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STRUCTURE DE LA THÈSE

D ES ARTICLES RÉDIGÉS DANS UN MODE DE « CO AUTEURS »

Traditionnellement, et surtout dans les champs des sciences humaines et des sciences sociales, une thèse de doctorat avait pour seul(e) auteur(e) un doctorant ou une doctorante. La thèse constitue une opportunité unique pour démontrer qu’un(e) doctorant(e) maîtrise le contenu scientifique de sa recherche, les méthodologies et les techniques associées aux activités de son secteur de recherche, et de défendre sa démarche de manière cohérente et succincte (Gross et al 2012). Mais, depuis plusieurs années, les universités, dont l’Université de Montréal, ont accepté le dépôt de thèses sous forme d’articles, c’est-à-dire que des chapitres de la thèse soient constitués d’articles déjà soumis, ou prêts à être soumis, à une revue scientifique avec comité de pairs et dont le doctorant ou la doctorante intervienne comme premie(ère) auteur(e). Il est ainsi prévu au Guide de Présentation des Mémoires et des Thèses, de la Faculté des Études Supérieures et Postdoctorales de l’Université de Montréal (2012), que pour chaque article inscrit dans un mémoire ou une thèse, l’étudiant(e) doit intervenir comme auteur principal et faire explicitement état de son apport original pour chacun des articles co-signés et commenter le rôle respectif de chacun des auteurs.

Nous aurions pu choisir comme critères ceux qui sont retenus par l’International Committee of Medical Journal Editors (ICMJE Recommendations 2013) qui servent de guide pour déterminer le statut des auteurs qui ont une participation active dans le développement et l’écriture d’un article scientifique. Selon Resnik et Master (2011), ces critères sont plus particulièrement importants pour les recherches empiriques. Or, lorsqu’il s’agit d’une recherche conceptuelle, le processus de développement d’un article scientifique ne vise pas nécessairement la présentation de données quantitatives, mais « essentially involves reading, thinking, writing about a topic, a problem, or issue » (Resnik & Master 2011, 19). Nous avons donc retenus les critères proposés par Resnik & Master (2011) pour qualifier la « contribution substantielle » de chacun des auteurs associés aux articles figurant dans la présente thèse, à savoir : 1) déterminer un sujet de recherche, 2) identifier la problématique, 3) collecter la littérature pertinente, l’analyser et l’interpréter, 4) réaliser une première version du manuscrit et développer des arguments à défendre à partir de l’examen/l’interprétation de la littérature, 5) réaliser une évaluation critique et commentée de la version préliminaire, voire proposer l’ajout de nouvelles données, argumenter sur certains points particuliers, 6) rédiger une

nouvelle mise en forme du manuscrit en tenant compte des objections formulées, des arguments invoqués, des données nouvelles réclamées, 7) réaliser une analyse critique du nouveau document, et 8) procéder à la mise en forme finale du manuscrit dans un format « prêt à soumettre », Selon Resnik et Master, il suffit de rencontrer deux de ces critères pour justifier un statut d’auteur et non de simple collaborateur. À partir de ces critères, nous avons développé le tableau ci-dessous pour déterminer la contribution respective des auteurs des trois articles qui font partie de cette thèse.

Tableau 1 : Contribution des auteurs à l’écriture de chacun des articles de la thèse

Tableau adapté de Resnik & Master (2011)

Activités Ghislaine Mathieu Bryn Williams-Jones Eric Racine

• Identification du sujet de l’article ü ü

• Collecte de la littérature ü

• Examen/Analyse/Interprétation de la littérature ü • Première version manuscrite basée sur l’analyse /

interprétation de la littérature

• Développement des arguments et thèses à défendre

ü

• Analyse / évaluation critique et commentée de la version préliminaire

• Ajout de matière nouvelle (contenu scientifique) pour étayer certains argumentaires, positionner certains points particuliers, réclamer de nouvelles données

ü

• Discussion sur les objections et les argumentaires à défendre et positionner

ü ü

• Analyse complémentaire de la littérature • Ajout de données complémentaires • Nouvelle mise en forme du manuscrit

ü

• Analyse / évaluation de la nouvelle version manuscrite pour valider le contenu scientifique • Commenter et proposer des changements

