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D / Modernisation et hygiène

1.3. L’idée du chauffage central jugée inopportune (1912)

En avril 1912, sur les 100 000 F consacrés aux pavillons des agitées, il reste un reliquat de 16 269 F739. L’architecte propose deux projets de chauffage pour les malades. Le premier comprend l’installation d’un calorifère à vapeur à basse pression dans les onze cellules, la galerie du rez-de-chaussée et le dortoir au premier étage du pavillon des agitées, et l’autre une extension du chauffage à un réfectoire et

730 AD49, 1N, Conseil général, 1913, Rapport du directeur-médecin en chef pour l’année 1912, p. 279.

731 AD49, 1N, Rapport du préfet et procès-verbaux du conseil général, 1912, Rapport de M. le directeur médecin en chef pour l’année 1911, p. 337.

732 AC49, 1N, Conseil général 1913, Rapport de M. le directeur-médecin en chef pour l’année 1912, p. 279. 733 AD49, Conseil général, 1913, Rapport du directeur-médecin, 1912, p. 279.

734 AD49, 1N, Conseil général, 1912, Rapport du directeur médecin, 1911, p. 337. 735Id.

736Id.

737 AD49, 1N, Rapport de l’architecte départemental, Monsieur Dussauze, le 2 avril 1912, p. 5. 738 AD49, 1N, Conseil général, 1911, Rapport du directeur médecin-chef, p. 238.

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plusieurs dortoirs des femmes, voisins des agitées740. Ces derniers bâtiments, qualifiés « d’insuffisamment chauffés » par l’architecte, le sont par des poêles isolés utilisant du charbon de terre741.Il s’agit d’obtenir, dans les deux cas, une température de 15° lorsque la température est de – 5° C à l’extérieure. Dans le premier cas 130 kg de charbon seront nécessaires par vingt-quatre heures, dans le second 300 kg742. Ce projet est couplé à la mise en place d’un chauffage central dans le château. La deuxième commission considère que le projet d’extension du chauffage du pavillon des agitées n’est pas justifié, au motif que la différence de 20 °C entre les températures intérieures et extérieures n’est pas nécessaire dans nos régions743. Elle poursuit : « Il peut être nécessaire de chauffer davantage le pavillon où les malades ont à se dévêtir [agitées] ; mais cette température n’est pas nécessaire dans les [autres] dortoirs744. » L’idée du confort au début du siècle n’est pas la nôtre. D’autre part, alors qu’un remaniement des ailes est projeté, le chauffage est jugé inopportun745. Outre les travaux réalisés au sein de l’asile, une attention particulière est donnée à l’hygiène.

2. L’hygiène : l’eau, les couchages, les tinettes et un service de désinfection

En 1909, dans son rapport, l’inspecteur général des asiles critique vivement les conditions d’hygiène de l’asile, notamment la qualité de l’eau, l’usage des tinettes, le couchage des gâteux et l’absence d’appareil de désinfection746. Dans une lettre au préfet, le ministre de l’Intérieur fait pression sur celui-ci pour intervenir « de la façon la plus pressante devant l’assemblée départementale dans l’intérêt des malades747 ». Les quelques éléments qui suivent donne une idée de l’hygiène dans laquelle vivent les malades.

2.1. Le problème de l’eau potable

Depuis 1860, le problème de l’eau potable et ses conséquences sanitaires sont récurrents dans l’asile748. Entre août et décembre 1897749, une centaine de personnes sont touchées par « une épidémie grave de myélite infectieuse750 ». Les symptômes se caractérisent par des œdèmes, des troubles digestifs tels que des vomissements et diarrhées et parfois des hoquets, mais aussi des troubles du système nerveux avec

740 AD49, 1N, Rapport de l’architecte départemental, Dussauze, le 3 avril 1912, p. 280. 741Id.

742Id.

743 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Quartier des femmes, pavillons des agitées, installation du chauffage », séance du 18 avril 1912, p. 490.

744Id. 745Ibid., p. 491.

746 AC, L 43, Commentaires du Dr Baruk sur le rapport du l’inspecteur général Bruno pour l’année 1910. 747 AC, J 3, Lettre du Ministre au préfet de Maine-et-Loire, le 22 juillet 1909.

748 AC, L 43, Commentaires du Dr Baruk sur le rapport du l’inspecteur général Bruno pour l’année 1910. 749 AD49, 1N, Conseil général, 1898, Rapport médical, 1897, p. 433.

