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Spécificités concernant les interprètes

CHAPITRE III : LES TRADUCTEURS ET INTERPRÈTES

3. Spécificités concernant les interprètes

La loi prévoit un système de réquisition, d'établissement et de contrôle des états de frais totalement distinct pour les interprètes. Il a été choisi à titre d’essai pour une éventuelle extension ultérieure à d'autres groupes présentant un caractère analogue. Cette dérogation s’explique par le fait que les interprètes reçoivent successivement et parfois en grande quantité de nombreuses missions, petites et plus importantes, par jour. L'application du système ordinaire leur donnerait une grande quantité de travail administratif supplémentaire.

3.1. La réquisition d’un interprète

Vu qu’il n’est souvent pas simple de trouver un interprète disponible, surtout pour des combinaisons de langues moins fréquentes et aux heures d'affluence, de préférence à une distance pas trop importante, pour faciliter les recherches pour les requérants, une app a été développée qui leur permet de voir rapidement quels sont les interprètes disponibles à un moment donné.

La réquisition écrite préalable, qui constitue une nécessité, peut poser des problèmes à la police (voir plus haut).

Si l’interprète a été requis par écrit ou non, il se met au travail ou doit attendre que son tour arrive. Bien que le temps d'attente soit également rémunéré, le montant est peu élevé et ne compense assurément pas le temps perdu à attendre, temps souvent si long qu’il aurait permis à l’interprète d’effectuer une mission supplémentaire s’il n’avait pas été bloqué.

Dans de nombreuses juridictions, toutes les parties appelées à se présenter le matin ou l’après-midi sont toujours toutes convoquées, de manière tout à fait inéquitable, la même heure et doivent ensuite attendre leur tour en fonction de l’ordre d’ancienneté de leurs avocats. Cela peut avoir pour conséquence que des interprètes doivent attendre de 9h à

103 12h et doivent rester tout ce temps disponibles et qu’ils peuvent tout autant être

soudainement renvoyés chez eux si une des parties est absente.

Les greffiers d'audience doivent prendre conscience de la perte de traitement qu’ils provoquent en agissant comme cela et que rien ne les oblige à perpétuer des traditions si celles-ci ne sont ni efficaces ni obligatoires. C’est particulièrement irritant lorsque les greffiers et leur personnel se contentent de répondre par « cela a toujours été comme ça » quand on leur demande pourquoi ils ne prennent pas, comme à d'autres endroits, la moindre initiative de modernisation. C’est une mentalité qui est dépassée et une vieille excuse pour ne rien entreprendre.

Ici, le greffier qui dirige le bureau de taxation a un rôle important à jouer : il est en effet le mieux placé pour faire part de sources d’inefficacité de ce type au greffier en chef, qui à son tour peut contraindre les greffiers concernés qui sont un frein à l’efficacité et au progrès à collaborer, si besoin en se servant des objectifs de prestation qui leur sont attribués en vue de leur évaluation.

Il n’y a rien de plus démotivant pour le personnel exécutant que de devoir attendre la mise à la retraite de leur supérieur, réfractaire à toute modernisation. Ces personnes sont inaptes à leur fonction et ont un rendement négatif. On peut attendre de greffiers en chef compétents qu’ils soient ouverts à la modernisation, tout comme on peut attendre de tous les membres du personnel qu’ils soient conscients du côté humain de leur travail et de celui des

auxiliaires externes requis par la justice elle-même, car il s'agit de prestataires de services qui aujourd’hui ne veulent plus se voir indiquer la porte avec des réponses erronées, irréfléchies ou impolies et désobligeantes à leurs questions.

Il en va de même pour les souhaits raisonnables des interprètes, qui ont pleinement le droit de se voir attribuer autant de missions que possible par jour et de les exécuter dans les meilleures conditions. Un personnel judiciaire qui se montre autoritaire et qui n’accède pas aux demandes concernant des choses qui sont possibles mais qui « jusqu’à présent n’ont jamais été faites » ne fait que témoigner d’un mépris ou d’une indifférence pour les

conséquences de ses actes. De même, une approche parfois absurde des règles peut être très dérangeante (« c’est la même chose pour tout le monde » n’est pas une excuse lorsqu’il est question de personnes dans un contexte différent).