ü ü

• Mise en forme finale du manuscrit pour soumission

ü ü

• Revue finale pour commentaires et dernières corrections

ü ü

• Soumission de l’article à une revue scientifique ü • Auteur de correspondance (responsable auprès de

la revue)

Dans la mesure où l’expresssion « contribution majeure » permet de définir le statut des auteurs dans un article, cette contribution doit corresponde à une participation réelle fondée sur « the independent development or interpretation of ideas that are critical or essential to the advancement of a scientific study or scholarly article » (Babor et Morisano 2008, 120). Dans les circonstances et selon les critères de Resnik et Master (2011), au moins deux d’entre eux permettent de qualifier la contribution de M. Williams-Jones, directeur de thèse, comme un apport substantiel au développement des articles et justifie qu’il soit désigné à titre de co- auteur; la contribution de M. Racine, co-directeur de thèse, intervenant surtout après que la rédaction des articles eût été faite dans leur version presque finale, pour commenter le texte, suggérer des modifications, voire signaler certains points qui méritaient d’être renforcés, justifie que sa contribution soit reconnue par une mention spécifique dans la section des remerciements de chaque article. Finalement, l’attribution des auteurs pour chaque article a été discutée à plusieurs reprises durant le processus de rédaction et acceptée par toutes les parties concernées.

CHAPITRE 1: PROBLÉMATIQUE

Medical device research and development […] provides a somewhat specialized example of the relevance of the humanities in general,

and of ethics in particular, to medical research and medical products. (Sugarman et al 2008, 259) En règle générale, les citoyens connaissent peu les particularités du secteur des dispositifs médicaux (DM) à risque élevé et des risques associés à leur usage. Des personnes malades devenues vulnérables par l’inefficacité de la médication peuvent aussi attendre de l’usage d’un DM, sinon de guérir, un soulagement et une amélioration de leur qualité de vie. À prime abord, la communauté médicale et les experts en bioéthique, en réglementation, en évaluation des technologies de santé (ÉTS) sont plus directement concernés par le secteur des DM à risque élevé. Mais pour un grand nombre de personnes, leur intérêt pour les DM provient souvent des risques de leur usage, tels que rapportés par la presse écrite, comme par exemple, « Metal Hip Replacements Under Scrutiny After New Recall » (Dakin 2012). Parfois aussi, on présente un DM à risque élevé comme une « technologie miraculeuse », comme par exemple pour la Stimulation Cérébrale Profonde (SCP) : « Medical Miracles: Astonishing Stories of Patients Who Cheated Death or Permanent Disability, and the Physicians Who Saved Their Lives » (Mooney et Anthony 2012)10.

On ne peut passer sous silence le cas d’une technologie de santé présentée par les promoteurs de Quantum Clinic comme une avancée majeure, capable de traiter efficacement, entre autres, la dépression et les allergies, et de réduire le cholestérol (Zarabi-Smith 2001). Fabriqué en Hongrie, cet appareil était importé aux États-Unis depuis le début des années 2000. En fin de compte, cette « merveille » s’est révélée un leurre et, en 2007, le Seattle Times annonçait que la Food and Drug Administration (FDA) venait d’interdire son importation parce que l’appareil finalement ne visait qu’à profiter de la naïveté des personnes (Willmsen et Berens 2007). Enfin, on ne compte plus le nombre d’événements rapportés dans la presse mettant en

10 Souvent, ces annonces négligent de mentionner les risques associés à ce type de technologies, les effets

secondaires possibles, les coûts associés à leur utilisation, et surtout les critères d’accessibilité (Dubljević et al 2014)

faute certains manufacturiers, comme le cas de l’implant mammaire PIP: « PIP Breast Implants: Cosmetic Surgery Industry Review in Wake of Scandal » (Johnson 2012) et « Lawsuit Hits Marketing by Medtronic » (Burton 2010). Quoique nous n’ayons pas réalisé une analyse de la presse écrite concernant des DM, ces exemples anecdotiques illustrent comment les citoyens sont souvent d’abord informés quant aux bénéfices et risques potentiels concernant ces technologies de santé.

