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B / Inflation, problèmes budgétaires et recrutement (1919-1927)

3.4. Des solutions pour améliorer les finances

a. Une augmentation du prix de journée et une indexation au coût de la vie

En 1926, le préfet, jugeant la situation financière de l’asile difficile, demande une nouvelle augmentation des pensions1561. A cette date, le budget additionnel fait apparaître un excédent de recette de 10 087 F. Ce résultat a été obtenu en supprimant momentanément les 50 000 F en vue de l’acquisition du terrain des Grillers1562. Le projet est à nouveau reconduit. L’insuffisance des revenus conduit, dans l’immédiat, à reporter le remboursement de la dette au département qui est encore de 101 102 F1563. L’inflation persiste. Pour l’illustrer, le rapporteur prend l’exemple de la farine1564. Dans le budget primitif de 1926, elle avait été prévue à 170 F le quintal et elle est approvisionnée jusqu’au 1er novembre. Il précise que

1552 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Compte administratif de 1925 », séance du 24 septembre 1926, p. 235. 1553Id. 1554Id. 1555Id. 1556Ibid., p. 236. 1557Ibid., p. 237. 1558Id. 1559Id. 1560Ibid., p. 238.

1561 BUA, JP43, Conseil général 1926, Rapports du préfet (Août), p. 189.

1562 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1926 », séance du 24 septembre 1926, p. 240. 1563Id.

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l’asile consomme 200 quintaux par mois1565. Or, en septembre, la farine est cotée à 320 F le quintal1566 : pour finir l’année, l’asile qui a besoin de 400 quintaux devra débourser 320 F au lieu des 170 F prévus1567. Les crédits inscrits au budget primitif et au budget additionnel sont de 509 000 F, la dépense s’est élevée jusqu’alors à 480 586 F. Il reste donc 28 414 F. L’achat des 400 quintaux de farine nécessaires pour terminer l’année produira une dépense de 128 000 F et donc un déficit de 100 000 F1568. Le déficit sera de 31 794 F pour la viande et 45 247 F pour le charbon1569. Pour ces trois postes budgétaires, le déficit se monte à 200 000 F1570. Le rapporteur, en accord avec la deuxième commission, somme le conseil général de prendre immédiatement les mesures nécessaires1571. Il met en garde : « si vous hésitez à prendre immédiatement les mesures nécessaires, l’asile ne tardera pas à revivre les heures critiques qu’il a traversées avant et pendant la guerre et dont il n’a pu sortir qu’avec le secours du département, qui a du de 1914 à 1918 lui consentir des avances atteignant au total 569 232 F1572. » Il rappelle à propos de ce « chiffre considérable » que l’asile doit encore 101 102 F1573 (L’asile qui devait 201 102 F en 1924 a remboursé 50 000 F en 1925 et 50 000 F en 1926). En conséquent, il demande une augmentation du taux des pensions. Il rappelle que le directeur a demandé une augmentation du taux des pensions mais aussi le relèvement des prix de journées des aliénés indigents1574. Le conseil général décide d’augmenter, à partir du 1er janvier 1927, les prix de journée des pensionnaires et des indigents de l’Etat et des départements étrangers1575. Chose nouvelle, il donne délégation à la deuxième commission de réviser par trimestre, en fonction du coût de la vie, le taux des pensions et le prix de journée des aliénés indigents de l’Etat et des autres départements1576.

En novembre 1926, afin d’opérer cet ajustement, la commission départementale demande au Dr Baruk d’établir le prix de revient du mois1577. Estimant que le mois de nombre ne reflétait pas la réalité du fait de « grand bouleversement de prix1578 » il entreprend de réaliser les mêmes calculs sur l’année 19251579.

1565 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1926 », séance du 24 septembre 1926, p. 240. 1566Id. 1567Id. 1568Id. 1569Id. 1570Id. 1571Id. 1572Ibid., p. 242-243. 1573Ibid., p. 241. 1574Ibid., p. 243.

1575 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget primitif de 1927 », séance du 24 septembre 1926, p. 248. 1576Ibid., p. 248-249.

