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En droit international privé, les Clah-1996 et 2000 demeurent applicables pour les mesures protectrices ayant pour objet la protection internationale des enfants, en l’espèce les mineurs non accompagnés, ou la protection internationale des adultes incapables (applicables à la Suisse en vertu de la Loi fédérale suisse sur le droit international privé, article 85, al. 1 et 2).

Au sein de l’UE, le Règlement (CE) N° 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (ci-après Règlement de Bruxelles II bis) prévaut sur la Clah-1996, mais non sur la Clah-2000 puisque la protection des adultes est exclue du champ d’application matériel dudit Règlement. Celui-ci prévoit des mécanismes de détermination de la compétence internationale similaires à la Clah-1996. En matière de protection internationale visant les enfants réfugiés, la compétence est déterminée par la présence physique de l’enfant (Bruxelles II bis, article 13.2 et Clah-1996, article 6.1).

En revanche, le Règlement Dublin III est un instrument à cheval entre le droit international privé européen et le droit des réfugiés. Ce Règlement s’applique au sein des États membres de l’UE et de l’AELE (Suisse125, Islande, Lichtenstein, Norvège). Les mesures protectrices de l’enfant126 (et de l’adulte incapable) et le

« critère de rattachement personnel », notamment la présence physique qui détermine à la fois la

« responsabilité » de l’État en matière d’asile et sa « compétence » en matière civile, sont notamment concernés par ledit chevauchement. Dublin III127 établit les règles de compétence relatives à l’État

« responsable » (en principe l’État de la présence physique ou résidence temporaire) qui doit offrir une protection internationale. Bruxelles II bis et la Clah-1996 (mais également la Clah-2000 pour les adultes

123 Note 84, p. 240-243.

124 Note 44, p. 256.

125 Loi sur l’asile du 26 juin 1998, RS 142.31.

126 S. CORNELOUP, Children on the Move: A Private International Law Perspective, Parlement Européen [2017] p.

7.

127 Article 7 Ss.

incapables) déterminent les règles de compétence de l’État, notamment celui de la présence physique qui est responsable de la mise en œuvre des mesures protectrices. Certains auteurs craignent un manque de coordination entre procédures d’asile et procédures civiles se référant à la – parfois très complexe – mise en œuvre des mesures protectrices128. En effet, dans le cas d’un mineur non accompagné tel que défini par Dublin III129, les mesures protectrices envisagées par Bruxelles II bis, et destinées à la protection et représentation de l’enfant, s’appliquent également au sein des procédures d’asile130.

Une autre distinction rend encore plus compliquée la coordination entre ces deux instruments. Les autorités en charge de la « protection internationale » et des « mesures protectrices » sont différentes.

Dans le cas de Dublin III, le « Common European Asylum System » (ci-après CEAS) met en place un « Asylum support office » ou « CEAS authorities » visant la cohérence et l’efficience de la coopération internationale entre les États membres de l’UE, ainsi qu’entre les différentes autorités étatiques en charge des procédures d’asile. Le but de cette coopération est d’atteindre un « degré interprétatif uniforme » au sein du droit d’asile et droit des réfugiés131. Bruxelles II bis, en revanche (comme le prévoit également le système de la Haye à travers ses conventions), envisage l’application de la coopération internationale à travers les Autorités Centrales132 en charge de l’application de mesures protectrices telles que la tutelle, curatelle, droit de garde, accompagnement et retour en cas d’enlèvement international d’enfant, placement en institution ou famille d’accueil, détermination de l'incapacité et l'institution d'un régime de protection.

Bruxelles II bis et Dublin III, ainsi que les Clah-1996 et 2000, prévoient pour les mineurs non accompagnés des règles de détermination de la compétence qui pourraient être « étiquetées » de manière similaires.

Tout d’abord, selon Dublin III, l’État « responsable » est celui où la demande est introduite133. Selon l’article 20.2, « une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné ». En cas de demandes multiples introduites dans différents États, le premier État demeure responsable, sauf si l’État de la présence physique « actuelle » ou

« secondaire » exprime sa volonté de retenir la compétence en vertu d’une « clause humanitaire »134 , ou

128 Note 126, p. 7.

129 Article 2 (j) : « un mineur qui entre sur le territoire des États membres sans être accompagné d’un adulte qui, de par le droit ou la pratique de l’État membre concerné, en a la responsabilité, et tant qu’il n’est pas effectivement pris en charge par un tel adulte ; cette définition couvre également un mineur qui cesse d’être accompagné après son entrée sur le territoire des États membres ».

