de limiter cette « féminisation » indésirée.34 Dans les formulations étudiées divers inhibiteurs d’aromatases étaient annoncés, on notera principalement celle de létrozole ou de clomiphène (formulation 36 et 33) utilisé pour le traitement de cancer œstrogèno-dépendant. Dans cette étude de cas, nous étudierons l’une d’entre elle, ici la formulation 36 mais également un complément alimentaire (formulation 56) vendu pour contenir un couple de substances inhibitrices d’aromatase, ici la 4-androstene-3,6,17-trione et l’indole-3-carbinol dont les structures sont représentées en Figure 21.

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Figure 21 : Structures des produits annoncés dans la formulation 56 : l’indole-3-carbinol et la 4-androstene-3,6,17-trione.

Après une étude rapide du spectre RMN proton de la formulation 56 enregistré dans du méthanol-d4 (Figure 22), plusieurs non-conformités apparaissent, la première est l’absence totale de signaux dans la zone aliphatique caractéristique des cœurs stéranes que l’on devrait retrouver dans la 4-androstene- 3,16,17-trione. Plus globalement, aucun signal n’est détecté de 0 à 6 ppm alors que ces deux substances sont annoncées pures dans le complément alimentaire et devraient toutes deux avoir au moins 1 signal dans cette zone. De plus les intégrations dans la zone aromatiques, nous permettent de déterminer la présence d'un minimum de 8 protons détectables, or l’indole-3-carbinol lui n’en possède que 5. Il semblerait donc qu’aucune de ces 2 substances ne soient présentes dans ce complément alimentaire. Par contre en étudiant le spectre RMN, il semblerait que nous soyons en présence d’un seul actif qui ne contiendrait que des protons aromatiques (ou éthylénique) et au nombre de 8. Au vu de l’allure du spectre les massifs à 7,55 et 8,00 ppm mettent en évidence la présence d’un cycle aromatique mono-substitué avec des intégrations de respectivement 3 et 2 protons. Le singulet à 6,72 ppm met lui en évidence la présence d’un proton probablement éthylénique mais assez fortement déblindé. Les 2 signaux à 6,22 et 6,47 ppm présentent une constante de couplage identique faible (≈2Hz) pouvant coïncider avec une constante de couplage 4J

HH aromatique semblant indiquer la présence d’un deuxième cycle aromatique tétrasubstitué. Les expériences de RMN du carbone-13 permettent de mettre en évidence la présence de 15 carbones, dont 7 quaternaires.

1 3 4 5 10 6 7 8 9 11 12 13 14 15 17 18 19 16 2 1 2 3 4 5 6 7 8 9

indole-3-carbinol

4-androstene-3,6,17-trione

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Figure 22 : Spectre RMN 1D 1H de la formulation 56 enregistré dans du méthanol-d4. TSP : référence interne de déplacement

chimique, CD2HOD : solvant résiduel.

L’analyse par spectrométrie de masse en introduction directe confirme dans un premier temps l’absence des 2 actifs annoncés et mets en évidence un ion pseudo moléculaire majoritaire à 255,0661 en ionisation positive et 253,0501 en ionisation négative. Cette substance se fragmente plus facilement après une ionisation négative et donne des fragments majoritaires à m/z 209, 181, 143, 119 et 109 décrits en littérature pour être caractéristique de la chrysine dont la structure est donnée en Figure 23.35

Figure 23 : Structure de la substance détectée dans la formulation 56 : la chrysine.

0 2 4 6 8 ppm TSP CD2HOD H2O 2 3 4 5 6 7 8 9 1 10 11 12 13 14 15

Chrysine

107 Ce composé dont la structure est parfaitement en accord avec le spectre RMN obtenu a été quantifié sur son singulet à 6,72 ppm correspondant au proton 8, nous avons déterminé une valeur de 98,3 ± 3,9 mg/ comprimé.

La chrysine est vendue aux athlètes, comme inhibiteur de l'aromatase bien que des études in vivo ne montrent aucune activité. Des premières preuves furent apportées au début des années 1980 à travers des études in vitro.36-38 Des études prolongées ont d'ailleurs montré que les membranes cellulaires bloquent efficacement la pénétration de la chrysine dans les cellules et que celle-ci n'a aucune action sur le niveau d'œstrogène dans l'organisme.39 La chrysine aurait d'autres effets préjudiciables dans le corps, en particulier sur le fonctionnement de la thyroïde, entrainant parfois des variations de poids alarmantes.

L’étude de la formulation 36 s'est révélée encore plus directe. En effet, cette formulation était annoncée comme contenant du létrozole, pourtant après avoir vérifié la solubilité (ici dans un mélange CD3CN:D2O) et la capacité de cette molécule à s’ioniser dans nos conditions d’analyse sur le standard il s’est avéré, comme montré sur la Figure 24 que la formulation vendue, ne contenait que des excipients, à savoir dans ce cas du mannitol et du stéarate.

Figure 24 : Spectre RMN proton de la formulation 35 en comparaison du spectre du standard de létrozole, enregistré dans un mélange CD3CN:D2O (80:20 v/v). TSP : référence interne de déplacement chimique, St : stéarate, HOD et CD2HCN : solvants

résiduels.

Ces résultats ont été confirmés par spectrométrie de masse, où aucune trace de létrozole n’a pu être mise en évidence malgré une sensibilité de détection supérieure à celle de la RMN.

108 Dans le cas de cette formulation, en l'absence de létrozole, le consommateur ne recevra pas l’actif annoncé que ce soit pour traiter de réels problèmes ou bien pour pallier les effets secondaires de stéroïdes anabolisants.