1577 BUA, JP43, Conseil général, 1927, Compte moral et administratif de 1926, p. 150. 1578Id.

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Tableau n° 6 : Prix de revient pour novembre 1926, 1925 et 1926 en F

Classes et indigents Novembre 1926 1925 1926

Première 11,140 9,483 14,18

Deuxième 10,583 8,437 12,40

Troisième 8,853 8,280 10,63

Quatrième 8,246 6,093 7,09

Indigents 8,769 6,515

Sources : AC, L 37, Compte moral et administratif.

Avec ce calcul le Dr Baruk montre que les indigents du département du Maine-et-Loire « coûtent » 7,09 F à l’asile alors qu’ils ne « rapportent » que 6 F1580. De plus, il mentionne que la commission départementale n’a pas eu à user de la délégation que lui avait autorisée le conseil général pour augmenter le prix de journée1581. Elle a simplement maintenu à 7 F le prix des pensions des 4e classes envisagé à la baisse à 6 F1582. Afin de combler le déficit qui se dessine dans le budget primitif de 1928 et « conjurer la crise » de trésorerie, le Dr Baruk demande une augmentation du prix de journée des aliénés du département1583 à 7,10 F, ce qui équivaut au prix de revient de l’année écoulée. Il propose de faire le rappel de l’année écoulée pour équilibrer, non seulement le budget primitif de 1928, mais aussi donner « une élasticité » à la trésorerie1584.

b. La dette de l’asile et le recouvrement du département

Dans le budget primitif de 1927, 50 000 F ont été inscrits par le préfet pour rembourser la dette de l’asile qui se monte à 101 102 F1585. Le rapporteur met cette somme en relation avec les 13 907 F que doit le département à l’asile comme reste à recouvrer pour les exercices 1923, 1924 et 1925 pour les frais de traitement des indigents1586. Faisant la soustraction, l’asile doit 101 102 F - 13 907 F, soit 87 195 F1587. « Afin de liquider cette somme et libérer l’asile », la deuxième commission, par la voix de son rapporteur, propose d’inscrire dans le budget primitif de 1927 cette somme au lieu des 50 000 F prévus1588. Bernier craint que cette somme soit trop élevée1589. Le rapporteur rétorque que « c’est un boulet que je traine. Je voudrais me débarrasser de cette dette1590 ». Puis il précise : « Nous traversons une période difficile qui sera peut-être plus difficile encore après-demain. Je puis me libérer en ce moment : je me libère. Si après-demain cela n’est plus possible, je vous demanderai de frapper à la caisse

1580 BUA, JP43, Conseil général, 1927, Compte moral et administratif de 1926, p. 154. 1581Id.

1582Id.

1583Id.

1584Id.

1585 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget primitif de 1927 », séance du 24 septembre 1926, p. 249-250. 1586Ibid., p. 250. 1587Id. 1588Id. 1589Ibid., p. 251. 1590Id.

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départementale ou d’augmenter le prix de journée pour tout le monde : aucune de ces deux solutions n’est souhaitable1591. » Le projet est adopté1592.

c. L’augmentation des pensions et du prix de journée des indigents

En 1927, le Dr Baruk, malgré les difficultés financières, propose une nouvelle majoration des traitements du personnel infirmiers/infirmières de 300 F par an1593. Suite à une requête du personnel secondaire, celle-ci est portée à 600 F1594. Afin d’encourager et de retenir le personnel en place, il octroie deux augmentations de 300 F : l’une après trois ans et l’autre après 6 ans de présence consécutive1595. En septembre, le budget additionnel de 1927 apparaît avec un petit excédent de 9 298 F1596. Abel Boutin-Desvignes, qualifie ce résultat de « médiocre et d’incertain » car il ne donne pas d’ « élasticité » au budget additionnel dans une période qui le nécessiterait1597. Il met l’accent sur les 12 090 F dus par l’Etat au département, qui, s’ils ne sont pas remboursés donneront, non pas un excédent de 9 298 F dans le budget additionnel mais un déficit de 2 792 F1598. Le risque : c’est la rupture de l’équilibre budgétaire, mais aussi, une majoration des prix par les fournisseurs qui accentuera d’autant le déficit1599. Devant cette situation financière critique, la deuxième commission préconise une augmentation des prix de journée à partir du 1er juillet 19271600. Elle constate, à son tour, qu’alors que le prix de revient était de 7,09 F en 1926, l’asile ne touchait que 6 F, soit un préjudice journalier de 1,10 F1601. Le calcul du Dr Baruk permet à la commission d’être plus sensible à cette constante. En aparté, le préfet concède qu’antérieurement, à la faveur de disponibilités élevées en 1923, le prix de journée des aliénés indigents du département avait été stabilisé pendant une longue période à un taux inférieur au prix de revient, (il était de 5 F en 1923, 1924 et 1925) et ce malgré l’augmentation du coût de la vie.1602 Le rapporteur demande une augmentation du prix de journée des pensionnaires de la 4e classe et des indigents à partir du 1er juillet 19271603. La deuxième commission propose de majorer les pensions des trois premières classes de 10 %, mais, prenant exemple sur le Loiret, seulement pour les malades étrangers au