En fait, parce qu’elles sont sensibilisées d’abord aux pratiques réglementaires associées à l’usage d’un médicament, ces personnes peuvent imaginer que le processus d’évaluation et d’approbation de mise en marché des DM est tout aussi rigoureux que pour les médicaments. Or, malgré les exigences de la réglementation, la littérature témoigne de nombreux exemples qui démontrent que la mise en marché et l’usage de certains produits peut comporter des risques importants pour les patients, soit parce qu’un DM peut se révéler défectueux (ex. : les prothèses de hanche ASR, de Johnson & Johnson (Cohen 2013)), ou un dosage inadéquat est recommandé dans le cas d’un médicament, ou encore parce que leurs bénéfices et leur efficacité restent à prouver è moyen et long termes. Mais, contrairement au processus réglementaire de l’industrie pharmaceutique dont la littérature traite abondamment, l’intérêt de la communauté scientifique est relativement récent pour ce qui concerne les problèmes associés à l’industrie des DM.

Dans un premier temps, il est donc important de nous familiariser avec les exigences des processus réglementaires touchant les approbations de mise en marché des DM, pour identifier certains problèmes et proposer des moyens pour améliorer les pratiques. Mais surtout, il nous est apparu important de faire ressortir les enjeux socio-éthiques associés aux pratiques réglementaires concernant le DM à risque élevé, à savoir quant au mode d’évaluation avant mise en marché et leur suivi après mise en marché. Nous avons constaté qu’au moment de l’évaluation avant mise en marché, il arrive que malgré l’absence de données probantes robustes, une approbation de mise en marché soit consentie en faveur des manufacturiers, au risque d’entraîner les nombreux rappels observés depuis cinq ans (Zuckerman et al 2011). Des DM qui se révèlent défectueux et parfois inefficaces sont une source d’effets secondaires importants pour la santé des patients, viennent miner la confiance du public et de la

communauté médicale tant pour ce qui concerne le rôle des agences réglementaires que des manufacturiers. Ce sont là des défis qui, tant en recherche qu’en pratique clinique, interpellent des principes tels que le consentement éclairé, la bienfaisance et la non-malfaisance. Le respect de ces principes est essentiel à une prise de décision éclairée des patients et des professionnels de la santé, des cliniciens-chercheurs, plus particulièrement lorsque l’usage d’un DM à risque élevé est envisagé. On pense, entre autres, à l’utilisation des cardiodéfibrillateurs et aux systèmes de Stimulation du Nerf Vague (SNV) et de SCP, en raison des effets secondaires, parfois importants, d’un usage à plus ou moins long terme.

Par ailleurs, ces DM à risque élevé sont souvent relativement dispendieux dans les systèmes de soins de santé publics, comme au Canada, leurs coûts sont généralement défrayés partiellement ou entièrement par l’assurance publique gérée par les états/provinces). Mais, il arrive qu’ils soient aussi assumés directement par les patients, lorsqu’ils choisissent d’avoir recours à des cliniques privées ; il ne nous a pas été possible d’identifier des compagnies d’assurance-santé privée au Canada qui couvrent les frais de ces technologies. Par ailleurs, dans les pays où les systèmes de santé sont entièrement privés ou semi-privés, des compagnies d’assurance peuvent restreindre l’usage de ces types de technologies à des conditions de santé particulières. Par exemple, aux États-Unis, tant les compagnies d’assurance que les programmes publics de Medicare et Medicaid limitent l’implantation du système de SNV aux personnes souffrant d’épilepsie réfractaire à la médication, alors que pourtant la FDA a approuvé cette technologie pour le traitement de la dépression sévère. Bien que Santé Canada ait approuvé le système de SCP pour le traitement de l’épilepsie réfractaire à la médication, les systèmes de santé provinciaux, d’une part limitent à chaque année le nombre d’appareils disponibles et, d’autre part, ne consentent à couvrir les frais de cette procédure qu’à la maladie de Parkinson, le tremblement essentiel et la dystonie. L’absence de données démontrant les bénéfices d’un DM à risque élevé pour une nouvelle indication est habituellement le motif invoqué pour refuser son admissibilité au remboursement public ou privé (Chambers et Bowens 2013).

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A SITUATION AU NIVEAU DES PROCESSUS ET DES PRATIQUES DE REGLEMENTATION