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Analyse par fluorescence X : Principe et état de l’art

Chapitre V . Développement de l’analyse quantitative par fluorescence des rayons X

V.1 Principe de l’analyse par spectrométrie de fluorescence des rayons X

V.1.3 Analyse par fluorescence X : Principe et état de l’art

Il s’agit de l’identification des éléments présents dans l’échantillon.

La loi de Moseley nous indique que la position en énergie des pics est liée au numéro atomique de l’élément. Cependant, des raies d’éléments différents peuvent se superposer (la raie Kα du soufre et la Mα du plomb, par exemple) : il faut considérer l’ensemble des raies caractéristiques de l’élément pour conclure sur sa présence. Ainsi, la position des pics mais aussi les rapports d’intensité dans la série de pics doivent être utilisés.

Des pics parasites peuvent être sources d’incertitude : • pics dus à la diffraction ;

• pics d’empilement, correspondant à la détection de deux photons de même énergie, ou pics somme (deux photons d’énergies différentes);

• pic de diffusion Compton :

La fréquence du pic de diffusion Compton est donnée par

) cos 1 ( 1 2 0 ' θ υ υ υ − + = c m h h h

avec ν la fréquence des photons incidents, ν’ la fréquence des photons diffusés dans une direction faisant un angle θavec le faisceau incident.

Dans notre cas, θ= 90° par construction. Le tube à rayons X est à anode d’argent. On observe donc sur le spectre de fluorescence la raie Kα de l’argent à 22,16 keV, ainsi que sa raie de diffusion Compton à 21,27 keV.

On a vu précédemment que l’effet Compton est un phénomène de diffusion incohérente. Etant due aux électrons faiblement liés, elle est d'autant plus intense que le rayonnement primaire est plus énergétique et que les atomes sont légers (d’après l’expression des sections efficaces [Tertian, Claisse, 1982]). On obtient ainsi un certain nombre de renseignements sur l'échantillon, ce qui peut permettre des corrections pour l'analyse quantitative.

• pic d’échappement.

Cet effet se rencontre dans tous les détecteurs à ionisation. Il peut y avoir émission du rayonnement K des atomes du détecteur. Une partie des photons secondaires produits s’échappent sans être détectés, un élément étant relativement transparent à son propre rayonnement K. Leur énergie Ek est donc perdue pour la mesure. Tout se passe donc comme si on avait deux énergies de photons incidents : E et E-Ek. On observe donc le pic normal précédé d’un pic plus large, le pic d’échappement, de plus faible intensité, centré sur E-Ek.

Idéalement, la fluorescence X peut être utilisée pour tous les éléments sauf l’hydrogène et l’hélium. Cependant les tubes à rayons X utilisés couramment n’émettent que faiblement à basse énergie. De plus, l’analyse des éléments de numéro atomique inférieur à celui du silicium doit être effectuée sous flux d’hélium : l’air absorbe fortement les rayonnements d’énergie inférieure à 3 keV. En atmosphère d’hélium on peut alors détecter des rayons X de plus faible énergie, jusqu’à 1 keV environ.

V.1.3.b Analyse quantitative

L’analyse quantitative est la mesure des concentrations de chaque élément présent dans l’échantillon.

Nous avons vu que l’intensité des raies de fluorescence dépend de la concentration de l’élément, mais aussi de la composition de tout l’échantillon (correction due aux effets de matrice, principalement l’absorption). Il est nécessaire de prendre en compte ces effets inter

Deux types d’approche sont utilisés [Jenkins, 1999 ; Tertian et Claisse, 1982]:

• les méthodes comparatives, qui reposent sur une compensation expérimentale des effets de matrice.

Elles sont plus appropriées à des analyses partielles, permettant la détermination d’un ou deux éléments présents dans l’échantillon. Il est possible par exemple d’utiliser des standards internes (afin d’introduire une concentration connue de l’élément), ou de procéder par dilution des échantillons, afin de remonter à la concentration de l’un des éléments.

• les méthodes mathématiques, qui passent par la résolution d’un algorithme.

Il existe deux types de procédure : celle des paramètres fondamentaux et celle des coefficients d’influence (pour laquelle l’algorithme utilisé est plus simple).

Le principe de la méthode des coefficients d’influence est que les effets inter-éléments peuvent être représentés par des facteurs (les coefficients d’influence) qui, dans une gamme limitée de composition, expriment l’influence d’un élément sur l’intensité de fluorescence d’un autre élément. La détermination des coefficients d’influence permet ainsi de calculer les concentrations à partir des intensités de fluorescence, mais s’appuie sur l’utilisation d’une large variété de standards.

On s’affranchit de cette limitation par l’utilisation d’un algorithme intensité –concentration. Cette méthode des paramètres fondamentaux permet le calcul des rapports relatifs entre intensité et concentrations à partir des équations fondamentales, connaissant la géométrie du système (angles d’incidence et de sortie) et les conditions expérimentales (distance détecteur-échantillon, nature de l’anode, tension, épaisseur de la fenêtre de béryllium…). Le principe de la méthode des paramètres fondamentaux est de poser une hypothèse sur la composition de l’échantillon, de calculer les intensités de fluorescence à partir des équations fondamentales et de comparer avec les intensités mesurées. Des ajustements successifs de la composition sont faits jusqu’à obtenir une adéquation entre les intensités théoriques et celles mesurées.

La validité de cette méthode est désormais bien établie dans le cas d’un échantillon épais [Han, 2006]. Pratiquement, on utilise des algorithmes et on optimise par itération l’écart quadratique χ2 entre le modèle choisi et le spectre mesuré [Bevington, 1969].

