• Aucun résultat trouvé

Notre avons inclus dans notre corpus des documents tirés de la presse écrite concernant les problèmes des DM à risque élevé, à partir du moteur de recherche Google; mais nous n’avons pas prétendu de réaliser une recension de la presse écrite – cela pourrait faire l’objet d’un autre projet de recherche. Cette modeste recherche nous a permis d’aller chercher dans la littérature scientifique des informations de premier plan relatives à la faiblesse de la qualité des données cliniques (ou l’absence de données cliniques) pour expliquer certaines faiblesses des processus de réglementation dans l’évaluation des risques-bénéfices au moment d’une demande de mise en marché.

Enfin, ils sont incontournables: de nombreux ouvrages de référence portant notamment sur des thèmes associés à la bioéthique, aux dispositifs médicaux, aux processus de réglementation, au principe de précaution, ont été consultés25. Notre intérêt pour les ouvrages retenus concernait tout spécialement des thèmes reliés au champ de la bioéthique, notamment l’éthique de la recherche et l’éthique clinique, la santé publique touchant les DM et les exercices d’ÉTS. Certains des ouvrages consultés traitent aussi de thèmes spécifiques aux risques et la gestion des risques; sur ce sujet, nous avons aussi examiné les valeurs touchant le principe de précaution en vue d’examiner sa pertinence au stade des pratiques essentielles de vigilance après mise en marché des DM à risque élevé.

C

ONCEPTS CLEFS

Les concepts retenus sont associé à notre question de recherche, à savoir: les processus actuels de réglementation des DM à risque élevé, aux étapes d’évaluation avant mise en marché et après mise en marché, comportent-ils des pratiques qui soulèvent des enjeux socio-éthiques? Nous associons ces concepts aux principes fondamentaux de la bioéthique appliqués en clinique et en recherche, tels le respect de l’autonomie des individus et de la dignité humaine, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. Si l’on reconnaît qu’un processus de réglementation constitue en soi un exercice de gouvernance, et que les DM à risque élevé sont des technologies importantes, souvent incontournables au niveau des soins de santé à la population, ces concepts représentent des repères pour rendre compte des différentes pratiques associées aux processus de réglementation (avant et après mise en marché). Ils nous renvoient à des éléments de la réalité des processus et des fins poursuivies.

Évaluation

L’évaluation d’un DM intervient à deux niveaux. D’abord, au moment où un manufacturier dépose une demande de licence de mise en marché auprès des autorités réglementaires nationales (ex.: au Canada, le Bureau des Instruments Médicaux, ou aux États-Unis, la Food and Drug Administration). La nature de l’évaluation vise essentiellement à obtenir du manufacturier une démonstration d’innocuité et d’efficacité basée sur des données probantes

concernant le DM pour lequel un manufacturier sollicite une autorisation (licence) de mise en marché. Cette évaluation est réalisée à partir des informations fournies par les manufacturiers, plus particulièrement les résultats d’essais cliniques préalables et la description technique du dispositif.

À une étape ultérieure intervient un exercice d’ÉTS, c’est-à-dire, un exercice d’évaluation où on analyse les différents enjeux associés à la diffusion d’une technologie et ce dans toutes ses dimensions; cet exercice s’inscrit comme une extension du processus « admissibilité au remboursement » (public ou privé). Il s’agit aussi d’une étape qui doit permettre de « poser les bonnes questions » conformément aux guides de bonnes pratiques d’ÉTS, parce que les conclusions d’un rapport d’évaluation pourraient influencer la prise de décision publique et les mécanismes de réglementation (Battista et al 1999). Cet exercice d’évaluation suppose un examen réalisé de manière objective des impacts rattachés à l’utilisation et la diffusion élargie d’une technologie de santé. À ce niveau, l’évaluation devient un programme particulier d’action publique, voire de santé publique, où les « exigences éthiques et procédurales deviennent fondamentales » (Perret 2008, 106).

Gouvernance

Wiener (2004) associe la réglementation à un mode de gouvernance, « Regulation is the technology of governance » (Wiener 2004, 484). En fait, la « gouvernance » revêt de multiples facettes. Elle intervient comme un guide pour l’action publique et la prise de décision; elle est un lieu où des règles, des normes, des moyens et des exigences sont mis en place à l’intention d’acteurs particuliers pour des fins d’intérêt public, de protection du public contre des dangers (Cafaggi 2004; Massé et Saint-Arnaud 2003). La gouvernance se traduit en exercice du pouvoir et de ses modes d’exercice: par exemple, à travers des politiques publiques qui visent « la prise en charge de problèmes publics par le système politique, en vue de les soumettre à des normes qui présideront à la régulation » (Lemieux 2002, 21). La gouvernance est un lieu d’interactions entre des acteurs qui participent à la prise de décision ou qui peuvent l’influencer. Mais la gouvernance peut aussi être une pratique sociale qui consolide ou modifie des enjeux, des ressources, ou impose des contraintes aux acteurs concernés (Thoenig 2010).

Par exemple, en santé les objectifs ultimes d’une bonne gouvernance ont « pour but d’améliorer de façon continue la performance du système de santé et des organisations qui le composent et de pouvoir rendre des comptes » (Contandriopoulos 2008, 196). La gouvernance se manifeste par « la capacité d’une société à se gouverner au moyen d’institutions, de systèmes de représentation, de processus de négociation, de décision et de contrôle » (Perret 2008, 89).

Les processus de réglementation des DM constituent un système de représentation de gouvernance en santé. Un système fait de pratiques qui s’étendent sur le long terme, lequel commence avant leur mise en marché et se poursuit pendant leur diffusion dans un système de santé et jusque dans la surveillance des effets de leur utilisation (Balka et al 2007). En raison des risques qu’ils peuvent représenter pour la santé des personnes, et parce qu’il faut préserver la confiance du public, la réglementation impose de mettre en place des processus rigoureux et efficaces « to protect patients from potential harm and […] to reassure them that there is a system in place for detecting problems when they occur » (Costa 2012).