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Spécialisations socio-résidentielles à l’échelle communale : approche par la nationalité des acquéreurs

DENIS ET DANS LE VAL-D'OISE

V. Spécialisations socio-résidentielles à l’échelle communale : approche par la nationalité des acquéreurs

A. Sources exploitées et difficultés rencontrées

Comme l’indique la Figure 1, les informations concernant la nationalité ne sont pas rendues disponibles par l’Insee à des échelles plus locales que le Triris (soit trois Iris). Comme il avait été développé par le statisticien A. Kych du Centre Quetelet, lors du colloque30 organisé à l’université de Cergy-Pontoise, ces données sont considérées comme « sensibles ». Il existe en effet des inquiétudes permanentes de voir utiliser de telles données à des fins peu compatibles avec la recherche scientifique. Si ces préventions sont compréhensibles, il n’en demeure pas moins que les règles strictes imposées par l’Insee sous la pression de sa tutelle, contribuent à rendre plus opaques les dynamiques affectant les territoires. La recherche en géographie sociale ne peut donc accepter comme telle une situation de blocage dans l’accès aux données, partant du principe qu’il s’agit de comprendre les évolutions de la société dans leur dimension spatiale et non de porter un quelconque jugement de valeurs sur ce qui serait ou non souhaitable.

Ceci a conduit à poursuivre d’autres pistes afin de dégager des dynamiques spatiales31

. Même si elle présente des imperfections dans la saisie des données et ne porte que sur le sous- ensemble des ménages acquéreurs d’un bien immobilier, c’est de nouveau la base BIEN qui va faire l’objet d’une exploitation. Celle-ci intègre des informations sur la nationalité déclarée de l’acquéreur. Notons immédiatement que ces informations ne réfèrent pas à des statistiques ethniques construites à partir d’un sentiment d’appartenance à une communauté, mais bien de données objectives sur la nationalité. Il est pertinent de considérer que cette information a fait l’objet d’une vérification de la part des notaires au moment de la signature de l’acte et que par conséquent, nous nous appuyons sur des données fiables, n’ayant initialement pas conduit à des recodages particuliers, puisque figurent des informations par pays. Par contre pour exploiter ces informations dispersées en de nombreuses modalités, il est nécessaire de procéder à des simplifications par regroupement de pays au sein de plus vastes sous- ensembles (voir en Annexe 5, la manière utilisée pour réaliser ces regroupements). Cette phase a été conduite selon nos propres choix. Certains regroupements auraient pu être construits différemment32.

Les informations disponibles dans la base BIEN conservent une stabilité au cours du temps (voir Figure 4) et sont présentes à des niveaux élevés : de l’ordre de 95 % des transactions sont renseignées pour la nationalité, soit des niveaux similaires à ceux observés pour les catégories socio-professionnelles. À partir de cette matière première, plusieurs pistes sont à suivre : les acquéreurs étrangers sont-ils présents de manière homogène au sein des trois départements ou des formes d’agrégation apparaissent-elles ? Les différentes nationalités sont-elle distribuées de façon identique ou des sur-représentations locales peuvent-elles être identifiées ? Enfin, comment ces répartitions évoluent-elles dans le temps ?

30

Il s’agit du Colloque : « Les territoires urbains face aux défis des ségrégations. Comparaison Etats-Unis – France », université de Cergy-Pontoise, 8-9 novembre 2005. Les principales contributions figurent dans le n°122 d’Hérodote « Ghettos américains, banlieues françaises », 3ème trimestre 2006.

31 Un article sur cette question a été accepté par la revue les Annales de géographie [Bergel et Desponds, 2011]. Les résultats présentés dans ce Chapitre V reprennent pour partie des cartes et graphiques de cet article. 32

Les sous-ensembles régionaux utilisés dans le classement sont les suivants : Union européenne, Europe hors Union européenne, Amérique du Nord, Amérique centrale, Amérique du Sud, Antilles, Maghreb, Afrique sub- saharienne, Afrique équatoriale, Afrique australe, Afrique orientale, Russie et pays sous influence, Inde et sous- continent, Moyen-Orient, Extrême Asie, Japon, Océanie, Océan indien, Turquie, Indonésie et îles, Chine et territoires, Asie centrale, Pacifique.