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notamment des faiblesses dans les membres inférieurs : « les jambes et les pieds étaient déformés, plus maintenus ; ils flottaient au hasard dans le vide comme des jambes de laine751. » Les malades se plaignent de douleurs dans les reins, la ceinture, sur les côtés et de constrictions dans la poitrine752. Voyant dans ces signes une maladie de la moelle épinière, le Dr Petrucci diagnostique une myélite infectieuse753. En octobre 1897, devant la commission de surveillance, il évoque 17 morts754. Après analyse auprès du laboratoire de bactériologie d’Angers, la mauvaise qualité de l’eau de l’Authion puisée par une machine élévatoire, ainsi que l’encombrement, sont incriminés755. Aussitôt, le Dr Pettrucci ordonne que l’eau de la machine soit dévolue exclusivement à la buanderie, l’hydrothérapie et l’arrosage. Pour le reste, l’alimentaire, il demande d’utiliser la conduite d’eau des Ponts-de-Cé756 (Angers). En septembre 1898, une épidémie de dysenterie touche 101 malades (54 hommes et 47 femmes) : 18 décèdent. Un infirmier en meurt757. Une hypothèse est soulevée : l’Authion ne serait pas « le seul véhicule de matière infectieuse758 ». Les égouts de la buanderie, du dépotoir de la paille des gâteux, des animaux et de la porcherie s’égoutteraient en amont de la galerie filtrante. Après une visite de la commission de surveillance sur le terrain, cette hypothèse est repoussée, mais elle donne une idée de l’hygiène et de l’état sanitaire de l’asile759.

En 1910, le problème persiste : 2 cas de dysenterie et 4 cas de typhoïde sont répertoriés. Le Dr Baruk opère deux mises au point. D’une part, si l’origine hydrique n’est pas douteuse, il disculpe l’incidence de l’encombrement qu’il considère comme une cause adjuvante, secondaire760. D’autre part, il fait une distinction entre la myélite éradiquée depuis 13 ans – sans doute avec l’abandon de l’utilisation de l’eau de l’Authion - et l’épidémie de dysenterie et fièvre typhoïde qui se manifestent chaque année, soit simultanément soit successivement761.

A cette date, les deux approvisionnements en eau coexistent toujours : le service des eaux d’Angers achemine l’eau des Ponts-de-Cé par une canalisation spéciale, et par ailleurs une pompe à vapeur installée à l’asile prend l’eau dans la Loire après l’embouchure de l’Authion. Cette eau, souillée notamment par le rouissage du chanvre, est impropre à l’alimentation762. Seulement, le Dr Baruk précise que ces eaux qui ne devraient servir qu’à l’arrosage et aux usages domestiques, pour des raisons

751 AD49, 1N, Conseil général, 1898, Rapport médical, 1897, p. 438. 752Id.

753Id.

754 AC, L 12, Procès-verbaux des délibérations de la commission de surveillance, « Communication de M. le directeur sur une épidémie de myélite sévissant à l’asile », séance du 27 octobre 1897, non paginé.

755Id.

756Id.

757 AC, L 13, Procès-verbaux des délibérations de commission de surveillance, « Epidémie de dysenterie », séance du 10 octobre 1898, p. 3.

758 AC, L 13, Procès-verbaux des délibérations de la commission de surveillance, « Service des eaux de l’asile », séance du 20 juin 1899, p. 21.

759Id.

760 AC, L 43, Commentaires fait par Dr Baruk en 1911 sur le rapport de l’inspecteur général Brunot daté de 1910, non paginé. 761Id.

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économiques, ont été utilisées pour l’alimentation763. Si, comme le souligne le Dr Baruk, des efforts ont été faits par son prédécesseur, le Dr Dubourdieu : isolation des canalisations, fermeture à clef des robinets d’eau de l’Authion et augmentation du nombre des robinets d’eau de Loire, le problème demeure néanmoins764.

D’autre part, malgré l’utilisation d’un filtre Chamberland765, l’eau de Loire n’est pas non plus de bonne qualité pour la consommation766. Une analyse réalisée 1907 révélait : « L’eau de Loire filtrée est de qualité très médiocre, à peine améliorée après sa filtration ; les eaux de Loire (eau potable d’Angers) et du puits de la cour, de la cuisine sont souillées par des infiltrations d’eaux superficielles. Le problème est donc, comme nous le signalions déjà l’an dernier, très complexe et les bons résultats de cette année ne doivent pas nous donner une confiance exagérée dans l’avenir, tant qu’on n’aura pas remédié radicalement et efficacement à l’impureté des eaux d’alimentation de l’asile767. »

A son arrivée, le Dr Baruk favorise l’usage de l’eau de Loire à la cuisine pour le lavage des légumes768 ; mais préconise « la distribution systématique d’eau bouillie769 » pour la boisson.

