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Compléments alimentaires pour la performance sportive

1 Les compléments alimentaires, leurs possibles adultérations et leurs méthodes d'analyse

1.2 Adultération

1.2.4 Catégories de compléments alimentaires et ancrage sociétal

1.2.4.2 Compléments alimentaires pour la performance sportive

Le monde des compléments alimentaires pour sportifs est un peu différent de celui des amincissants. Pourtant, il est fréquent que ces athlètes, pour des raisons esthétiques, en viennent également à prendre des compléments pour perdre du poids et brûler des graisses.36 Ce milieu pourrait quasiment se subdiviser en 2 sous catégories : le monde professionnel et le monde amateur. Bien qu’à cause des problèmes de définition des compléments alimentaires et des contours du marché, évoqués précédemment, les données chiffrées n’existent pas vraiment, il semblerait cependant que le monde professionnel soit un des milieux les plus consommateurs de compléments alimentaires.36 Il est reconnu dans ce monde de sportifs que l’alimentation est un facteur quasi aussi important que le sport en lui-même pour les performances. Cependant, une alimentation extrêmement restrictive en certains aliments et riche en d'autres entraine des déséquilibres nutritionnels. Cette situation un peu paradoxale, car les athlètes se refusent à manger des ingrédients qui sont pourtant indispensables pour leurs performances, fait qu’ils finissent par prendre des compléments alimentaires pour combler leurs propres privations.37 Le monde amateur n’est pas pour autant épargné par ce phénomène mais sa consommation est à l’heure actuelle bien moindre que celle du milieu professionnel, et bien moins codifiée. En effet, dans le monde amateur on reporte régulièrement des prises abusives, et un usage récréatif. Une autre problématique cette fois spécifique à ce genre de substance, est qu’il est extrêmement fréquent de retrouver sur le marché des produits ne dissimulant absolument pas l’ajout de substances formellement interdites par les instances en vigueur, reflétant encore une fois le vide juridique encadrant le monde des compléments alimentaires.

L’agence mondiale de lutte contre dopage (WADA ou AMA en français) ne sanctionne par contre à l’heure actuelle que les athlètes professionnels. Mais, ce qui peut aisément se comprendre, elle ne fait pas de distinction entre le dopage volontaire et le dopage involontaire via les substances présentes dans les compléments alimentaires alors qu’elles ne devraient pas y être, mais qui sont quand même illégales du point de vue des règles sportives.38 De plus, il suffit de regarder l’actualité du sport - et notamment la destitution et la condamnation du coureur cycliste espagnol arrêté en 2017 avec 50 picogrammes de clenbutérol dans le corps - pour se rendre compte que des doses infinitésimales suffisent à un contrôle positif.

C’est pour ces raisons que, les règles très strictes régissant le dopage dans le milieu du sport de haut niveau, sont incompatibles avec le monde des compléments alimentaires. En effet, le faible niveau d’exigence quant à la qualité de ces produits a déjà mis en lumière la présence de stéroïdes anabolisants ou encore d’hormones par contamination croisée plutôt que par adultération

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volontaire.39 Les stéroïdes anabolisants, aussi appelés pro-hormones mais également les hormones, sont les substances les plus décrites en tant qu’adultérants de produits pour sportif, ils représentent d’après les notifications de la FDA jusqu’à 90% des cas. Régulièrement ces produits ne sont pas détectés uniquement à dose infinitésimale, mais à des doses potentiellement dangereuses pour l’homme.36 Bien que les stéroïdes représentent la première classe de substance reportée, depuis une dizaine d’année les études mettent en évidence la diversité et la complexité des matrices de ce milieu.40-41 En effet, bien que n’apparaissant pas forcement sur les rapports de la FDA ou de la RASFF de nombreuses études mettent en évidence la présence de nouveaux agents anabolisants comme les modulateurs sélectifs des récepteurs aux androgènes (SARM),42 ou encore divers stimulants. Dans les études associées, les auteurs reportent en plus régulièrement la difficulté à caractériser de telles substances de façon univoque au vu de leurs proximités structurales.40-41 L’intégralité de ces substances sont définies et considérées comme des « performance enhancing drugs » par le WADA, et sont de plus régulièrement non autorisées à la consommation chez l’homme. Ces substances ont souvent été décrites dans des cas d’adultération de compléments alimentaires. Bien que les agents anaboliques et les stimulants soient les substances les plus détectées, le WADA inclut une vaste diversité de produits, pouvant tous induire des contrôles anti-dopage positifs, classifiés en 10 catégories comme suit :

• S1 : agents anabolisants,

• S2 : hormones peptidiques et hormones de croissances, • S3 : bêta-2-agonistes,

• S4 : hormones et modulateurs métaboliques, • S5 : diurétiques et agents masquants,

• S6 : stimulants, • S7 : narcotiques, • S8 : cannabinoïdes, • S9 : glucocorticoïdes, • S10 : bêtabloquants.43

Les 5 premières catégories sont interdites « en tout temps », les 4 suivantes uniquement en compétition et les bêtabloquants ne le sont que dans certains sports.

En plus des substances « couramment » détectées, un grand nombre de substances appelées « stéroïdes modifiés »26 et pour lesquels peu de données pharmacologiques et toxicologiques sont disponibles. C’est particulièrement vrai dans les compléments alimentaires étiquetés comme « améliorant les performances » qui comme nous le disions précédemment annoncent parfois des substances d’ores et déjà interdites. Bien que le WADA interdise également divers dérivés des 10 classes précédemment évoquées, la majorité des articles font encore référence aux stéroïdes anabolisants parmi lesquels on retrouve divers esters de testostérones, de l’androstènedione, de la 5-

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androstèn-3β-ol-17-one (dehydroepiandrostérone; DHEA), de la methandrosténolone, de l’androst-4- ène-3β-17β-diol de la boldénone et beaucoup d’autres.26, 44-45 En plus des risques législatifs associés aux contrôles anti-dopage, les sportifs en consommant ce genre de substances s’exposent à des risques importants d’effets secondaires, parmi les plus connus, on regrette la capacité de ces stéroïdes anabolisants à s’aromatiser en œstrogène (l’hormone sexuelle primaire chez la femme), entrainant des modifications physiques principalement au niveau des organes sexuels, impliquant des féminisations chez l’homme et des masculinisations chez la femme. Régulièrement pour éviter ces problèmes, on note la présence d’inhibiteurs d’aromatase (~ 10% des notifications d’après la FDA), encore une fois de façon illicite dans les compléments alimentaires.

Les grandes instances de régulation des produits de santé (telles que la FDA ou l’EFSA) ne font pas encore beaucoup référence à l’adultération de ce genre de compléments alimentaires, dans le rapport des produits contaminés de la FDA, seulement 90 notifications sur les 885 sont attenantes à l’adultération par des stéroïdes anabolisants ou des inhibiteurs d’aromatase.