B. Tendances observées

1. Le Val-d’Oise et les autres départements

Les données sur la nationalité des acquéreurs de biens immobiliers offrent un éclairage sur la diversité des populations s’implantant sur les territoires, sans conduire aux dérives envisageables avec les statistiques ethniques33. Vont donc faire l’objet des traitements statistiques et cartographiques des informations objectives, figurant sur les passeports des personnes concernées et ne référant donc pas à un sentiment d’appartenance, par essence complexe et rétif à entrer dans des cases pré-définies qui auraient été conçues par la puissance étatique [Simon, 2003]. Parmi les acquéreurs certains sont originaires de l’étranger mais ont par la suite acquis la nationalité française. Les données BIEN les considèrent en conséquence comme Français [Simon, 1998].

L’exploitation de ces données montre (voir Figure 55) que les acquéreurs étrangers sont plus nombreux sur la période 2001-2005 que sur la période 1996-2000, ce pour tous les types de biens et pour chacun des trois départements. Cependant, cette évolution en volumes ne doit pas surprendre sachant que les acquisitions ont crû de façon régulière sur la période d’étude34

. Dans le cas des Yvelines comme du Val-d’Oise, les acquisitions de maisons sont plus nombreuses que celle d’appartements, la situation étant inverse en Seine-Saint-Denis, ceci étant en relation directe avec la typologie de l’habitat dans ces territoires, Yvelines et Val-d’Oise comportant de nombreuses communes périurbaines où prédomine l’habitat individuel. Rapportées en valeurs relatives, les acquisitions effectuées par des étrangers, tous biens confondus, ont également connu des croissances (voir Figure 56), passant de 4,3 % à 4,9 % dans les Yvelines, de 10,6 % à 13,7 % en Seine-Saint-Denis et de 7 % à 8,4 % dans le Val-d’Oise. Même si cela peut paraître surprenant, la part des acquisitions effectuées par des étrangers est plus importante pour les maisons que pour les appartements, dans les trois départements. La Seine-Saint-Denis enregistre, pour chacun de ces types, les taux les plus élevés devant le Val-d’Oise et les Yvelines. Compte tenu des taux observés comme des dynamiques en cours, il s’agit d’un phénomène qui tend à prendre de l’ampleur. En Seine- Saint-Denis, entre 2001 et 2005, un peu moins d’un acquéreur de maison sur cinq était de nationalité étrangère, dans le Val-d’Oise, il s’agit d’un peu moins de un sur dix.

La répartition spatiale de ces acquisitions à l’échelle communale (voir Figure 57), laisse apparaître d’importants contrastes. Si sont cumulées les acquisitions enregistrées sur la période de 1996 à 2005, treize communes atteignent des taux supérieurs à 20 %. Si l’on excepte les Mureaux (Yvelines), ces communes sont essentiellement situées dans la partie Nord de la Seine-Saint-Denis et dans l’Est du Val-d’Oise. La comparaison terme à terme des cartes correspondant à chacune des deux sous-périodes (1996-2000 pour la Figure 58 et 2001- 2005 pour la Figure 59) montre que les grandes structures spatiales sont conservées, mais également que davantage de communes enregistrent des taux élevés (plus de 20 %) d’acquisitions effectuées par des étrangers. Celles-ci se situent principalement en Seine-Saint- Denis et dans l’Est du Val-d’Oise. Les communes avec les plus forts taux de logements sociaux sont également celles où les étrangers acquièrent le plus de biens immobiliers.

33 Le rapport du COMEDD (Comité pour la mesure de la diversité et l’évaluation des discriminations, dirigé par la démographe F. Héran) remis au commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, Y. Sabeg, le 5 février 2010, rejette l’idée de mettre en place des statistiques ethniques, en considérant que des études localisées mises en place par des chercheurs et encadrées par la CNIL devraient suffire pour offrir des résultats sur la question. 34 Sur les 402 201 transactions concernant des appartements et des maisons dans les trois départements de l’étude, les informations disponibles ont été de 23 744 en 1996, de 24 539 en 1997, de 30 422 en 1998, de 39 893 en 1999, de 41 699 en 2000, de 42 894 en 2001, de 45 784 en 2002, de 48 273 en 2003, de 51 432 en 2004 et de 53 521en 2005.

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000

Yvelines (78) Seine-St-Denis (93) Val-d'Oise (95)

Département Q ua ntit é d e b iens imm o biliers Appt. 1996-2000 Appt. 2001-2005 Mais. 1996-2000 Mais. 2001-2005 EVOLUTION DU NOMBRE D'ACQUEREURS ETRANGERS POUR LES PERIODES 1996-2000 ET 2001-2005,

EN SEINE-SAINT-DENIS, DANS LES YVELINES ET DANS LE VAL-D'OISE (SELON LE TYPE DE BIEN).