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La pratique de la grossesse et de l’accouchement au Sénégal

CHAPITRE IV: ASSISTANCE MEDICALE A L’ACCOUCHEMENT AU SENEGAL

1) La pratique de la grossesse et de l’accouchement au Sénégal

L’accouchement se définit comme l’ensemble des phénomènes entrainant la sortie du fœtus et de ses annexes hors des voies génitales maternelles à partir du moment où la femme atteint le terme théorique de mois de grossesse soit d’aménorrhée. Selon la définition médicale « un accouchement est l’acte par lequel une femme délivre ou est délivrée du produit de la conception (fœtus et an-nexes) à une époque où le fœtus est viable ».

On parle d’accouchement eutocique si son déroulement physiologique est normal et dans le cas con-traire l’accouchement est considéré comme dystocique, c'est-à-dire s’il intervient une difficulté. Le processus d’accouchement se déroule en trois étapes : la phase de dilatation ou le travail, la phase d’expulsion et la phase de délivrance.

Ø La phase de dilation ou le travail

C’est l’ensemble des contractions utérines régulières, devenant douloureuses et qui s’accroissent en intensité et en fréquence (toutes les 5 à 10 minutes au début, puis toutes les 3 à 5 minutes), entrai-nant ainsi des modifications cervicales. Le col se centre, s’efface et se dilate. L’effacement du col correspond à une réduction progressive de sa longueur (de 3 cm environ à 0 cm). La dilation est l’ouverture du col de à 10 cm (dilatation complète), sa durée varie de 7 à 10 heures chez la primi-pare (femme accouchant de son premier enfant) et de 3 à 6 heures chez la multiprimi-pare.

On parle de faux travail lorsque les contractions sont irrégulières, d’intensité stable avec un inter-valle long, le siège abdomino-pelvien de la douleur est souvent traitée par une analgésie simple et sans modification cervicale sur une période de 2h.

Ø La phase d’expulsion

C’est l’ensemble des mécanismes aboutissant à la sortie du fœtus. Ils comprennent l’engagement (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit supérieur du bassin), la descente (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit moyen) et le dé-gagement ou l’expulsion (passage du plus grand diamètre de la tête ou du siège à travers le détroit inférieur du bassin osseux et musculaire.) Cette phase dure en moyenne 30 minutes chez une primi-pare et 15 minutes chez une multiprimi-pare. L’expulsion ne peut se réaliser qu’en dilatation complète.

Ø La phase de délivrance

C’est l’expulsion des annexes (placenta et membranes) hors des voies génitales, généralement dans les 30 minutes suivant l’expulsion. Elle est spontanée lorsqu’elle est réalisée grâce aux efforts ex-pulsifs de la mère. Elle est dirigée lorsqu’il y a eu injection d’ocytociques lors du dégagement des épaules du fœtus. Elle est artificielle lorsque le décollement et l’expulsion du placenta sont effec-tués manuellement.

Il est indispensable de s’assurer de l’intégrité du placenta et des membranes expulsés. En cas de rétention, une révision utérine préviendra la survenue d’une hémorragie lors de la délivrance. Pour aider une bonne rétraction utérine, des ocytociques sont injectés de façon systématique.

Cependant, avant la naissance du bébé 9 mois de grossesse se sont passés, et à travers le monde les femmes ne vivent pas ces mois de grossesse et l’accouchement de la même façon.

Au Sénégal, cette période de la grossesse et de l’accouchement est parsemée de traditions et de ri-tuels même pour la partie instruite de la population.

Pendant la grossesse

Durant cette phase, de nombreux rites de protection et d’interdiction vont entourer les femmes vi-sant à protéger celles-ci et leur fœtus de toutes les influences néfastes du monde extérieur ou du monde des esprits. Au fil du temps, chaque ethnie a accumulé un certain nombre d’expériences et de pratiques pour favoriser le bon déroulement de la grossesse et de l’accouchement.

Chez les Sérères par exemple, dès l’information de la grossesse, la future mère est protégée par un chapelet de racines et de tiges d’arbres appelé xif ngelen. Elle le porte en bandoulière jusqu’à la fin de la grossesse elle boira une solution obtenue à partir des feuilles de nébéday pressé de sel.

Selon eux (les Sérères), le monde est peuplé d’esprits invisibles (les Ciit), qui rôdent aux alentours des habitations et des puits pour chercher des femmes enceintes. Les Ciit ou esprits pré-fœtaux guettent les circonstances et les lieux favorables (cérémonies, forêts, puits, isolement) en vue de se réincarner dans les entrailles de la mère choisie. Ils attaquent en général la nuit, donc la femme en-ceinte ne doit pas sortir de chez elle la nuit.

