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Les différentes sources de données pour l’étude de la mortalité maternelle

CHAPITRE II: SOURCES ET METHODOLOGIE D’ANALYSE DES DONNEES

C) Définition de l’assistance médicale à l’accouchement

3) Les différentes sources de données pour l’étude de la mortalité maternelle

La mortalité des adultes est rarement bien estimée dans le monde en développement. La mortalité maternelle n’échappe pas à cet inconvénient ; il existe différents moyens de la mesurer mais, pour diverses raisons aucun d’entre eux n’est pleinement satisfaisant (OMS 1987).

Même lorsque le niveau de mortalité maternelle est élevé, le décès maternel reste partout un événe-ment rare et donc difficile à dénombrer.

Le registre d’état civil

En principe, l’état civil est la source d’information idéale pour comptabiliser les décès maternels. Cependant, l’expérience montre que les décès maternels sont bien souvent sous enregistrés. Une étude complète des décès de femmes en âge de procréer réalisée en France (Bouvier-Colle et al..,1991) s’est traduite par une réévaluation du rapport de mortalité maternelle de 10 à 22 décès pour 100 000 nais-sances vivantes. Aux Etats-Unis, certains Etats font depuis quelques années mentionner la grossesse sur le certificat de décès. Ces efforts ont conduit à une réévaluation de 30 à 100 % du rapport de mortalité maternelle (Berg et al. 1996).

Rares sont les pays en développement qui disposent d’une bonne couverture par l’état civil. Même là où les enregistrements sont de bonne qualité les enquêtes de contrôle ont montré que, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement, la mortalité maternelle est sous-estimée, le plus souvent parce que la personne certifiant la cause de décès omet de mentionner la grossesse. Ce risque d’omission s’accroit avec la durée écoulée depuis l’issue de la grossesse.

Exemples :

Une femme souffrant d’une éclampsie développe une insuffisance rénale consécutive à cette éclampsie ; elle décède quelques semaines ou mois plus tard d’insuffisance rénale et son décès sur-vient dans un service de médecine plutôt que dans un service d’obstétrique. Le médecin qui l’a trai-tée n’est concerné que par l’insuffisance rénale (parce que c’est l’affection qu’il doit traiter) non par la cause préexistante : il ne fait pas mention de l’éclampsie ou de la grossesse sur le certificat de décès.

Ou

Lors d’une césarienne pratiquée sur une femme souffrant de travail prolongé, celle-ci décède d’un accident anesthésique. Le médecin certifiant le décès l’attribut à un accident anesthésique ou chi-rurgical sans faire mention de la césarienne ou de la grossesse.

Ou encore

Le médecin établissant le certificat de décès d’une femme, consécutif à une hémorragie du post-partum y inscrit « choc hypovolémique »

En Egypte, par exemple, où pourtant la certification des décès et l’enregistrement des décès d’adultes sont pratiquement exhaustifs, lorsque les décès sont consécutifs à une hémorragie post-partum, le certificat de décès porte souvent la mention « choc hypovolémique ». En théorie, celle-ci n’est pas fausse, mais l’hémorragie du post-partum est plus explicite et permet, à elle seule, de faire le lien avec la grossesse et d’identifier l’origine maternelle du décès.

Au Sénégal, selon le rapport de l’état civil de l’Agence Nationale de Statistique et de Démographie de 2013, 65 % des décès survenus dans la population ne sont pas déclarés. Dans ce contexte évaluer le niveau de décès maternel semble encore plus périlleux.

Dans la majeure partie des pays développés les morts inexpliquées ou non déclarés font habituelle-ment l’objet d’une autopsie ; dans les pays en voie de développehabituelle-ment, les autopsies sont réservées

aux situations de violence avérée ou probable (même lorsque la cause est évidente comme par exemple un accident de la circulation).

Les données hospitalières

Ces données sont utilisés le plus souvent dans le cas où les pays en voie développement n’ont pas de système de comptage des décès maternels, mais elles sont quasiment impossibles à interpréter lorsqu’une grande partie des naissances et autres issues de la grossesse ont lieu en dehors de l’hôpital, y compris certains décès maternels.

Les décès liés aux avortements spontanés, provoqués ou encore aux grossesses ectopiques risquent en effet davantage de se produire hors de l’hôpital, dans la plupart des pays en voie de développe-ment, nombre de naissances ayant lieu hors des structures hospitalières. Dans ce cas de figure on peut donc affirmer, sans risque de se tromper, que les naissances en milieu hospitalier ne sont pas représentatives de toutes les naissances. Que dire dans ce cas des complications obstétricales ? Des naissances chez les femmes économiquement favorisées ? Des naissances en milieu urbain ? Dans tous les cas, toute extrapolation à l’ensemble de la population est impossible.