Différents logiciels, développés en interne ou commerciaux, ont été mis au point et permettent la calibration des systèmes de fluorescence ainsi que les corrections des effets de matrice par les paramètres fondamentaux. Ces logiciels, tels qu’AXIL-QXAS [Nullens et Van Espen, 1984] le plus répandu, nécessitent en général l’utilisation de standards. Les analyses

quantitatives sont réalisées comparativement en posant que les standards ont des compositions similaires aux échantillons analysés [Pessanha, 2008].

Des efforts récents cependant ont été menés afin de réaliser des analyses sans utilisation systématique de références : lorsque l’instrumentation est parfaitement stable et bien caractérisée, tous les paramètres sont connus, ce qui permet une quantification sans références [Beckhoff, 2008]. Ainsi le logiciel PyMca dont le principe sera expliqué par la suite, permet, après une calibration complète du système, de s’affranchir de l’emploi des standards [Solé, 2007].

V.1.3.c Applications à l’analyse des peintures

Dans le cas des peintures, les objets considérés sont inhomogènes et présentent une structure en couche ce qui rend l’exploitation des résultats assez complexe. Les analyses de peintures réalisées par fluorescence X en routine au laboratoire sont essentiellement qualitatives.

Les rayons X pénètrent en effet en profondeur et traversent les premières couches (profondeur de sondage de quelques µm à quelques centaines de µm suivant la longueur d’onde de l’excitation). Seule la discrimination de la contribution des éléments provenant de telle ou telle couche peut permettre une analyse quantitative.

V.1.3.c.1 Analyse multicouche

L’une des possibilités pour l’analyse des peintures est l’utilisation d’une géométrie confocale13. Ce type de montage a été réalisé sur une ligne de synchrotron (Bessy, à Berlin), mais aussi dans le cas d’appareils de laboratoire, comme celui récemment acquis par le C2RMF en collaboration avec l’équipe de Birgit Kanngiesser (T.U. Berlin). De nombreux efforts sont menés pour parvenir dans cette géométrie à une analyse quantitative. Cependant les équations qui en découlent sont plus ardues puisqu’il faut prendre en compte uniquement un certain volume d’interaction, et considérer les absorptions de ce volume de matière et à l’intérieur de celui-ci. Un modèle analytique a été développé dans le cas du montage sur synchrotron [Mantouvalou, 2008 ; Smit, 2004] et permet d’atteindre une précision de 20 à 30 % dans la plupart des cas. Pour le modèle de laboratoire, pour lequel il s’agit d’un tube à

La limitation la plus importante de ces techniques pour nos applications, est leur résolution en profondeur : environ 25 µm sur synchrotron et 30 à 50 µm pour le montage de laboratoire. Il nous serait difficile de déplacer les œuvres à analyser jusqu’au synchrotron et l’utilisation de l’appareil 3D au laboratoire est limitée par cette résolution, en particulier pour les glacis et certaines couches de carnations et d’impression dont les épaisseurs sont bien inférieures.

L’autre possibilité est de faire une mesure avec un dispositif classique et d’utiliser la méthode des paramètres fondamentaux dans laquelle l’expression théorique de l’intensité de fluorescence est exprimée en fonction de la composition de l’échantillon, de l’épaisseur de la couche, des sections efficaces, et des coefficients d’absorption. La validité de cette méthode a été démontrée pour l’analyse d’échantillons simples et multicouches [Nygard, 2004], et récemment appliquée dans le cas d’une radiation monochromatique pour le traitement multicouche d’une peinture [Bonizzoni, 2007].

L’utilisation du logiciel PyMca nous a permis d’utiliser cette méthode pour une analyse multicouche des peintures étudiées.

V.1.3.c.2 Hétérogénéité

Nous avons observé, au chapitre précédent, que la taille des grains présents dans une couche de peinture est assez variable : elle est généralement inférieure à 1µm pour les couches les plus superficielles, et peut atteindre quelques dizaines de µm dans le cas des couches d’impression. Des simulations Monte-Carlo de l’intensité des raies de fluorescence en fonction de la taille des grains de pigments dans une peinture suggère que l’erreur introduite par ces inhomogénéités est faible et peut ne pas être prise en compte tant que la taille des grains ne dépasse pas 5 µm [Mantler, 2000].

V.1.3.c.3 Dégâts

Le développement des appareils de fluorescence X portables permet des analyses in-situ sans prélèvement. Un aspect important dans l’étude qui nous occupe est la non destructivité de la technique utilisée pour l’analyse des peintures.

Des dommages sont observés lorsque l’état chimique des atomes (ou leur arrangement cristallin) dans l’échantillon est altéré par la radiation incidente. Ce processus est cumulatif et ses effets sont globalement fonction du flux de photons, du temps et de l’énergie des particules incidentes (en d’autres termes, de la dose de radiations absorbées). Mantler dans

existe pour toute autre radiation électromagnétique intense particulièrement la lumière visible et UV. L’effet le plus courant d’une dose de radiation trop élevée est un noircissement temporaire ou permanent de la zone irradiée. Les matériaux organiques étant les plus sensibles à ce type d’effets.

Cependant, à des puissances comparables à celles que nous avons utilisées (4 W), et pour les temps d’acquisition courants (de quelques secondes à une dizaine de minutes), aucun effet de radiation n’a été observé (sur l’ensemble des expériences menées dans le domaine depuis une dizaine d’années) [Hocquet, 2008 ; Vittiglio, 2004 ; Moioli, 2000]. Lors des analyses réalisées au cours de cette thèse, de la même façon, aucun effet n’a été constaté sur l’ensemble des peintures ou échantillons ‘tests’.

V.2 Instrumentation

V.2.1 Production et détection des rayons X