En 1911, il est optimiste : la maladie semble « enrayée770 ». Cependant, il met en garde sur l’incidence financière de cette pratique : « Sans doute toutes ces transformations ont augmenté notablement la consommation d’eau de Loire et par conséquent la dépense afférente à ce crédit. Jusqu’ici la répercussion ne s’en est pas fait sentir sur le budget parce que l’ancien compteur installé sur la canalisation des Ponts-de-Cé était abîmé et ne permettait pas au service des eaux de se rendre compte de la quantité consommée. Mais depuis un mois qu’un nouveau compteur a été placé on s’aperçoit déjà de la différence771. » Et afin de couper court à tout critique : « Cependant, je ne regrette rien et je ne crois pas qu’il puisse venir à l’esprit de personne de me reprocher d’avoir fait passer les considérations budgétaires après le souci de l’état sanitaire772. »

La même année, malgré les différentes précautions, la dysenterie et les diarrhées frappent plus que les autres années. Alors qu’il y avait eu 2 cas de dysenterie, 12 de diarrhée et 4 de fièvre typhoïde en 1910, en 1911, il y a 34 cas de dysenterie, 36 de diarrhée et 12 de fièvre typhoïde. Et alors qu’aucun cas de mortalité n’était à déplorer en 1910, 11 malades meurent de dysenterie, 2 de typhoïde et 1 de diarrhée en 1911. Le Dr Baruk pense qu’il ne faut pas incriminer « les conditions hygiéniques auxquelles sont

763 AC, L 43, Commentaires fait par Dr Baruk en 1911 sur le rapport de l’inspecteur général Brunot daté de 1910, non paginé. 764Id.

765 Charles Chamberlant, agrégé de physique, intègre le laboratoire de Pasteur rue de Ulm en 1875. Il est à l’origine de l’étuve, l’autoclave Chamberland, et un filtre (en porcelaine) pour assainir l’eau et protéger le buveur contre la typhoïde. Cf. Janice Trotereau, Pasteur, Paris, Gallimard, 2008, p. 204-2005.

766 AC, L 43, Commentaires fait par Dr Baruk en 1911 sur le rapport de l’inspecteur général Brunot daté de 1910, non paginé. 767 AC, L 36, Rapport médical, 1907, non paginé.

768 AC, L 43, Commentaires fait par Dr Baruk en 1911 sur le rapport de l’inspecteur général Brunot daté de 1910, non paginé. 769 AC, L 36 bis, Compte administratif et rapport médical, 1910, p. 5.

770Id.

771 AC, L 43, Commentaires fait par Dr Baruk en 1911 sur le rapport de l’inspecteur général Brunot daté de 1910, non paginé. 772Id.

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soumis les malades » mais « la situation de l’asile »773. Une relation est faite entre la sécheresse et la recrudescence des affections intestinales comme « Chaque fois que, grâce à la sécheresse, le niveau de la Loire s’abaisse, laissant à découvert une grande étendue de son lit avec de place en place des flaques d’eau stagnante dont les émanations vicient l’atmosphère774 ». Il ajoute l’action de l’écoulement des égouts de l’asile sur le lit desséché « qui augmente la nocivité775 ». En 1912, les dysenteries et typhoïdes sont plus rares que les années antérieures776. Il y a eu 6 cas de dysenterie et 4 cas de typhoïde mais le taux de mortalité reste très fort avec 5 décès par dysenterie et 1 décès par la fièvre typhoïde777. Malgré les précautions utilisées : « les malades ne font usage que de l’eau soigneusement bouillie, et les robinets d’eau non potable sont munis de clés confiées à la garde des chefs de quartier778. » Le Dr Baruk avoue son impuissance : « Comment empêcher un malade d’ingurgiter quelques gorgées d’eau dans un bain et comment, surtout, au cours des chaleurs de l’été, empêcher les malades employés aux jardins, de boire une certaine quantité d’eau d’arrosage779 ? » En 1913, encore 2 décès par dysenterie et un par fièvre typhoïde sont recensés780. Le couchage des malades pose aussi problème.