Si les taux de mortalité en milieu hospitalier sont révélateurs de l’activité des hôpitaux et peuvent, en tant que tels, être utiles, ils ne sauraient être confondus avec des rapports ou des taux de mortalité maternelle.

Les enquêtes auprès des ménages

Lors de ces enquêtes, les familles des femmes décédées sont interrogées afin de déterminer les cir-constances du décès et sa cause. Cette méthode, dite d’autopsie verbale, a permis de recueillir des informations importantes sur les circonstances entourant les décès et d’en vérifier l’origine mater-nelle. Les causes de mortalité des adultes sont relativement plus faciles à diagnostiquer parce qu’elles sont plus souvent liées à des accidents ou des situations d’urgence et que la personne

décé-Les décès sur lesquels doit porter l’enquête peuvent être identifiés par différents moyens : les re-gistres d’état civil, les déclarations des chefs de communauté et d’autres informateurs. Ils peuvent aussi, comme c’est plus souvent le cas, correspondre aux décès rapportés dans l’enquête dans le tableau des évènements ayant touché les membres du ménage.

Lorsque l’enquête concerne spécifiquement les décès de femme en âge de procréer, ces études sont quelquefois appelées RAMOS (Reproductive Age Mortality Survey).

L’une des limites des enquêtes auprès des ménages tient au fait que, souvent, les décès ne sont pas déclarés ou le sont de manière erronée. C’est notamment le cas lorsqu’ils sont liés à un acte ou une situation considérés comme honteux (tels que l’avortement ou la grossesse hors mariage) ou ils ré-vèlent un acte illégal (avortement, homicides, suicides) ; lorsque leur cause n’est pas identifiée (grossesse extra-utérine) ; lorsqu’ils sont tombés dans l’oubli (décès d’une femme de faible statut social, sans enfants survivants ou sans entourage proche). D’autres contraintes tiennent à la consti-tution d’un échantillon représentatif impliquant un coût élevé et des enquêteurs compétents.

La collecte de données par la méthode des sœurs

La collecte de données par la méthode des sœurs repose sur 4 questions simples posées à des indi-vidus adultes, femmes et hommes, à condition que ces derniers soient bien informés sur la vie de leurs sœurs, et que les questions ne soient pas délicates à poser. Elles définissent la population sou-mise au risque de décéder de mort maternelle, délimitent le nombre de sœurs adultes décédées, celles qui sont décédées de mort maternelle. Elles peuvent être adaptées selon les conditions socio-culturelles du pays étudié. Il est également essentiel de connaitre le groupe d’âges du répondant. La première question peut être formulée de la manière suivante :

1. Combien avez-vous de sœurs (issues de votre mère) qui ont atteint l’âge de 15 ans, y compris celles qui sont aujourd’hui décédées ? (ou bien « qui ont eu leurs premières règles, ou qui se sont mariées »)

La limite inférieure de la période d’exposition au risque de mort maternelle est déterminée par des facteurs physiologiques et sociaux. Il faut avoir atteint l’âge des premières menstruations ou être physiquement en mesure de procréer. Il est également nécessaire que la société dans laquelle vit la femme permette l’exposition à ce risque. Dans certaines sociétés, notamment en ce qui concerne les pays musulmans, cela ne se conçoit qu’à travers les liens du mariage. Les premières menstruations étant un évènement nettement connu et célébré par de nombreuses cultures, les utiliser comme point de repère au cours de l’entretien ne présente pas donc de difficulté. Par mesure de simplification, on peut aussi utiliser l’âge de 15 ans comme borne inférieure. Dans certains contextes culturels on pré-fère cependant se servir du nombre de femmes mariées afin de délimiter l’ensemble de la popula-tion à risque.

2. Combien parmi vos sœurs ayant atteint l’âge de 15 ans sont en vie aujourd’hui ? 3. Combien, parmi vos sœurs ayant atteint l’âge de 15 ans sont aujourd’hui décédées ?

Les questions 2 et 3 sont utiles pour s’assurer du nombre de sœurs décédées parmi celles ayant at-teint l’âge adulte et que ne soient omises ni des sœurs décédées ni des sœurs survivantes.

4. Combien, parmi vos sœurs décédées sont mortes lorsqu’elles étaient enceintes, ou durant l’accouchement, ou durant la période de 6 semaines qui suit l’accouchement ?

Cette question permet d’obtenir le nombre total de sœurs décédées de mort maternelle. Elle peut être divisée en trois questions pour des raisons de clarté.