Un autre point dont, outre les greffiers, les secrétaires de parquet et magistrats de parquet, ainsi que les requérants de la police doivent tenir compte a trait au fait que lors de

l’attribution de missions d’interprétation (et de traduction aussi d'ailleurs), ils ne doivent accorder aucune préférence à tel ou tel traducteur ou interprète « parce qu’ils le connaissent bien et lui font confiance ».Les missions pour l’autorité doivent être attribuées de manière objective, et si elles sont soumises à un tarif fixe, elles sont en principes égales. Ils ne peuvent donc pas toujours choisir les mêmes personnes parmi, par exemple, les interprètes d'écoutes téléphoniques bien rémunérées. Celui qui a moins d’expérience doit se voir

accorder l’opportunité d’en acquérir pour être prêt le jour où une génération disparaît. Il n’est pas non plus acceptable de toujours planifier des interprétations d'écoutes téléphoniques tard ou durant le week-end, car ce sont toujours les mêmes interprètes qui reçoivent les tâches qui rapportent plus.

On gaspille beaucoup d'argent en payant pour des raisons de confort des interprètes 50 ou 100% + 20% plus cher.

13.2. Calcul de l’indemnité des interprètes

Après avoir rempli sa mission, l’interprète doit faire indiquer sur sa feuille de prestation (si pas sur la réquisition), par le greffier qui doit rester à disposition jusqu’à ce moment, l’heure

104 de début et l’heure de fin de sa mission ainsi que l’approbation de la prestation, ses nom et titre, la date et sa signature (il peut s'agir d’un cachet).

Ce système permet à l’interprète de rédiger immédiatement son état de frais. Pour ce faire, il utilise un modèle conçu spécialement et uniquement pour les interprètes, pas pour chaque prestation mais pour toute une série de prestations sous forme de tableau. Il peut également concevoir son propre modèle, pour autant qu’il soit facilement reconnaissable et qu’il

contienne tous les éléments prescrits.

L’interprète calcule son temps d'attente et son temps de prestation en minutes. Le temps de prestation est le temps que l’interprète consacre à l’interprétation même, y compris celui nécessaire à son installation et à sa préparation, et celui où il range ses affaires. Il doit donc être défini de manière objective. Il en va autrement pour le temps d'attente. Certains veulent que le temps d'attente commence à courir dès qu’ils entrent dans le bâtiment judiciaire, voire lorsqu’ils quittent leur domicile. Ce serait toutefois impayable. Dans le contexte actuel, le terme est suffisamment clair : c’est le temps que passe l’interprète à attendre à l’endroit désigné comme la salle d'attente de la salle d’audience où il doit être présent pour fournir sa prestation d’interprète. Ce temps peut être lié à sa première prestation de la journée ou se situer entre deux prestations. Le temps d'attente court tant que l’interprète attend à proximité de l’entrée de la salle d'audience et qu’il peut à tout moment être appelé. Le temps d'attente est suspendu si l’interprète sait qu’il doit encore attendre un certain temps, s’il sort

téléphoner, faire une course, poster une lettre, et si possible s’il accepte une autre mission qu’il peut exécuter dans l’intervalle.

Vu l’indemnité globalement assez faible des interprètes, explorer les limites de ce qui est admissible et essayer par toutes sortes de dispositifs d’engranger des suppléments est devenu un sport pour eux. Ici aussi, il existe quelques règles fondamentales du droit, trop facilement oubliées. La première d’entre elles est pourtant la plus simple : « actori incumbit probatio » ou « c’est à celui qui demande qu’il incombe d'apporter la preuve (qu’il y a droit) ». C’est le prestataire de services qui doit prouver qu’il a effectivement droit à ce qu’il demande. Et parfois, la loi prescrit également la manière dont la preuve doit être apportée, p. ex. au moyen d’une attestation signée par une source objective, de la documentation, un commentaire, des analyses, des précédents issus de la jurisprudence...

L’interprète doit donc pouvoir prouver que toutes les mentions qui figurent sur sa feuille de prestation sont correctes. Cela concerne tout ce qu’il demande, surtout les montants des indemnités d'attente, le temps de prestation et les suppléments éventuels.

Concernant les interprètes, des suppléments sont dus avant tout lorsqu’ils doivent intervenir la nuit, les week-ends et les jours fériés. Particularité de leur régime concernant le besoin très fréquent chez eux d’être disponibles jour et nuit et le week-end, contrairement à d'autres prestataires de services, ils ne sont en heures de nuit que de 22h à 6h. Le travail de nuit donne lieu à un bonus de 100%, tout comme le travail le dimanche et les jours fériés, et le travail le samedi, à un bonus de 50%. Le cumul de ces bonus est interdit.