130 Note 126, p. 14.

131 K. HAILBRONNER, EU Immigration and Asylum Law – Commentary on EU Regulations and Directives [2010], Hart, p. 7.

132 P. LAGARDE, Explanatory Report on the 1996 Hague Child Protection Convention [1998], Hague, p. 563, § 57.

133 Article 8.4 : « En l’absence de membres de la famille, de frères ou sœurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l’État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l’intérêt supérieur du mineur ».

134 Article 17.2.

que le premier État « responsable » présente une demande de reprise en charge – take back request135. La CJUE a, en outre, précisé136 que la demande de « transfert de responsabilité », visant la prise en charge du requérant par le premier État « responsable », doit être intentée avant l’expiration du délai de trois mois, en vertu de l’article 21.1 ; et que la demande de « transfert de responsabilité », visant la reprise en charge du requérant par le premier État « responsable », doit être intentée avant l’expiration du délai de deux mois, en vertu des articles 24.2 et 24.3, à compter de la demande d’introduction de protection internationale par le requérant dans le deuxième État « responsable », sans que la réception d’un résultat positif Eurodac soit de nature à permettre d’outrepasser ce délai. À défaut, l’État de la présence physique

« secondaire » du requérant demeure « responsable ». La CJUE a également clarifié137 la question de la

« responsabilité » au regard des RMNA – dans le cas d’une demande d’asile déposée dans plusieurs États, le dernier État de la présence physique de l’enfant exerce sa compétence, demeurant responsable pour sa protection internationale, en vertu des principes d’efficacité et célérité de la procédure, ainsi que dans le meilleur intérêt de l’enfant.

À retenir, bien que Dublin III ne le prévoie pas expressément, le « transfert » est censé avoir lieu dans le meilleur intérêt de l’enfant138, et en vertu d’une règle similaire139 à la « prior-in-time rule » ou « lis pendens rule » typique de droit international privé. La possibilité d’effectuer un « transfert de responsabilité », pour utiliser le terme évoqué par Dublin III, ou un « transfert de compétence », pour utiliser un terme de DIP, est également envisagé par Bruxelles II bis (article 15), et les Clah-1996 (article 8 et 9) et 2000 (article 8).

Sous l’égide du droit international privé, il est opportun concevoir quelques réflexions en matière de droit commercial international. En effet, l’affaire récente concernant le navire Elhiblu 1 (qui fait suite à d’autres affaires précédentes) tombe dans le domaine et les remèdes de droit international privé. Un navire commercial dont l’objectif est de transporter et livrer par voie maritime une quantité plus ou moins

135 Dublin III, art. 18 Ss ; Note 49, p. 1376 : « By way of derogation from the criteria of responsibility, a Dublin Member State remains entitled to examine any application for asylum, if it wishes to do so […] and it is able to transfer the responsibility to itself by applying the humanitarian clause […] » ; CJUE, M.A. et autres c International Protection Appeals Tribunal, Minister for Justice and Equality, Attorney General, Ireland [C-661/17], 23 janvier 2019, § 55.

136 CJUE : Tsegezab Mengesteab c Bundesrepublik Deutschland [C-670/16], 26 juillet 2017 ; Bundesrepublik Deutschland c Aziz Hasan [C-360/16], 25 juin 2018.

137 CJUE, M.A. et autres c Secretary of State for the Home Department [C-648/11], 6 juin 2013, § 60 : « Cette prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant exige, en principe, que, dans des circonstances telles que celles caractérisant la situation des requérants au principal, l’article 6, second alinéa, du règlement nº 343/2003 soit interprété en ce sens qu’il désigne comme responsable l’État membre dans lequel le mineur se trouve après y avoir déposé une demande ».

138 Dublin III, cons. 13 et article 6 ; Bruxelles II bis, cons. 12 et 13 ; Note 137, § 59 « Dès lors, bien que l’intérêt du mineur soit uniquement mentionné explicitement au premier alinéa de l’article 6 du règlement nº 343/2003, l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, a pour effet que, dans toutes les décisions qu’adoptent les États membres sur le fondement du second alinéa dudit article 6, l’intérêt supérieur de l’enfant doit également être une considération primordiale ».

139 Note 126, p. 19.

importante de produits, à partir d’un État d’origine vers un État de destination et à travers la méditerranée, peut se voir confronté à l’obligation de sauvetage, et donc procéder à l’embarquement de requérants d’asile. L’embarquement et le désembarquement (dans un État autre que celui de la livraison finale) peuvent engendrer des coûts, des retards dans la livraison et, finalement, des dommages et intérêts importants relatifs à l’inexécution contractuelle140.