Ailleurs, chez les Wolofs, lorsqu’une grossesse s’annonce difficile, certaines femmes au Sénégal portent une cordelette à nœuds autour du ventre pour se protéger des complications. Celle-ci doit être rompue au moment de l’accouchement. Symboliquement, cette rupture de la cordelette évoque la délivrance, la libération et donc un accouchement qui se passera sans encombre. D’une ethnie à l’autre, on retrouve le même souci de purification de l’espace d’accouchement et partout dans le pays la grossesse se déroule en trois étapes.

Les trois étapes de la grossesse au Sénégal

Au Sénégal, comme dans beaucoup de régions africaines, le savoir populaire dit que la grossesse se divise en trois étapes :

Les trois premiers mois, la grossesse est cachée, c’est d’ailleurs la période la plus importante et la

plus délicate de la grossesse. Parce qu’on considère que ce que la femme porte en elle est une masse de sang, et que celle-ci peut ne pas tenir. Cette masse de sang qui ne sort plus, (sang qui s’est arrêté = aménorrhée) est perçue comme le futur fœtus et pour que ce sang se transforme en fœtus, la femme doit faire preuve d’une grande capacité à garder le secret, qu’elle ne partage qu’avec un cercle restreint de la famille (mari, belle-mère, beau-père ou belle-sœur si elle a déjà eu des

en-Chez les Wolofs, l’un des dangers encourus par les femmes durant les premiers mois de grossesse est le mauvais œil, ou encore les djinns (mauvais esprits) qui sont attirés par les femmes enceintes. C’est pourquoi elle doit suivre un bon nombre d’interdits et de directives sans quoi elle et son en-fant risque d’être emportés par ces êtres invisibles qui la guettent de jour comme de nuit.

Pendant cette phase, le pagne de la femme enceinte, surtout dans le monde rural, est toujours bien noué et serré sur le ventre pour ne laisser rien apparaître de la grossesse. Aussi, elle doit redoubler d’efforts surtout dans les travaux domestiques (piler le mil, aller chercher l’eau, faire la cuisine etc.) ; même ses compagnes ne doivent pas savoir son état de grossesse.

Même si certaines la taquinent en lui disant qu’elle présente des signes d’une femme en état de grossesse, elle doit nier fermement et tenter de dissiper le doute. Il est communément admis de ne pas annoncer la grossesse au Sénégal dans le but de se protéger et de protéger le bébé.

Toujours dans cet état d’esprit elle doit adopter une conduite irréprochable et respecter certains in-terdits.

La femme enceinte ne doit pas non plus marcher à certaines heures de la journée, sauf si elle est accompagnée. C’est le cas vers quatorze et dix-neuf heures. On pense que pendant ces moments, avant l’appel de la prière, les mauvais esprits sortent pour chasser.

Elle ne doit pas aller à des funérailles ni côtoyer des femmes stériles, elle ne doit pas rendre visite à une nouvelle accouchée ou à une femme ayant fait une fausse couche au risque d’en faire elle- même.

De trois à six mois, la grossesse de la femme est connue de tout le monde, à ce stade elle est

consi-dérée comme « enceinte ». Ce terme ne sert qu’à désigner une grossesse avancée et la prononcer trop tôt pourrait anticiper la volonté divine. Elle doit commencer à observer un ensemble d’interdits alimentaires comme ne pas boire de l’eau fraiche car cela peut augmenter la taille de la tête du bébé, et manger de la pastèque parce qu’elle va perdre beaucoup d’eau au moment de l’accouchement ; et

elle doit aussi accepter d’autres interdits comportementaux comme éviter de beaucoup dormir car cela peut faire durer l’accouchement.

Les rapports sexuels avec le mari ne sont pas proscrits. Au contraire, ils permettraient un meilleur développement du fœtus et une ouverture des organes génitaux de la femme facilitant ainsi l’accouchement.

De six à neuf mois, la femme est « pleinement » enceinte, elle doit éviter tout risque de perdre le

bébé, les interdits et les prescriptions sont aussi renforcés durant cette période. Elle ne doit pas beaucoup se montrer dans les lieux publics, mais doit se promener chaque soir pour éviter un ac-couchement long et difficile. Enfin, il lui est interdit de manger salé tard le soir pour éviter un gon-flement des pieds.

Dans beaucoup d’ethnies du Sénégal, les femmes sont massées régulièrement à partir du huitième mois de grossesse par une matrone afin de tonifier le muscle utérin pour rendre les contractions plus efficaces au moment de l’accouchement. Le massage permet aussi d’éviter les vergetures.

Durant toute la période de la grossesse donc, la femme utilise l’ensemble de ces prescriptions et interdictions pour éviter la fausse couche, favoriser le développement du fœtus, faciliter l’accouchement et apporter à l’enfant santé, force et intelligence.

La surveillance de la grossesse en milieu hospitalier

La surveillance de la grossesse poursuit un certain nombre d’objectifs. Les activités préventives :

- Préventions du tétanos néonatal par l’administration de doses adéquates de vaccin antitéta-nique (VAT) ;

- administration de fer ;