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Un certain nombre de recherches ont déjà été réalisées sur le CESAME. De qui émanent-elles ? De quoi sont-elles imprégnées ? Quelles sont les périodes envisagées ? Outre ces travaux, nous avons utilisé comme sources premières les procès-verbaux des délibérations du conseil général, de la commission de surveillance et les rapports médicaux et administratifs. Quelles sont leurs spécificités, leurs limites ? Pour la partie la plus contemporaine, nous avons travaillé à partir de la source orale. Y a-t-il des recherches similaires ?

Cette recherche fait suite à des travaux historiques réalisés sur le Centre de Santé Mentale Angevin (CESAME) dans les années 1980-1990. Ils portent essentiellement sur le XIXe et sont marqués du sceau foucaldien. On citera l’article de l’historien Jacques-Guy Petit qui porte sur la situation des fous dans le département de Maine-et-Loire avant la création de l’asile246, le mémoire de maitrise d’histoire de Dominique Neau qui aborde la vie asilaire au XIXe siècle247, mais aussi un mémoire pour le Certificat d’Etudes Spéciales de psychiatrie de Franck Barroin qui porte sur l’évolution architecturale de l’institution au XIXe siècle248. On mentionnera aussi une synthèse réalisée par Jean Sauvage alors président de la commission de surveillance249, une brochure plus récente du groupe historique de l’hôpital pour accompagner une exposition intitulée Moi Hippolyte, Eugénie… et les autres250, et, dans une moindre mesure, une thèse de médecine, celle de Jacques Rouillaud, plus ancienne et plus sommaire, qui porte sur les XIXe et XXe siècles251.

246 Jacques-Guy Petit, « Folie, langage, pouvoirs en Maine-et-Loire (1800-1841) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, Tome XXVII, octobre-décembre 1980.

247 Dominique Neau, La censure du fou. L’asile psychiatrique de Sainte-Gemmes-sur-Loire (1844-1868), op. cit.

248 François Barroin, Unasile d’aliénés au XIXe siècle. Architecture et Histoire. Sainte-Gemmes-sur-Loire, op. cit.

249Centre psychothérapique départementale de Sainte-Gemmes-sur-Loire. 1843-1973, de la commission de surveillance au conseil d’administration, de l’asile d’aliénés au centre psychothérapique. 130 ans d’assistance psychiatrique en Maine-et-Loire, 1973.

250Moi Hippolyte, Eugénie… et les autres. De l’insensé à l’aliéné en Anjou (1800-1854), Angers, Setig Angers, 2005.

251 Jacques Rouillaud, Sur l’histoire de l’hôpital de Sainte-Gemmes-sur-Loire, Thèse pour le doctorat en médecine, Faculté de médecin de Paris, 1963.

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Pour cette étude, la source essentielle est le registre des procès-verbaux des délibérations du conseil général de Maine-et-Loire. Deux collections papier sont disponibles pour la période qui va jusqu’à la fin des années 1960 : une aux archives départementales de Maine-et-Loire (Série 1N) et une à la bibliothèque universitaire Saint-Serge d’Angers (BUA, JP43). Depuis 2010, la collection des archives départementales est numérisée et accessible en ligne. Ce registre permet de croiser plusieurs types de documents : en premier lieu le rapport médical de l’asile/hôpital psychiatrique et le compte moral, administratif et financier, qui sont envoyés par le directeur au préfet chaque année. Le rapport médical contient le bilan du service du médecin directeur et des médecins chefs. Il est illustré par de nombreuses statistiques. Les comptes administratifs et financiers présentent les aspects comptables. Ce dernier intitulé, entre 1910 et 1951, compte moral, administratif et financier, devient en 1952, rapport de fonctionnement. Ces documents nous ont permis de réaliser des outils statistiques sur la longue durée, même si des changements de présentation court-circuitent parfois les analyses. Ces documents sont aussi conservés aux archives médicales du CESAME dans la série administration générale (L). Les registres de délibérations contiennent aussi les rapports du préfet, de l’architecte départemental, ainsi que celui de l’inspecteur de l’assistance publique et les travaux de la deuxième commission spécifique (bâtiments et mobiliers départementaux – enfants assistés, - aliénés) qui prépare et alimente les délibérations du conseil général sur l’asile/hôpital psychiatrique. En recoupant ses documents, nous avons pu suivre des processus décisionnels, plutôt budgétaires, reconstituer le jeu et les manœuvres des différents acteurs (préfet, conseil général, médecin-directeur, commission de surveillance), et mieux saisir l’arrière plan.

L’autre document clé est le registre, conservé au CESAME, des procès verbaux des délibérations de la commission de surveillance qui assure, avec le médecin directeur, la cotutelle de l’asile/hôpital psychiatrique. En 1972, cet organisme sera remplacé par un conseil d’administration et un registre ad hoc. Dans ce document formel sont consignées les problématiques quotidiennes de l’établissement. Les derniers registres, qui vont de 1971 à 1977, que nous avions consultés dans la phase exploratoire, n’ont pas pu être utilisés pour la recherche finale.

