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d. Relation entre l’énergie par impulsion et les caractéristiques du cratère

IV.3.d.i. Volume de cratère

La Figure 43 montre le volume de cratère en fonction de l’énergie par impulsion, dans

l’air à pression atmosphérique et dans le vide et pour 10 tirs laser cumulés. La gamme

d’énergie est étendue jusqu’à 7 mJ (96 GW.cm-2) de sorte que près de trois décades sont

couvertes.

Figure 43 : Volume ablaté en fonction de l’énergie par impulsion et de l’éclairement pour 10 tirs cumulés, dans

l’air à 1 bar (en bleu) et dans le vide (en rouge) d’un échantillon de cuivre pur. Les barres d’erreur représentent

± 1 écart-type. L’échelle de l’insert est logarithmique.

Dans le vide, une augmentation monotone du volume est observée. Elle est

remarquablement ajustée sur toute la gamme étudiée par une loi de puissance :

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A 1 bar et aux faibles énergies (jusqu’à 0,1 mJ), le volume ablaté est très similaire à

celui mesuré dans le vide. En-dessous d’environ 3 mJ (40 GW.cm-2), le volume suit

également une loi de puissance avec :

𝑉𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸1,12±0,07

Cette tendance est légèrement différente de celle observée dans le vide et le volume

mesuré est plus faible. Dans cette gamme d’éclairement, nous supposons que cette

différence est principalement due à la densité du plasma. Comme souligné par plusieurs

auteurs [182, 183, 184], elle est plus élevée à pression atmosphérique à cause du

confinement par le gaz ambiant, le plasma est alors plus dense et l’absorption des photons

laser par le plasma est plus forte que dans le vide. Un autre phénomène possible est que

dans le vide, seule la conduction thermique dans le matériau peut se produire pendant

l’ablation, tandis qu’à pression atmosphérique, les pertes par conduction avec le gaz ambiant

ne sont pas négligeables. Dans les deux cas, le couplage de l’énergie laser à la cible semble

être moins efficace à pression atmosphérique que dans le vide, conduisant à une efficacité

d’ablation plus faible.

Dans l’ensemble, en dessous de 40 GW.cm-2, les lois de puissance obtenues ne sont

pas très éloignées d’un régime linéaire. Cela signifie que la fraction d’énergie laser utilisée

pour l’ablation, et celle utilisée pour le chauffage du plasma, ne varient pas beaucoup dans

cette gamme d’éclairement. On constate en outre que leurs valeurs dépendent peu de la

pression.

A 1 bar et pour un éclairement élevé, deux phénomènes sont susceptibles de limiter la

propagation de l’énergie en direction de la surface, et par conséquent, l’efficacité d’ablation.

Il s’agit de l’écrantage plasma d’une part, et d’autre part, de la modification de la propagation

du faisceau laser due à l’expansion d’un plasma dense. D’ailleurs, au-delà d’environ 3 mJ,

nous pouvons voir que ces mécanismes deviennent dominants, si bien que le volume du

cratère n’augmente plus. Dans ce régime, le volume ablaté est 2 à 4 fois plus faible que

dans le vide. Donc, en supposant qu’à 1 – 2 GW.cm-2, le coefficient d’absorption du plasma

est de 50 à 80 % [166, 167, 168] et que cette valeur est la même dans le vide sur toute la

gamme d’éclairement, nous obtenons un coefficient d’absorption du plasma sous pression

atmosphérique dans la fourchette 75-95 % entre 40 et 100 GW.cm-2. Finalement, la fraction

d’énergie utilisée pour l’ablation est de 30 à 50 % pour un éclairement modéré, et de 5 à

25 % pour un éclairement élevé.

IV.3.d.ii. Profondeur de cratère

La profondeur de cratère est largement étudiée dans le domaine de l’ablation laser pour

caractériser le taux d’ablation des matériaux [185, 186] mais il est également important de

connaître sa relation avec les paramètres du laser [187, 188]. La Figure 44 donne la

profondeur du cratère en fonction de l’énergie par impulsion laser dans l’air à 1 bar et dans le

vide, pour 10 tirs laser cumulés. La gamme d’énergie est comprise entre 26 µJ et 7 mJ.

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Figure 44 : Profondeur du cratère en fonction de l’énergie par impulsion pour 10 tirs cumulés, dans l’air à pression

atmosphérique et dans le vide d’un échantillon de cuivre pur. Pour le cas à 1 bar, les trois derniers points ne sont

pas pris en compte pour calculer l’ajustement. Les barres d’erreur représentent ± 1 écart-type.

