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La pollution chimique de l’air intérieur : de la genèse aux effets sanitaires

I.1 Qualité de l’air intérieur

I.2.1 Sources dans l’air intérieur

I.2.1.2 Sources discontinues

Les activités humaines telles que le tabagisme, la cuisson des aliments, les activités de bricolage, les activités d’entretien ou le nettoyage des vêtements rapportés du pressing sont des sources de nombreux polluants. Les émissions de nicotine, NO2, aldéhydes et COV par ces activités seront ici

détaillées.

Combustions

L’énergie de combustion utilisée pour le chauffage ou la cuisson des aliments peut affecter la qualité de l’air intérieur.

Combustion du bois, de biomasse

De nombreux polluants tels que des particules, du monoxyde de carbone, des COV, des aldéhydes peuvent être émis[44]. Les émissions en composés peuvent varier d’un facteur 100 selon

le type d’appareil utilisé (brûleur catalytique ou non), la nature du bois (dur ou résineux), la quantité de bois brûlée, le taux d’humidité du bois. Les composés carbonylés (C2–C12) représentent

10–18 % des émissions de composés organiques provenant de la combustion de bois en milieu domestique[44]. Le formaldéhyde, l’acétaldéhyde et l’acroléine sont les aldéhydes majoritairement

émis avec des facteurs d’émission moyens de respectivement 422, 86,3 et 15,7 mg.kg-1de bois de

bouleau. Les émissions du benzaldéhyde, du propionaldéhyde, du butyraldéhyde, du pentanal sont plus faibles, respectivement : 12,2, 7,6, 1,5, 1,1 mg.kg-1de bois de bouleau[44]. Des facteurs

d’émission comparables ont été obtenus pour un mélange de bois brûlés (chêne, pin, bouleau et bois de coton) dans des poêles à bois ; cependant les facteurs sont entre 10 à 30 fois plus élevés pour le propionaldéhyde et le butyraldéhyde[45]. Une étude s’intéressant à la combustion de bois

de chêne, de pin et d’eucalyptus dans des cheminées indique que les facteurs d’émissions les plus élevés sont obtenus avec le bois de pin et sont de 1 704 mg.kg-1pour l’acétaldéhyde, 1 165 mg.kg-1

pour le formaldéhyde, 418 mg.kg-1pour l’hexanal, 255 mg.kg-1pour le propionaldéhyde, 96 mg.kg-1

pour le butyraldéhyde et 63 mg.kg-1pour l’acroléine[46]. Pour les COV, le benzène, le toluène

et les xylènes sont largement émis par la combustion du bois[44–46], le benzène représentant

60 % des hydrocarbures monoaromatiques émis par le bois de pin avec un facteur d’émission de 383 mg.kg-1[46]. Aucune relation entre les niveaux en NO

2et le chauffage au bois n’a été identifiée

dans les 49 logements canadiens enquêtés[47]. Dans les logements irlandais et écossais, les niveaux

en NO2 sont plus faibles si la tourbe ou le bois sont utilisés par rapport au gaz, les niveaux

I.2.1. Sources dans l’air intérieur 17

Combustion au gaz, au fioul, au kérozène

La source la plus importante de NO2 à l’intérieur des logements est l’utilisation d’appareils

fonctionnant au gaz (cuisinière, four, appareils de chauffage ou chauffe-eau). Les concentrations émises par les cuisinières au gaz sont 2 à 5 fois plus élevées que celles des cuisinières électriques. Des pics pouvant atteindre 1 000–2 000 µg.m-3ont été documentés dans des cuisines équipées de

cuisinières à gaz. Le kérozène aussi utilisé pour le chauffage d’appoint est une source importante de NO2, plus importante que le propane liquide. En Australie, les chaudières fonctionnant au gaz

ou des chaudières au fioul sont largement utilisées. Les émissions en COV sont faibles et celles en NO2et formaldéhyde sont respectivement inférieures à 4,1 ng.J-1et 2,5 ng.J-1. Les quantités émises

sont plus importantes en cas de dysfonctionnement des appareils[49].

Cuisson des aliments

Lors de la cuisson des aliments, les fritures émettent de nombreux aldéhydes, tels que l’acétaldé- hyde et l’acroléine, dus à l’oxydation de l’huile. En Chine, divers types d’énergie de cuisson utilisés par différents appareils en milieu rural et urbain ont été considérés et jusqu’à 54 hydrocarbures ont été identifiés. La plupart des composés émis sont des composés insaturés comme le benzène[50].