La définition du décès maternel utilisée dans la collecte des données par la méthode des sœurs cor-respond à celle adoptée par la neuvième classification internationale des maladies (CIM-9). Elle est plus liée à la période d’exposition plutôt qu’aux causes cliniques de la mortalité maternelle et a le mérite d’être simple.

nelles ayant lieu après la période puerpérale fixée à 42 jours ne sont également pas prises en compte. Ce qui fait qu’un certain nombre de morts maternelles peuvent ainsi être omises. Il faut seulement savoir que ces décès maternels qui surviennent après la période puerpérale ne représen-tent qu’une fraction du total.

Dans cette étude, la source de données utilisée étant les différentes enquêtes démographiques et de santé au Sénégal (EDS 1 à EDS 5), avant toute utilisation une meilleure compréhension de cette base de données s’avère être importante.

Présentation de l’Enquête Démographique et de Santé au Sénégal

L’Enquête Démographique et de Santé à Indicateurs Multiples du Sénégal de 2010-2011 (EDS-MICS, 2010-11) est la cinquième du genre pour les EDS et la troisième de la série des enquêtes à indicateurs multiples (MICS) au Sénégal.

L’EDS- MICS a été réalisée par l’Agence Nationale de Statistique et de Démographie du Sénégal avec l’assistance technique d’ICF Macro (Institut de coopération américaine en charge du pro-gramme international des EDS) et du Centre de Recherche pour le Développement Humain (CRDH). Les Laboratoires de Bactériologie Virologie du CHU Le Dantec de Dakar et le laboratoire de parasitologie de l’UCAD ont apporté leur appui dans la mise en œuvre du volet portant sur le test du VIH et sur le test du paludisme (formation des agents, prélèvements et analyses des échantillons de sang, analyse des données).

Pour la mise en œuvre de l’enquête, il a été mis en place un comité de pilotage comprenant en plus l’équipe technique de l’EDS, le ministère de la Santé et les partenaires au développement. Le gou-vernement du Sénégal a aussi bénéficié de l’appui financier de l’USAID, de l’UNICEF, du Fond Mondial, de la Cellule de Lutte contre la Malnutrition (CLM) et de l’UNFPA).

Questionnaires de l’Enquête Démographique et de Santé

Les questionnaires préparés par le projet DHS et MICS (méthodologie d’enquête à indicateurs mul-tiples) sont les instruments de base de l’EDS 2010- 2011. Des modifications jugées nécessaires ont été apportées aux questionnaires de base pour les adapter aux spécificités socioculturelles du pays et répondre aux besoins des utilisateurs. Pour assurer la comparabilité des résultats au niveau interna-tional, ces changements ont été aussi limités que possible.

Trois questionnaires ont été utilisés au cours de l’Enquête Démographique et de Santé de 2010-2011 : un questionnaire ménage, un questionnaire individuel pour les femmes de 15-49 ans et un questionnaire individuel pour les hommes de 15-59 ans. Dans cette étude on s’intéresse au ques-tionnaire individuel femme de 15-49 ans, et de manière plus spécifique au module sur la mortalité maternelle.

Le questionnaire individuel femme constitue d’ailleurs l’élément central de l’EDS 2010-2011 et la distribution de l’effectif des femmes enquêtées est consignée dans le tableau suivant.

Tableau 4: Distribution de l’effectif des femmes enquêtées, de l’Enquête Démographique et de San-té de 2010

Source : données de l’enquête démographique et de santé, Sénégal, 2010

Cette distribution montre que sur notre échantillon, ce sont les femmes jeunes qui sont le plus repré-sentatives, 74 % des femmes enquêtées ont en effet moins de 35 ans. Donc si on devait donner un groupe d’âges typique on dirait qu’il se situe entre 15 et 35 ans pour les femmes enquêtées dans ce rapport.

Le questionnaire comprend une page de couverture similaire à celle du questionnaire ménage sur laquelle sont enregistrés les informations d’identification de ménage, le résultat de l’interview qui permet de calculer le taux de couverture de l’enquête et les contrôles de terrain et de bureau, ainsi que dix sections qui servent à recueillir des informations sur les thèmes suivants :

· Caractéristiques sociodémographiques : cette section porte sur le lieu de résidence, l’âge et la date de naissance, la scolarisation, l’alphabétisation, la nationalité, la religion, l’ethnie

15-19 3429 21,9 21,9

20-24 3220 20,5 42,4

25-29 2746 17,5 59,9

30-34 2148 13,7 73,6

35-39 1817 11,6 85,2

40-44 1379 8,8 93,9

45-49 949 6,1 100,0

Total 15688 100,0

Pourcentage