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b. Spectrométrie d’émission atomique à plasma induit par couplage

On parle ici d’ICP-OES ou d’ICP-AES (Inductively Coupled Plasma Optical (Atomic)

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des éléments de la classification périodique simultanément. Le principe consiste à atomiser

et à ioniser les éléments d’un échantillon liquide en l’injectant dans un plasma d’argon formé

par induction (ICP) puis à observer le spectre de raies émises à l’aide d’un spectromètre

optique [13].

I.4.b.i. Principe et appareillage

L’échantillon est introduit sous forme de nébulisat au cœur du plasma parallèlement au

gaz plasmagène (Figure 2). Il subit une série de changements d’états physiques :

désolvatation, vaporisation, atomisation, ionisation et excitation, comme le montre la Figure

3. Les différentes raies d’émission dues à la désexcitation des atomes et des ions sont

décomposées par un système optique avant d’être détectées et analysées par un traitement

informatique.

Figure 2 : Schéma d’une torche plasma [14].

Figure 3 : Schéma représentant les différents processus lors de l’atomisation et de l’excitation.

Le plasma est un gaz ionisé, généralement de l’argon, globalement électriquement

neutre et caractérisé par la présence d’électrons libres. On rappelle que les plasmas sont

définis par leur température (ici, entre 5 000 et 10 000 kelvins) et par leur densité

électronique et ionique [13]. Leur rôle est donc de casser les liaisons moléculaires pour

produire des atomes et des ions libres et d’exciter ces particules.

I.4.b.ii. Couplages possibles

L’ICP-AES est un appareil d’analyse qui peut être couplé à d’autres en fonction des

besoins, comme à une chromatographie liquide ou à un laser d’ablation. Ces couplages ont

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pour but soit de séparer les différents constituants des échantillons soit d’effectuer un

échantillonnage.

Dans certains cas, les solutions avec des matrices chargées peuvent poser quelques

problèmes pour une analyse directe par ICP-AES. Par exemple, il peut en résulter une

pollution de l’appareil qui pourrait influencer l’analyse suivante ou l’interprétation des

spectres pourrait devenir difficile. Pour remédier à cela, l’ICP-AES peut être couplé à une

chromatographie liquide. La solution est injectée dans une colonne chromatographique pour

séparer la matrice des éléments à analyser qui seront ensuite envoyés, après nébulisation,

dans la torche plasma de l’ICP-AES.

Dans d’autres cas, on peut vouloir analyser un échantillon solide directement avec cette

technique. Cela est possible à condition de coupler l’appareil à un laser. Celui-ci servira alors

à ablater la matière en un aérosol très fin de nanoparticules qui sera ensuite injecté dans le

plasma via par exemple un flux d’argon [15].

I.4.b.iii. Performances analytiques et inconvénients

Le domaine analytique de cette technique peut couvrir une gamme dynamique de cinq

ordres de grandeur sans préparation particulière, si bien que les éléments traces et majeurs

sont analysables [16]. L’ICP-AES est souvent choisi pour sa capacité à mesurer

simultanément ou de manière séquentielle plusieurs éléments dans une même solution.

D’autres qualités appréciables de l’appareil concernent sa rapidité (environ 5 minutes par

échantillon) et des limites de détection pour la plupart des éléments dans la gamme 1 à

10 ppb (part per billion8) pour des matrices peu chargées et elles sont de l’ordre de la ppm

pour des matrices chargées [16]. Il est également possible de réaliser des analyses

isotopiques par l’intermédiaire de cette technique à condition d’avoir un spectromètre optique

haute résolution [17]. Cependant, les performances obtenues pour ce type d’analyse sont

moins bonnes que celles obtenues par d’autres techniques spectrométriques (paragraphe

I.6).

Il existe néanmoins quelques inconvénients. Les éléments, comme l’hydrogène, le

carbone, l’oxygène ou bien les gaz rares, ne sont en effet pas analysables par cette

technique car ils sont difficilement ionisables dans un plasma d’argon. De plus, les

interférences spectrales ou les effets de matrice9 ont une influence sur les résultats

d’analyse mais peuvent souvent être corrigés par des traitements mathématiques ou

l’utilisation d’un étalon interne. L’échantillon doit généralement se présenter sous forme

liquide, ce qui implique qu’une préparation minutieuse est nécessaire pour obtenir de bons

résultats. Cependant, une analyse directe des solides peut être possible si l’ICP-AES est

couplé à une ablation laser. Enfin, ce type d’appareil n’est pas facilement transposable en

dehors du laboratoire, c’est-à-dire sur une ligne de production, car il lui faut un

environnement stable et parfaitement contrôlable.

8 Les teneurs en part per (ou partie par) données dans ce chapitre et les suivants sont des teneurs

massiques.

9 De façon générale, l’effet de matrice correspond à l’influence de la matrice sur le signal de l’élément

considéré.

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I.4.b.iv. Applications

Les applications sont diverses et variées. Les premiers appareils commerciaux sont

apparus dans les années 70 et depuis, la technique est devenue très répandue dans le

monde analytique compte tenu de ses bonnes performances. Elle est utilisée dans de

nombreux domaines comme la métallurgie, la géologie, l’environnement, la biologie, la

chimie, ou encore le nucléaire.

L’ICP-AES est une technique très courante dans le domaine nucléaire où elle est par

exemple présente dans le cycle du combustible nucléaire. En effet, Premadas et Srivastava

ont publié une méthode d’analyse ICP-AES pour la détermination des lanthanides et de

l’yttrium en traces dans des échantillons de minerai d’uranium (nommé couramment "yellow

cake") issus du processus d’extraction [10]. Ils ont ainsi développé une nouvelle méthode de

préparation des échantillons afin de réduire les effets de l’uranium et du fer sur les spectres

d’émission obtenus par ICP-AES et ont montré que leur méthode est juste, reproductible et

répétable avec un RSD10 compris entre 2 et 4 %. Gopalkrishnan et al. [5] ont quant à eux

déterminé les teneurs en impuretés métalliques (traces) contenues dans le combustible

nucléaire en utilisant un ICP-AES : 19 éléments ont été analysés simultanément, après leur

extraction d’une matrice uranium, thorium et plutonium, avec un RSD allant de 1 à 5 % et

des limites de détection comprises entre quelques dizaines de ppb et quelques centaines de

ppb. Une autre utilisation de l’ICP-AES dans le cycle du combustible concerne l’analyse des

produits de fission dans le combustible nucléaire usé [6].

Ces dernières années, des études ont été menées pour réaliser des analyses

isotopiques avec la technique ICP-AES. Pour cela, il est nécessaire que le spectromètre soit

de haute résolution afin de séparer les raies d’émission des différents isotopes des éléments

nucléaires. Par exemple, l’écart entre les longueurs d’ondes de l’Uranium 235 (424,412 nm)

et de l’Uranium 238 (424,437 nm) est de 25 picomètres. Krachler et al. [17] ont analysé

l’isotopie de plusieurs échantillons d’uranium (appauvri, naturel et enrichi) et ont ainsi obtenu

une justesse inférieure à 1,5 % et une répétabilité d’environ 1 % sur leurs mesures. Selon les

auteurs, l’avantage de leur méthodologie est qu’il n’y a pas d’obligation à séparer les

isotopes 235U et 238U pour en faire l’analyse contrairement aux techniques de spectrométrie

de masse, comme le TIMS (paragraphe I.6.c).