1591 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget primitif de 1927 », séance du 24 septembre 1926, p. 249-251.

1592Ibid., p. 252.

1593 BUA, JP43, Conseil général, 1927, Rapport du préfet (deuxième session), p. 240. 1594Ibid., p. 243.

1595 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Personnel secondaire », séance du 30 septembre 1927, p. 306. 1596 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 307-308. 1597Ibid., p. 308. 1598Ibid., p. 310. 1599Ibid., p. 309. 1600Id. 1601Ibid., p. 310.

1602 BUA, Conseil général 1927, Rapport du préfet (deuxième session), p. 232.

1603 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du Conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 310.

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département du Maine-et-Loire1604. Elle propose également d’augmenter le prix de journée des pensionnaires de la 4e classe. Pour les habitants du Maine-et-Loire, le prix de journée serait de 8 F au lieu de 7 F et pour les étrangers au département de 10,50 F au lieu de 8,50 F1605. Enfin, elle propose d’augmenter le prix de journées des indigents du département du Maine-et-Loire (8 F au lieu de 6 F), mais aussi de l’Etat et des autres départements (10,50 F au lieu de 8,50 F)1606. On notera ici que le préfet avait reçu du ministre du Travail, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale, une circulaire attirant son attention sur la différence, dans les asiles départementaux, entre prix de journées des aliénés à la charge de l’Etat, sans domicile de secours, et ceux à la charge des départements1607. La deuxième commission souhaite fixer le relèvement à partir du 1er juillet 19271608 ». Le Duc Guy de Blancas1609 réagit, sur l’augmentation des tarifs des aliénés indigents et son impact sur les finances des communes : « Que l’on majore ceux qui peuvent payer, je l’admets, mais que l’on ne majore pas ceux qui ne le peuvent pas1610. » L’augmentation du prix de journée des indigents ne fait pas l’unanimité. Bernier répond que l’ « on ne peut pas augmenter indéfiniment les pensionnaires, car on finirait par ne plus avoir personne à hospitaliser1611. » Le préfet rappelle qu’il s’agit d’étrangers au département1612. Bernier rétorque : « c’est un maximum et il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or1613. » Puis le préfet fait connaître l’impact de l’augmentation sur les charges départementales (elle passe de 800 000 F à 1 065 000 F), la quote-part des communes (elle passe de 540 000 F à 745 000 F) et sur le budget de la ville d’Angers (100 000 F en plus)1614. Il finit en demandant 7,50 F au lieu de 8 F1615. Bernier demande si le Dr Baruk considère le prix de 8 F comme indispensable1616 puis il s’interroge sur la différence entre les 7,10 F initiaux demandés par le Dr Baruk et les 8 F de maintenant1617. Le Dr Baruk demande à ce moment une rétroactivité au 1er janvier 19261618. Le préfet refuse1619. Cette rétroactivité, jugée trop longue, aurait mis en difficulté financière les communes et le département en réclamant, après coup, des sommes importantes se référant à des exercices clos1620. Le Dr Baruk demande alors rétroactivité au 1er janvier

1604 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du Conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 311.

1605Id.

1606Id.

1607 BUA, JP43, Conseil général, 1927, Rapport du préfet (deuxième session), « Prix de journée des aliénés sans domicile de secours », p. 241.