Dans le vide, les données expérimentales sont ajustées par une loi en racine carrée sur

toute la gamme d’énergie. Cette tendance a aussi été observée par Liu et al. [187] et par

Sallé et al. [163], et elle est cohérente avec le modèle de Phipps et al. [189] sur l’ablation

laser dans le vide. Comme ce modèle est basé sur l’hypothèse d’une expansion

unidimensionnelle d’un plasma de gaz idéal opaque chauffé par Bremsstrahlung Inverse,

nous pouvons conclure que ces hypothèses décrivent correctement le phénomène dominant

dans nos conditions expérimentales.

La profondeur ablatée suit la même loi dans l’air à pression atmosphérique jusqu’à

≈ 3 mJ (40 GW.cm-2). Comme nous l’avons vu au paragraphe IV.3.b, à éclairement modéré,

l’ablation laser produit des cratères avec une morphologie très similaire dans l’air et dans le

vide. L’interaction laser-matière dépend faiblement de la pression ambiante et c’est pourquoi

le modèle de Phipps et al. reste remarquablement valide à 1 bar en-dessous d’un certain

seuil d’énergie. Ensuite, la profondeur ablatée sature. Cette observation est en accord avec

l’évolution du volume du cratère avec l’énergie laser (Figure 43). Les mêmes phénomènes

peuvent être mis en avant pour expliquer la saturation : comme l’éclairement augmente,

l’écrantage plasma et la modification de la propagation du faisceau laser limitent

progressivement l’énergie atteignant la surface de l’échantillon jusqu’à ce que la profondeur

devienne constante. Ces phénomènes ne sont pas pris en compte dans le modèle de

Phipps.

IV.3.d.iii. Diamètre de cratère

La Figure 45 montre le diamètre du cratère (mesuré au niveau de la surface de

l’échantillon) en fonction de l’énergie par impulsion pour 10 tirs laser cumulés dans l’air à

pression atmosphérique et dans le vide.

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Figure 45 : Diamètre de cratère en fonction de l’énergie par impulsion pour 10 tirs laser cumulés, dans l’air à

1 bar et dans le vide d’un échantillon de cuivre pur. Les barres d’erreur représentent ± 2 écarts-types.

Nous remarquons ici que le diamètre n’est pas significativement influencé par la

pression ambiante. Les données obtenues dans le vide sont légèrement plus élevées que

celles obtenues à 1 bar, mais suivent la même tendance. Nous pouvons également voir que

le diamètre augmente avec l’énergie suivant une loi de puissance :

𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒 ∝ 𝐸0,32±0,03

dans les deux cas. Comme nous l’avons montré au paragraphe IV.3.b, ceci est

qualitativement cohérent avec le fait que le diamètre réel du faisceau laser contribuant à

l’ablation, à savoir au-dessus du seuil d’ablation, augmente avec l’éclairement.

Enfin, le volume du cratère est proportionnel à la profondeur du cratère et à son

diamètre suivant la relation :

𝑉𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝑃𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒× ∅𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒2

Etant donné que : 𝑃𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸0,5

Et : ∅𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸0,32±0,03

Alors nous devrions obtenir : 𝑉𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸1,14±0,06

Dans le régime d’éclairement modéré où l’ablation est pilotée par les caractéristiques du

faisceau laser à la surface de l’échantillon, cette relation est très bien vérifiée à pression

atmosphérique :

𝑉𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸1,12±0,07

Une légère déviation est observée dans le cas du vide : 𝑉𝑐𝑟𝑎𝑡è𝑟𝑒∝ 𝐸1,24±0,02.

Finalement, dans le vide, le volume, la profondeur et le diamètre du cratère sont

complètement corrélés à l’énergie par impulsion laser et c’est l’interaction laser-matière qui

est le mécanisme dominant de l’ablation laser. Les mêmes conclusions sont valables à

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pression atmosphérique jusqu’à ≈ 40 GW.cm-2 ; à éclairement modéré, nous observons que

les caractéristiques du cratère ne dépendent pas fortement de la pression ambiante. Au-delà

de ≈ 40 GW.cm-2, l’écrantage plasma et la modification de la propagation du faisceau laser

par l’expansion du plasma apparaissent. Cette interaction laser-plasma limite fortement la

conversion de l’énergie laser en matière ablatée sous pression atmosphérique.