2.2. Le couchage : le remplacement des paillasses et des « barcos »

Dans son rapport de 1910, l’inspecteur général parle de paillasses infectées de vermines781. Le Dr Baruk se défend d’avoir vu des insectes mais reconnaît la nécessité de substituer aux paillasses des sommiers à lames d’acier782. Déjà en 1906, le Dr Dubourdieu désirait, pour l’hygiène, augmenter le nombre de sommiers afin de remplacer les paillasses « remplies de punaises783 ». En 1910, si le travail de substitution a commencé, l’inspecteur ne constate que 300 sommiers, les crédits manquent784. En 1911, le nombre des sommiers pour les malades propres est porté à 499, mais le Dr Baruk estime le temps du remplacement des 688 paillasses restantes à plusieurs années785. Il suggère, pour hâter le remplacement, la fabrication sur place. Il prévoit ainsi, dans le budget additionnel, l’achat de 75 sommiers élastiques786. Tout autre est le problème des « barcos » pour les « gâteux ». Ce type de lit consiste en une caisse en bois contenant de la paille sur lequel un drap est appliqué787. Voici comme le Dr Baruk les décrit : « On

773 AD49, 1N, Conseil général, 1912, Rapport du directeur médecin-chef, 1911, p. 311. 774Id.

775Id.

776Id.

777Id.

778 AD49, 1N, Conseil général, 1913, Rapport du directeur médecin-chef, 1912, p. 341. 779Id.

780 AD49, 1N, Conseil général, 1914, Rapport du directeur médecin-chef, 1913, p. 328.

781 AC, L 43, Commentaires du Dr Baruk sur le rapport de l’inspecteur général Brunot pour l’année 1910. 782Id.

783 AC, L 36, Compte moral et administratif, 1906, non paginé.

784 AC, L 43, Commentaires du Dr Baruk sur le rapport de l’inspecteur général Brunot pour l’année 1910. 785Id.

786 AC, L 36 bis, Compte administratif et rapport médical, 1910, non paginé.

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se rend compte des multiples inconvénients d’un tel mode de couchage, pour des malades désordonnés et malpropres. Au moindre mouvement, le drap est dérangé et le malade se trouve, en réalité, directement posé, pour ne pas dire plongé dans la paille, dont les brins, plus ou moins durs, pénètrent dans les orifices naturels, labourent les plaies des escarres si fréquentes chez ces malades et sont causes de toutes sortes d’infections. En outre, les parois de bois qui bordent, de chaque côté, la paille ne tardent pas à se trouver imprégnés des urines et des matières fécales et il est impossible, en raison même de la matière dont elles sont composées, de songer à les nettoyer sérieusement788. »

En 1910, le Dr Baruk demande l’autorisation à la commission de surveillance d’acheter à titre de spécimen deux lits de gâteux789. En raison du prix, le remplacement des lits se fera progressivement. Le Dr Baruk, dans l’immédiat, prévoit au budget additionnel l’achat de 10 lits, soit une valeur de 1420 F790. « Ces lits entièrement métalliques sont pourvus de sommiers en acier. Sur le sommier se posent trois petits matelas qui se touchent par leurs extrémités. Les deux extrêmes, celui de la tête et celui des pieds, sont des matelas ordinaires. Celui du milieu, le seul susceptible d’être souillé, est bourré de paille. Le tout est recouvert de drap comme un lit ordinaire. Les déjections liquides traversant la paillasse du milieu passent entre les lames d’acier du sommier et sont dirigées par une cuvette en tôle galvanisée dans un vase en fer battu, coulissé au dessous du lit. Il suffit de changer, tous les jours, la paillasse du milieu et de désinfecter, de temps en temps, les parois métalliques du lit, pour éviter tous les inconvénients des barcos actuels. L’entretien de ces lits est même moins coûteux, puisqu’ils ne nécessitent que le renouvellement d’une quantité de paille trois fois moindre que celle qu’il nous faut actuellement791. »

2.3. La vidange : « les tinettes »

En 1910, chaque matin, le contenu des tinettes est versé dans des fosses creusées dans le schiste ardoisier à l’extrémité ouest du champ dit de la Garenne. Après un séjour plus ou moins prolongé, durant lequel les matières fermentent, elles sont transportées sur les terrains de cultures où elles servent d’engrais792. La fermentation, les odeurs qui se dégagent et le double transport sont déplorés793. Le tout-à-l’égout est repoussé pour des raisons techniques et financières, l’épandage et la fosse septique sont inapplicables en raison de la surface requise794. L’évacuation par la société des vidanges d’Angers, suggérée par l’inspecteur général, suppose la création de fosses étanches dans tous les bâtiments et leur

788 AC, L 36 bis, Compte administratif et rapport médical, 1910, p. 9.

789 AC, L 13, Procès-verbaux des délibérations de la commission de surveillance, « Achats de lits », séance du 15 novembre 1910, p. 362. 790 AC, L 36 bis, Compte administratif et rapport médical, 1910, p. 9.