1608 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 311. 1609 Le Duc Guy de Blancas est conseil général du canton de Beaupréau entre 1888 et 1937.

1610 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 312. 1611Id. 1612Id. 1613Id. 1614Id. 1615Id. 1616Ibid., p. 313. 1617Id. 1618Ibid., p. 314. 1619Id. 1620Ibid., p. 314-315.

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19271621. Le préfet propose au conseil général deux solutions : une rétroactivité au 1er janvier 1927 ou au 1er juillet 19271622. Suite à l’adoption de la seconde (1er juillet), le prix de journée est porté à 8 F1623. Le rapporteur rappelle au conseiller généraux que ce choix est déterminé par le refus de voir se reproduire la situation durant la guerre où, à défaut d’augmenter le prix de journée, il fut fait des avances à l’asile en comblant le déficit de l’établissement par une subvention1624. Prenant à parti le conseil général : « Voulez-vous recourir encore à ce système1625 ? » Il précise que pour réaliser le plan d’ensemble des travaux de l’asile, il faut de l’argent1626 : l’excédent n’est pas suffisant1627. Dans l’immédiat, il est donc impossible de réaliser des réparations1628. Or, si rien n’est fait, les bâtiments vont s’abîmer et le conseil général devra avoir recours à l’emprunt pour de nouvelles constructions1629. Le prix de journée à 8 F va permettre d’entretenir et d’agrandir les bâtiments1630. Faisant une comparaison avec d’autres départements : le prix de journée des aliénés atteints 9 F, 10 F, 11 F et même 25 F dans le département de la Seine1631. Sarcastique, il précise que le département de la Seine a un moyen d’éviter ce chiffre très élevé en envoyant ses indigents dans l’asile de Sainte-Gemmes1632. Il avoue que c’est en pensant à cette hypothèse qu’il a fixé le prix de journée1633. Le conseil général convaincu entérine l’augmentation1634. Robert de Grandmaison demande si les malades qui travaillent dans l’exploitation agricole sont payés. Le préfet lui répond par l’affirmative et Bernier complète : « très modique1635. » De Grandmaison est suspicieux : « Il pourrait se faire qu’un établissement soit tenté de conserver le plus longtemps possible les aliénés qui travaillent, de matière à garder une main d’œuvre fort peu coûteuse1636. » En d’autres termes : l’asile aurait-il intérêt à garder des indigents guéris pour lui servir de main-d’œuvre à bas prix ? Le préfet répond : « Des commissions surveillent les aliénés et examinent si on ne les conserve pas trop longtemps dans l’asile. Je ne dis pas que des internements prolongés soient impossibles ; il peut y avoir des erreurs en cette matière comme dans toute autre, mais l’abus que redoute M. de Grandmaison ne se produit pas à Sainte-Gemmes, du moins dans les limites où il peut-être évité1637. » Il ajoute que des dossiers sont régulièrement constitués par le directeur sur chaque interné et un bulletin spécial constate

1621 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Budget additionnel de 1927 », séance du 30 septembre 1927, p. 315. 1622Id. 1623Id. 1624Ibid., p. 316. 1625Id. 1626Id. 1627Id. 1628Id. 1629Id. 1630Ibid., p. 317. 1631Id. 1632Id. 1633Id. 1634Id.

1635 BUA, JP43, Procès-verbaux des délibérations du conseil général, « Contrôle des internements » séance du 4 mai 1927, p. 99. 1636Id.

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son état1638. C’est au regard de ce bulletin que l’on maintient ou non l’internement1639. Le rapporteur ajoute que la loi de 1838 interdit le maintien sans motif d’un aliéné dans un asile et qu’en outre l’aliéné peut s’adresser au procureur de la République, qui doit faire une visite annuelle de l’asile et s’assurer, lorsque quelqu’un lui écrit à propos d’un aliéné, s’il est interné à juste titre1640. Dans les années 1920, marquées par une augmentation des prix et des recouvrements, il faut toute la force de persuasion et l’intelligence du Dr Baruk pour assurer la pérennité financière de l’institution tout en augmentant le traitement du personnel. Outre les augmentations successives des traitements pour améliorer le sort du personnel, deux innovations marquent la fin des années 1920 : un syndicat du personnel et une caisse de retraite.