De nombreuses « sources brutes » des archives du CESAME contenues dans les série Q (population), R (Archives médicales), K (Personnel), Z (Divers), M (Financement) sont venues compléter ponctuellement nos recherches. Parmi ces documents, dont la consultation a été le plus souvent obtenue sur dérogation des Archives de France, on citera particulièrement le livre des décès pour les années 1939-1945 (Q 312-315) avec lequel nous avons réalisé un outil statistique à plusieurs entrées252,

252 Le livre des décès est un matériau intéressant pour dresser un outil statistique car il est complété par les médecins au fur et à mesure. Pour réaliser cette étude, nous avons entré dans un tableau Excel les 2406 malades décédés entre le 1er janvier 1939 et le 31 décembre 1945 (En 1941 nous avons constaté 2 personnes de plus que celles déclarées dans les rapports médicaux). Nous avons répertorié, pour chacun, son sexe, son âge, son département de naissance, sa domiciliation ou provenance avant son internement, ce qui permet entre autres de mettre en évidence la mortalité des réfugiés. Nous avons aussi collecté la date d’arrivée du malade dans l’institution et sa date de

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un livre des médicaments (R 22), des affiches de théâtre (Z 4), un répertoire des sanctions pour les années 1934-1976 (R 21), le conseil de discipline (R 22). On saluera ici l’importance du récolement réalisé par Eve Jullien en 2006 sur les archives administratives jusqu’alors éparses253. Nous avons aussi utilisé des plans conservés dans la série « Alpha » aux archives départementales et des photographies exposées au musée du CESAME. Le corpus réglementaire (notamment les règlements types de 1857 et 1938) et législatif relatif à la psychiatrie (lois, circulaires et décrets) complète l’approche archivistique. Outre la série J des archives du CESAME, nous avons consulté les collections des revues de psychiatrie (L’Information psychiatrique, L’Evolution psychiatrique, etc.) qui publient les textes clés, nous avons complété notre corpus grâce à la documentaliste du centre de documentation du CESAME, Béatrice Château, et le réseau Ascodocpsy, un réseau spécifique aux institutions psychiatriques qui nous a permis de retrouver les textes manquants.

Pour la période la plus récente, nous avons aussi utilisé la source orale, qui jusqu’ici a été peu utilisée en histoire de la psychiatrie. Grâce au réseau relationnel, une personne donne le nom d’une personne, nous avons pu rencontrer une vingtaine d’acteurs anciens et contemporains de l’institution. Une relation de confiance nous a permis, avec plusieurs personnes, de mener à bien une quarantaine d’entretiens sur une période de plusieurs années. Ces entretiens que l’on qualifiera de « compréhensifs »,254 étaient réalisés soit au CESAME, soit au domicile de la personne. La méthode utilisée était semi directive, avec une grille de questions thématiques souple. La plupart des entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Parmi ceux-ci, quelques-uns ont été réalisés dans le cadre d’une recherche sur le genre par un groupe de recherche transdisciplinaire 2H2S, et un a été réalisé conjointement avec une doctorante en sociologie de l’EHESS, Anne Lacoste. Les entretiens ont été utilisés soit de manière exploratoire, soit de manière illustrative. Au travers de cette démarche, nous avons pu rencontrer, à la maison de retraite de Sainte-Gemmes, une ancienne infirmière qui était entrée dans l’hôpital en 1936, mais aussi avoir la chance de nous entretenir avec de grandes figures de la psychiatrie comme Jean Ayme décédé récemment255 et Pierre Delion. Nous déplorons l’absence d’entretien avec une personne hospitalisée. L’âge, la maladie, le lieu encore frappé d’infamie dans les années 1970 ont vraisemblablement fait obstacle à cette rencontre. Dans certains cas, nous avons pu accéder à des archives privées (Jean Ayme, Raymond Pourias). Notre travail a été complété par l’étude systématique des mémoires de psychiatrie que l’on trouve soit à la bibliothèque universitaire du CHU d’Angers soit au centre de documentation du CESAME. Les nombreux travaux sur la psychothérapie

décès, ce qui nous permet d’avoir la durée de son séjour. Le jour du décès donne à voir la mortalité par mois, par jour et permet d’observer les pics de surmortalité.

253 Eve Jullien, Le centre de santé mentale angevin, master professionnel, Université d’Angers, 2006.

254 Concernant l’entretien compréhensif Cf. Jean-Claude Kaufmann, L’entretien compréhensif, Paris, Nathan, 2006. 255 Elisabeth Roudinesco, « Psychiatre, psychanalyste », Jean Ayme, Le Monde, samedi 16 avril 2011, p. 25.

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institutionnelle et la sectorisation, qui ont particulièrement stimulé les internes à la fin des années 1960 et au début des années 1980, ont attiré notre attention256.

Le dépouillement des périodiques spécialisés nous a aussi donné des témoignages précieux pour analyser une pratique (psychothérapie institutionnelle, sectorisation, etc.). La presse a été utilisée en appoint, la découverte des articles étant souvent le fruit du hasard, à l’exception d’événements datés comme les grèves. Enfin, et afin de mettre en perspective cette recherche, nous avons utilisé des ouvrages et des articles dans différentes disciplines. Pour ce faire, nous avons utilisé les sites documentaires comme Cairn, Revues.org et Persée. Les sondages effectués dans les dossiers médicaux se sont révélés décevants pour notre problématique. A titre comparatif, les monographies historiques sur la période, et notamment au delà de 1945, faisant encore défaut, nous n’avons pu utiliser que la thèse d’histoire de Samuel Odier qui a étudié l’asile du Vinatier et de Saint-Egrève, dont la chronologie s’arrête dans les années 1950257 et le DEA d’Elise Gatesoupe qui s’aventure dans le temps présent258.