791Id.

792Ibid., p. 11. 793Id.

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évacuation fréquente, est repoussée pour des raisons financières795. Le Dr Baruk suggère l’enfouissement796. En 1911, il est mis en application : « Tous les matins, une tranchée profonde est donc creusée dans la parcelle du terrain choisi. Le contenu des tinettes y est versé et immédiatement recouvert de terre. Le résultat que nous avons obtenu est des plus satisfaisants, nous avons pu faire disparaître les odeurs infectes qui se dégageaient des anciennes fosses et éloigner les mouches qui transportaient les maladies contagieuses tout en utilisant pour la culture un engrais éminemment précieux797. » Ce système, que le Dr Baruk avait appliqué à Alençon, nécessite des petits chariots en fonte pour transporter les tinettes798.

2.4. Un service de désinfection

En 1909, l’inspecteur général avait aussi relevé l’absence d’appareil de désinfection en cas de maladie contagieuse799. L’hôpital dispose seulement d’une lessiveuse pour faire bouillir le linge contaminé et d’un vieux pulvérisateur pour la désinfection des surfaces800. Le Dr Baruk reconnaît qu’il : « est incontestable que ce sont là des moyens insuffisants pour un grand établissement hospitalier801. » Il suggère l’achat d’une petite étuve à formol pour la désinfection des surfaces802. En 1911 un service de désinfection est organisé. Une petite étuve à formol et un appareil Hoton sont installés dans un local construit dans le jardin par la main d’œuvre de l’asile803. Des « sacs de toiles imperméables » sont réalisés afin de transporter les « objets de literie » et les vêtements « de façon à éviter la propagation des maladies infectieuses »804. C’est un petit pas effectué dans le sens d’une asepsie du lieu.

Conclusion

Au début du XXe siècle l’asile de Sainte-Gemmes apparaît comme un lieu de relégation, d’exclusion pour une population « aliénée », indigente dont on ne sait que faire. Un lieu d’absorption sociale, encombré, dans lequel l’opération thérapeutique est difficile.

A l’exception des médecins et des internes, le personnel n’a qu’une fonction de gardiennage. Ils n’a pas de formation, l’accent est mis sur sa moralité. « Internalisé », sous-payé et sans avantages sociaux, une partie du personnel est frustre et volatil.

795 AC, L 43, Commentaires du Dr Baruk sur le rapport de l’inspecteur général Brunot pour l’année 1910. 796 AC, L 36 bis, Rapport à l’appui du compte administratif et rapport médical, 1910, p. 11.

797 AD49, 1N, Conseil général, 1912, Rapport du directeur médecin-chef, 1911, p. 239.

798 AC, L 14, Procès-verbaux des délibérations de la commission de surveillance, « Service des vidanges », séance du 16 mai 1911, p. 23. 799 AC, L 36 bis, Compte administratif et rapport médical, 1910, p. 9

800Id.

801Id.

802Id.

803 AD49, 1N, Conseil général, 1912, Rapport du directeur médecin-chef, 1911, p. 239. 804Id.

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Dans l’étroite dépendance financière du conseil général et des communes, via la fixation du prix de journées des indigents, c’est une institution en équilibre précaire. Le partage de la prise en charge de l’indigence donne lieu à des combats épiques entre le conseil général et les principales communes. En 1914, à défaut d’augmenter le prix de journée, le conseil général multiplie les subventions. Comment l’asile va-t-il rembourser ces avances ?

Dans ce contexte, la stratégie de survie de l’institution consiste à limiter ses entrées en refoulant les aliénés non dangereux ou accélérer les sorties des bien-portants. Sans moyens, les bâtiments sont inadaptés au nombre grandissant des aliénés et l’hygiène y est déplorable.

Dès son arrivée, le Dr Baruk apparaît comme un médecin-directeur innovant et animé d’une volonté d’infléchir les choses. Sa première démarche consiste à séparer les aliénées susceptibles d’être soignés des autres. Il s’agit de favoriser l’opération thérapeutique afin d’accentuer les sorties et ainsi limiter l’encombrement. Alors que les pensionnaires diminuent, dans une stratégie apparemment plus pragmatique que philanthropique et médicale, le Dr Baruk réamorce le placement volontaire gratuit. Le Dr Baruk revalorise ensuite les conditions d’existence du personnel pour capter et retenir les plus