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3 Analyse de compléments alimentaires pour sportifs

3.1 Contexte de l'étude

3.2.2 Compléments alimentaires avec actifs annoncés

3.2.2.2 Cas de la formulation 41

Comme déjà dit dans la partie introductive, les stéroïdes anabolisants pris en excès, qu’ils soient naturels ou de synthèse, induisent des effets secondaires importants. Or, de plus en plus de compléments alimentaires à base de modulateur de récepteur d’androgène sélectif (SARM) se développent. Ces produits existent depuis les années 1940. Les premiers étaient des dérivés stéroïdiens et depuis les années 1990, il existe des SARMs non stéroïdiens ayant pour but de reproduire les effets des stéroïdes anabolisants en en limitant les effets secondaires de par leur sélectivité.23 Bien que les retours sur leurs utilisations dans le monde du sport soient encore faibles l’organisation mondiale anti-dopage bannit déjà ce genre de substance et la FDA a reporté des risques associés à l’usage de ces derniers.24

Ces substances sont de plus en plus détectées lors de contrôles anti-dopage.25 Parmi ces SARMs l’ostarine, également appelé MK-2866 (ou enobosarm) est reportée comme la substance la plus retrouvée. Certains sites spécialisés (et surement peu fiables) se ventent même que 10% des athlètes de bodybuilding auraient recours à cette substance. L'ostarine permettrait principalement de limiter la « fonte musculaire » pendant les périodes hors entrainement. C’est cette substance (Figure 19) qui est annoncée dans la formulation 40. Pourtant après une rapide analyse du spectre RMN (Figure 20), il apparait clairement l’absence de signaux qui seraient caractéristiques de l'ostarine. Ainsi, principalement dans la zone des protons aromatiques, où moins 2 signaux pour le système aromatique para-subtitué (protons 2,2’ et 3,3’), et 3 signaux pour les protons 9,10 et 13 du cycle aromatique à 6 chainons tri-substitué seraient attendus. De plus un spectre RMN du fluor-19 a été enregistré, ne permettant pas de mettre en évidence le groupement trifluorométhyle en position 14.

102 Par contre, la présence de deux singulet à 7,24 et 5,70 ppm, associée avec la présence d’au moins 4 singulets dans une zone aliphatique extrêmement complexe, laisse présager la présence de stéroïdes anabolisants dans cette formulation.

Figure 20 : A : Spectre RMN 1D 1H de la formulation 40 comparé avec les standards de stanozolol et de décanoate de

testostérone, enregistrés dans du méthanol-d4. B : agrandissement de la zone de 5,5 à 7,5 ppm. C : Agrandissement de la zone

de 0,5 à 1,4 ppm.TSP : référence interne de déplacement chimique, CD2HOD : solvant résiduel.

Pour cet exemple, des agrandissement du spectre RMN des zones discutées sont présentés dans la Figure 20 (B et C), la comparaison des spectres avec ceux de notre base de données permet d'envisager une fois encore la présence de stanozolol (en rouge) ainsi que celle de décanoate de testostérone (en vert), principalement détectable grâce à son signal à 5,70 ppm et grâce à la complexification du signal

0 2 4 6 8 ppm TSP TSP TSP CD2HOD H2O Formulation 40 Standard de stanozolol

Standard de décanoate de testostérone A ppm 6,0 6,5 7,0

B

0,5 1,0 1,3 1,2 1,1 0,9 0,8 ppm

C

103 à 1,27 ppm -correspondant majoritairement au stéarate- par la longue chaine carboné formant le groupement décanoate.

Les résultats ont été confortés par spectrométrie de masse, mettant en évidence 2 ions pseudos moléculaires majoritaires de masse 329,2585 et 443,3511 correspondant respectivement au stanozolol et au décanoate de testostérone. Pour les deux ions, la fragmentation est en accord avec la littérature.6, 26 Les esters de testostérones en electrospray positifs se fragmentent tous en suivant les mêmes voies de fragmentation : ils perdent leur groupement ester caractéristique, puis se déshydratent 2 fois consécutivement et enfin un clivage entre deux cycles du cœur stérane est observé. Le schéma de fragmentation sera donné dans la partie suivante de ce chapitre.

La quantification de ces deux stéroïdes anabolisants a été effectuée sur leurs signaux éthyléniques/ aromatiques, permettant de mesurer une quantité de 5,5 ± 0,3 mg de décanoate de testostérone et 1,2 ± 0,1 mg de stanozolol par comprimé. Bien que ces quantités soient relativement faibles, n’oublions pas que l’intérêt de cette formulation était d’éviter les effets secondaires des stéroides anabolisants par la prise de substances « non stéroidiennes ». En achetant ce produit, en plus d’être dupé sur le contenu, le consommateur va aussi à l’encontre de ce qu’il désirait.

Il nous semble nécessaire ici de discuter la présence de stanozolol dans différentes préparations. En effet, comme déjà reporté 4 fois, avec les formulations 13, 21, 37 et 41 la présence de stanozolol est relativement courante dans les formulations étudiées. Ce n’est pas la première fois que des adultérations par cette substance sont mises en évidence. En 2015, Odoardi et son équipe ont détecté entre autres cette substance parmi les 30 compléments alimentaires analysés par HPLC-MS.27 Plus généralement, la détection de stéroïdes anabolisants dans des médicaments ou dans des compléments alimentaires est bien documentée dans la littérature, principalement via des techniques chromatographiques. A titre d’exemple, en Italie Pellegrini et son équipe reportent dans une étude que 8 produits sur 15 analysés contiennent des stéroïdes anabolisants.28 En Corée du sud, Cho et son équipe reportent également la présence de stéroïdes anabolisants parmi les 19 formulations étudiées.29 En Belgique, Van Poucke a publié que sur 19 compléments alimentaires analysés, 11 contenaient des substances interdites.30 Enfin Abbate au Royaume Unis annonce 16 sur 24 compléments alimentaires achetés en lignes comme adultérés.31

Dans la majorité des cas reporté ci-avant les auteurs décrivent des méthodes uniquement qualitatives. Dernièrement dans deux publications consécutives, Ribeiro et son équipe, utilisent pour la première fois la RMN pour l’étude de potentielles adultérations ou malfaçons de produits pour améliorer les performances sportives.32-33 Dans la première, les auteurs étudient des formulations se présentant sous différentes formes (comprimés, gélules, solutions injectables) par RMN du proton et

104 reportent la possibilité de détecter et quantifier les stéroïdes anabolisants, la validation de méthode associée leur permet d’obtenir un taux de récupération allant de 95,2 à 104,0 % dans des temps d’analyses plus court que ceux utilisés en chromatographie. Dans cette étude, ils détectent 4 formulations ne contenant pas les actifs annoncés. Ces résultats confirment la pertinence de l’étude menée ici, et l'intérêt de la RMN pour analyser des substances visant à améliorer les performances physiques. Les résultats obtenus par les auteurs sur les formulations injectables sont cependant un peu plus discutables et seront détaillés un peu plus tard dans ce chapitre. Dans leur second papier, en utilisant la méthode développée dans le premier, les auteurs étudient 40 formulations et mettent en évidence 8 cas dans lesquels l’actif annoncé n’est pas détecté. Ils reportent alors 3 cas d’adultération : l’absence d’actif, l’ajout d’une substance inattendue (ici du citrate de sildénafil) et des produits sous- dosés. Là encore les résultats obtenus sont en accord avec ceux trouvés dans notre étude, comme résumé dans le tableau annexe.