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Sources exploitées et difficultés rencontrées

Chapitre II Les recettes de glacis : Reconstitutions et caractérisation chimique

II.1 Choix des sources et des recettes

II.1.1 Sources exploitées et difficultés rencontrées

La reconstitution de ces recettes n’a pu être réalisée qu’après une étude approfondie des différents traités et ouvrages du XIIe au XXe siècle. Trois types de documents ont été utilisés :

• Les traités de peinture et livres de recettes anciens (datés entre le XIIe et le XVIIe siècle).

Des indications sur les modes de préparation des couleurs, pigments et liants y sont présentées. Cependant, elles se révèlent parfois peu accessibles pour quatre raisons :

(1) Une difficulté est liée au choix des recettes : trouver celle appropriée au but recherché. Tout d’abord, les traités anciens n’étaient pas spécialisés dans une technique ou même un art spécifique : le traité du moine Théophile par exemple regroupe la peinture, le travail du verre et du métal mais aussi divers conseils annexes (vernir les portes, par exemple...). D’autre part, aucune indication spécifique concernant une application en glacis n’a pu être définie. Nous avons donc regroupé les recettes de préparation des liants et vernis de manière générale. (2) Ces sources sont parfois imprécises : les quantités ou même la nature exacte des matériaux manquent souvent.

(3) Nous nous heurtons à des problèmes de terminologie qui a pu être considérablement modifiée au cours du temps. Suivant la localisation géographique ou l’époque, un même ingrédient pouvait avoir plusieurs synonymes. Par exemple, dans le traité de Filippo Buonanni, ‘Trattato sopra la vernice’, la sandaraque est appelée par son nom usuel italien

sandaracca mais aussi gomma persianna, ambra orientale et mastice persianna, ce qui peut

compte d’éventuels problèmes de copie, et la traduction a pu être faite par des personnes plus ou moins compétentes en la matière…

(4) Certaines recettes ont été tenues secrètes pour protéger les savoir-faire des ateliers, ou des additions ont été faites ultérieurement sur certaines.

D’après Max Doerner, seuls restent comme sources de confiance utiles pour le peintre, les traités de Théophile, Cennini, et de Mayerne (Figure 12), datant respectivement des XIIe, XVe et XVIIe siècles [Doerner, 1949].

Figure 12 : Extrait du manuscrit de Théodore Turquet de Mayerne « Pictoria Sculptura et quae

subalternum artium », 1620.

• Les traités plus récents du XIXe siècle, et début du XXe dont les auteurs sont à la recherche ‘des secrets des maîtres anciens’, proposent souvent une explication et une synthèse des traités anciens.

Mieux organisés, ils permettent d’accéder à des recettes plus facilement. Les recettes sont précises et plus faciles à reconstituer. Cependant, elles sont à prendre là aussi avec précaution,

mêmes textes que C. Eastlake 50 ans plus tôt, mais en nuance les conclusions, voire soutient une thèse opposée. Eastlake en effet tente de démontrer la nécessité d’ajouter des vernis dans la préparation des glacis [Eastlake, 1847], tandis que Laurie montre au contraire qu’une telle pratique n’est pas nécessaire. Max Doerner qualifie les ouvrages les plus récents de « moins

dignes de confiance » car ils « proposent très souvent de longues et douteuses dissertations esthétiques au lieu de conseils pratiques » [Doerner, 1949].

Parmi ces ouvrages nous nous sommes appuyés plus particulièrement sur les hypothèses de Jacques Maroger, directeur du laboratoire associé au Louvre dans les années 30, concernant l’évolution des liants de Van Eyck à Rubens et Velázquez [Maroger, 1986]. L’ouvrage de Mary P. Merrifield nous a aussi été particulièrement utile : celui-ci regroupe le texte original ainsi que sa traduction anglaise de manuscrits du XIIIe au XVIIe siècle [Merrifield, 1849].

• Enfin, les formulations de l’industrie moderne de peinture artistique et les

pratiques des copistes et artistes contemporains constituent une troisième source

d’informations.

Ces derniers cherchent souvent à s’inspirer des grands maîtres mais ont, eux, expérimenté les recettes ! Ils ajustent leur formulation en fonction des propriétés qu’ils souhaitent obtenir, utilisant rarement d’ailleurs les formulations industrielles plus complexes (même si inspirés des recettes anciennes et vendus en tant que tels).

Ces différentes sources se complètent et s’éclairent mutuellement. Ainsi c’est en regardant un peintre préparer et appliquer un glacis que l’on comprend la distinction liant/ médium. Cette distinction n’est pas du tout présente dans les textes anciens et il est rarement précisé si la préparation décrite est un liant pour broyer les couleurs, ou un médium qu’on ajoutera avec parcimonie à la peinture.

L’utilisation exacte des mélanges décrits est bien souvent absente de même que la proportion de pigment à ajouter au mélange. De ce fait, et malgré la grande diversité de recettes de liants, on ne trouve aucune recette de glacis indiquée comme telle. C’est pourquoi, des ouvrages plus récents ont essayé de regrouper des indices à partir des textes anciens, permettant de définir la composition des glacis. L’absence de recettes explicites de glacis peut surprendre :

il faut supposer,

• soit que cela paraissait évident à l’époque et se transmettait dans les ateliers par la pratique,

Nous ne pouvons cependant négliger une autre hypothèse. Il peut n’y avoir pas eu de recette générale s’appliquant aux glacis pour lesquels la formulation doive être choisie au cas par cas : les recettes peuvent être les mêmes que celles employées pour la peinture mais dans des proportions différentes, s’agissant des mêmes ingrédients utilisés de façon plus dilués. « Il n'y

a pas de recette pour réussir un glacis, c'est à force d'essais et d'expériences que vous trouverez les tons justes ; au début, vos premiers glacis provoqueront inévitablement des surprises ! » peut on lire parmi les conseils donnés dans un atelier de peinture.