• Aucun résultat trouvé

L’évaluation6 d’une technologie de santé (ÉTS) a pour but d’examiner l’ensemble des éléments touchant l’usage d’une technologie de santé pour un usage précis: ses coûts (ex. : pour les patients et les assureurs publics ou privés); l’épidémiologie rattachée à un usage élargi au sein d’une population de patients potentiels; les bénéfices (cliniques) pour les patients (évaluation réalisée à partir d’une méta-analyse importante des résultats publiés); les retombées sur le système de santé (ex. : impact sur l’utilisation d’autres services); les enjeux socio-éthiques associés à son usage (ex. : équité en matière d’accès aux soins); les aspects légaux et organisationnels spécifiques à cet usage. Un exercice d’ÉTS impose d’analyser les rapports coûts-efficacité d’une technologie (d’un médicament ou d’un programme de santé), pour déterminer son impact sur les systèmes de santé et de déposer des avis auprès des décideurs publics pour recommander (ou non) son admissibilité au remboursement public (ou privé). Les agences d’ÉTS constituent des acteurs importants associés aux processus de réglementation en présentant aux décideurs publics des avis basés sur des données probantes quant à l’efficacité clinique et la rentabilité des technologies de santé; elles jouent aussi un rôle important auprès des décideurs publics concernant l’inscription d’une technologie de santé sur la liste des produits admissibles à un remboursement (Sorenson et al 2008).

Mais l’exercice d’évaluation d’un DM n’est souvent pas réalisé immédiatement après que les autorités réglementaires aient approuvé sa mise en marché. En fait, on a constaté que fréquemment cet exercice était réalisé plusieurs années après la mise en marché d’une nouvelle technologie alors que son usage est souvent devenu une pratique clinique courante.

6 Pour distinguer cette évaluation de celle réalisée par les autorités réglementaires, nous la désignerons sous

La SCP représente un exemple de cet état de fait. Mise en marché en Europe, au Canada et en Australie à la fin des années 1990, les premiers exercices d’ÉTS ont été réalisés seulement dans les années 2000: en Australie (Australia Medical Services Advisory Committee 2001 et 2006), en France (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en santé 2002), au Royaume-Uni (National Institute for Clinical Excellence (NICE 2003) et au Canada (Ontario Medical Advisory Secretariat 2005).

Au plan de la santé publique, l’accessibilité à certains DM devrait viser des objectifs d’équité sans mettre en péril les principes d’autonomie et de bienfaisance pour les patients (avoir accès aux meilleurs soins disponibles) et pour les professionnels de la santé (proposer à leurs patients les meilleurs soins disponibles) (Sereni 2004). Mais, face à la croissance des coûts dans les systèmes de santé, il peut devenir difficile d’assurer la disponibilité de dispositifs médicaux adéquats à un prix abordable. Il n’existe pas pour les DM un programme identique à celui du Programme Commun d’Évaluation des Médicaments (PCEM) sous ordonnance, un programme d’envergure pancanadienne qui relève de l’Association Canadienne des médicaments et des Technologies de Santé (ACMTS) et qui a pour mandat d’examiner avec objectivité et rigueur l’efficacité et la rentabilité de médicaments et les observations de patients à leur sujet (ACMTS 2014).7

Mais pour un patient, entre la nécessité d’avoir accès à un DM à risque élevé et la capacité d’y avoir accès, il peut y avoir un écart engendré par certaines limites (financières) ou contraintes (en ressources humaines et scientifiques) – voire organisationnelles (ressources physiques) – auxquelles sont confrontés presque tous les systèmes de santé. Par exemple, les résidents de l’Île-du-Prince-Édouard ne peuvent avoir accès à la SCP parce qu’il n’existe aucun centre

7 Chaque médicament examiné à l’intérieur de ce programme fait l’objet de recommandations aux régimes

d’assurances publics au Canada (à l’exception de celui du Québec) quant à leur inscription sur la liste des médicaments assurés. Au Québec, l’évaluation des médicaments (et autres technologies et programmes de santé) relève de l’Institut National d’Excellence en Santé et en Services Sociaux (INESSS); l’Institut évalue notamment les avantages cliniques et leurs coûts et il émet des recommandations quant à leur adoption, leur utilisation ou leur couverture par le régime public québécois (INESSS 2014).

accrédité8 dans cette province pour pratiquer la procédure. Aux États-Unis, l’implantation d’un système de SNV a été approuvée par la FDA pour le traitement de la dépression sévère; or les programmes d’assurance publique des états, c.-à-d. Medicare et Medicaid, refusent de couvrir les frais de cette procédure pour traiter la dépression sévère (Centers for Medicare and Medicaid Services 2007). Le fait que des autorités réglementaires approuvent la mise en marché d’un DM pour le traitement d’une maladie ne garantit donc pas aux patients qui en auraient besoin qu’ils pourront y avoir accès.

Selon certains auteurs (Grünwald 2000; Gallo 2004), les pratiques d’ÉTS devraient viser principalement l’examen des rapports coûts-bénéfices; mais nous partageons les inquiétudes de ceux qui soulignent la faible place souvent accordée à l’examen des enjeux socio-éthiques et organisationnels (Heitman 1998; Lehoux et William-Jones 2007; Hofmann 2008). Étant donné que les avis et recommandations des agences d’ÉTS sont destinés aux décideurs publics, une prépondérance des recommandations fondées sur un rapport coûts-efficacité risque de faire perdre de vue des principes éthiques fondamentaux tels que l’autonomie des patients et celle des professionnels de la santé, la vulnérabilité des patients en quête d’une meilleure qualité de vie ou confrontés aux symptômes d’une maladie invalidante, l’équité pour les patients par rapport aux besoins de la collectivité.

Cependant, eu égard aux caractères particuliers des DM à risque élevé, leurs coûts et leur complexité, il est important d’examiner la nature des enjeux éthiques associés à leur usage et leur diffusion dans les systèmes de santé. Les études cliniques menées dans un premier temps pour vérifier l’innocuité et les bénéfices d’un nouveau DM en vue de son approbation ne visent pas à garantir l’absence absolue de tout risque. Il demeure des risques résiduels qui peuvent provenir d’un usage à long terme et que seulement de nouvelles données scientifiques pourront expliquer. Les effets de ces risques peuvent avoir des impacts importants pour un système de santé. Par exemple, il est facile d’imaginer les coûts engendrés par les systèmes de

8 Compte tenu des expertises humaines requises et de la nature des équipements hautement sophistiqués

nécessaires pour réaliser la procédure, la SCP doit être pratiquée dans des centres hospitaliers expressément accrédités pour les fins de la procédure. Les seules provinces qui disposent des ressources adéquates sont la Nouvelle-Écosse, le Québec, l’Ontario, l’Alberta, le Manitoba et la Colombie-Britannique.

santé des nombreux pays après qu’ils eurent accepté de couvrir les frais d’explantation des implants mammaires PIP (Poly-Implant-Prothèse) défectueux. On estime à 300 000 le nombre de femmes implantées à travers le monde (BBC News Health 2013).

Chaque nouvelle technologie médicale est en soi porteuse d’incertitude. À cet égard, il convient de reconnaître que des mesures de gestion des risques doivent être considérées. Les autorités réglementaires, tout autant que les décideurs publics ou les professionnels de la santé portent une responsabilité qui s’inscrit dans le respect des patients, notamment : les droits des patients à des soins et des produits de santé qui visent à assurer leur bien-être et améliorer leur état physique, et qui sont offerts dans le respect de leur autonomie et sans crainte de discrimination.

Une place pour l’éthique dans l’évaluation et la mise en marché des dispositifs