En outre, il existe une sorte d’indemnité promotionnelle de 65 % pour l’utilisation de valises d’interprétation par deux interprètes en même temps. Il s'agit de valises comprenant un équipement audio, qui permet à l'interprète d'interpréter en chuchotage pour ses clients (jusqu'à 8 à la fois) se trouvant parfois trop éloignés de lui. En période de risque de pandémie, ce système s'avère être une très bonne mesure de prévention. Ce régime promotionnel sera étendu à d’autres méthodes, p. ex. l’utilisation du GSM par liaison bluetooth.

105 Une indemnité est également prévue à titre de compensation pour l'annulation d'une séance d'interprétation par le requérant qui informe trop tard l'interprète qu'il n'est pas nécessaire de se rendre sur le lieu de la réunion.

Plus intéressante est la question de savoir comment appliquer la règle de la première heure de prestation garantie, qui est décrite dans l'arrêté tarifaire comme une sorte de minimum de moyens d’existence pour les interprètes, qui ont au moins le droit d'être payés à hauteur d’une heure comme s'ils avaient interprété une heure entière. La règle s'applique

uniquement à ceux pouvant facturer une heure entière de temps de prestation lors de leur première prestation le matin ou l'après-midi, si le temps de prestation et le temps d'attente n'équivalent pas, ensemble, à une heure entière. Ce cas de figure peut survenir deux fois par jour.

Cependant, la situation se complique lorsque l'un des nombreux scénarios possibles se produit, ces réglementations s’opposant entre elles ou avec d'autres. La question est extrêmement gênante quand on repense au débat permanent sur la première prestation considérée comme une heure de prestation garantie, suivie presque immédiatement par une autre prestation, qui commence encore avant la fin de cette heure complète garantie. Quel que soit l'angle sous lequel on examine la question, aucune interprétation n'est satisfaisante, car toutes induisent systématiquement des situations indésirables qui font qu’une prestation peut générer une perte ou que la garantie rend les choses pires que prévu. Comme presque tout le monde s'accorde à dire que cette règle devrait être abrogée, on ne dispose pas d’une meilleure solution. Faute de mieux, il a provisoirement été décidé de laisser à l'interprète le choix de l'interprétation la plus avantageuse pour lui.

1.3.3. Introduction de plusieurs états de frais en un seul endroit

Comme les interprètes assurent souvent une longue série de missions d'interprétation par semaine et afin de ne pas surcharger la boîte mail du bureau de taxation, il a été décidé que les interprètes ne doivent pas établir un état de frais par séance d’interprétation (ils

fournissent en effet une prestation immédiate et non tangible), mais qu'ils doivent regrouper chaque mois l’ensemble de leurs prestations sur une feuille de prestation, où les données essentielles de chaque séance d’interprétation figureront chaque fois sur une seule ligne et qui doit être systématiquement signée immédiatement en guise d'approbation. Ces feuilles doivent alors être soumises en même temps que les réquisitions à un seul bureau de taxation, à savoir celui compétent pour le lieu de domicile, de résidence ou d'établissement de l'interprète (celui indiqué par lui lors de son inscription au registre national), quels que soient le lieu de réquisition et le lieu d'exécution de la mission. Cette méthode doit permettre de réduire les démarches administratives et d'améliorer le suivi des prestations indiquées. Il s'agit en fait d'un test officiel d'un système alternatif,

en vue d'une éventuelle extension à d'autres catégories appropriées.

Pratiquement invisible, cachée derrière la prescription disparue des états de frais, qui a été remplacée par l'obligation de les envoyer au plus tard six mois après la fin de la mission, l'obligation d'envoyer les états de frais a été prévue par mesure de précaution, afin de pouvoir bénéficier du court délai de traitement, de ne pas confronter trop souvent

l'administration aux erreurs du passé et certainement aussi pour mettre fin au petit jeu fiscal consistant à n'introduire les états de frais qu'après qu'il soit déjà trop tard ou à la dernière minute. La loi prévoit désormais objectivement que les états de frais datant de plus de six mois ne seront plus traités.

106 1.3.4. Suite du traitement

Après contrôle des feuilles de prestations des interprètes, tant sur le plan de la forme que du contenu, et selon les mêmes principes que les états de frais des traducteurs, les prestations figurant sur la liste sont taxées, une à une, et l'ensemble est transmis au bureau de

liquidation. Celui-ci applique la même procédure que pour les traducteurs.

Enfin, il est important de rappeler que le droit à un interprète en vue de suivre son procès et de pouvoir se défendre est considéré comme un droit fondamental dont il ne faut pas décourager l'exercice. Dès lors, les frais d'interprétation ne sont en principe pas et jamais récupérables auprès du condamné.