Plusieurs tests ont été réalisés pour étudier les émissions lors de la cuisson des aliments dans des logements californiens. Les taux d’aldéhydes (formaldéhyde et acétaldéhyde) les plus élevés sont obtenus au cours de grillades de poisson au four ; ces émissions ne diffèrent pas entre les appareils fonctionnant à l’électricité ou au gaz (48 et 59,5 mg.h-1pour le formaldéhyde, 34,7 et 50,0 mg.h-1

pour l’acétaldéhyde). Des émissions plus faibles sont décrites lors de la cuisson du porc dans des fours à gaz (6,9–10,5 mg.h-1et 3,9 mg.h-1pour le formaldéhyde et l’acétaldéhyde). Pour le NO

2,

les niveaux augmentent avec les activités de cuisson utilisant le gaz et atteignent en moyenne 752 µg.m-3lors de la friture de poulet et pour les autres activités de cuisson (lasagnes, friture de

poisson, tortillas, etc.), les niveaux oscillent entre 56,4 et 319,6 µg.m-3. Enfin, lors du cycle de

nettoyage automatique du four, des niveaux élevés en formaldéhyde et en acétaldéhyde sont obser- vés, 417 µg.m-3et 434 µg.m-3. Pour le pentanal, le propionaldéhyde, l’hexanal, le butyraldéhyde

et le benzaldéhyde, les niveaux sont respectivement de 145,7, 144,3, 131,3, 72,4 et 16,1 µg.m-3.

Concernant le NO2, des niveaux supérieurs à 752 µg.m-3ont pu être détectés. Ces niveaux sont

plus faibles pour les appareils électriques[51].

Tabagisme

La FTE est une source importante de pollution intérieure. Parmi les 4 000 espèces chimiques identifiées, les aromatiques monocycliques (benzène, toluène, styrène et xylènes) et les aldéhydes (formaldéhyde, acétaldéhyde, acroléine) sont retrouvés. Plusieurs études ont permis de quantifier les émissions des composés présents dans la fumée principale et secondaire (fumée dégagée par l’extrémité libre de la cigarette et celle exhalée par le fumeur).

En conditions expérimentales, la teneur de formaldéhyde dans la fumée principale oscille entre 11 et 128 µg par cigarette (pour 20 marques de cigarettes testées), avec une moyenne de 53 µg par cigarette ; alors que dans la fumée secondaire, les niveaux s’échelonnent entre 327 et 440 µg par cigarette (pour 5 marques de cigarettes testées), avec une moyenne de 367 µg par cigarette. Même si la combustion d’une cigarette est très émettrice de formaldéhyde, le polluant majoritaire est l’acétaldéhyde. Les émissions moyennes en composés chimiques de cigarettes commercialisées sont présentées dans le Tableau V. Dans le courant principal, les niveaux de butyraldéhyde oscillent entre 88,6 et 928,3 µg par cigarette et les niveaux d’hexanal entre 102 et 380,9 µg par cigarette[52].

Bougies, parfums d’intérieur et encens

Traditionnellement utilisé dans la vie courante et les pratiques religieuses de nombreux pays d’Extrême Orient, l’encens s’est aussi fait une place dans les logements en Occident. Il est produit avec de nombreuses substances, telles que les résines (comme la myrrhe), les épices, le bois, l’écorce aromatique, les herbes, les graines, les racines, les fleurs, les huiles essentielles et les huiles de synthèse[56]. Il existe sous différentes variétés et formes (cônes, bâtons, etc.). L’encens est une

18 Émission et sources des composés chimiques

Tableau V – Facteurs d’émission moyens des principaux composés chimiques issues de la fumée de tabac, d’après Baek et coll.[53], Hodgson et coll.[54], Martin et coll.[55]

Composé chimique Facteur d’émission (µg par cigarette)

Nicotine 552–816 Acétaldéhyde 2 382–2 496 Formaldéhyde 1 206–1 333 Benzène 269–410 Éthylbenzène 78–107 Toluène 498–660 m,p-xylènes 238–300 o-xylène 59–67 Styrène 94–147

source considérable de composés chimiques. Plusieurs études, principalement en Asie, se sont intéressées à l’identification des composés émis et aux quantités émises[57,58]. Récemment, en

France, une méthodologie de caractérisation des émissions en benzène et formaldéhyde a été proposée[59]. Par ailleurs, l’Agence de protection de l’environnement du Danemark a évalué les

COV émis par 6 bâtons ou cônes d’encens et a ainsi modélisé, les concentrations maximales dans une pièce de 20 m3, avec un taux de renouvellement d’air de 0,5 h-1(Tableau VI)[60].

Tableau VI – Facteurs d’émission des aldéhydes et COV par des bâtons et des cônes d’encens, d’après Eggert et coll.[60]

Composé chimique (µg.unitéÉmission-1) Concentration modélisée(µg.m-3)

Formaldéhyde 1 266–5 922 49–210 Acétaldéhyde 1 070–4 480 46–141 Acroléine 330–1 390 15–606 Benzène 266–7 451 11–281 Styrène 69–582 3–21 Toluène 236–1 252 9–47 Xylènes 81–425 3–16

Les profils des composés émis varient selon la variété d’encens. Ainsi, parmi dix variétés d’encens commercialisés à Hong-Kong en provenance d’Asie, d’Europe, d’Inde ou d’Afrique, des émissions en NO2oscillant entre 0,1 et 1,6 mg.h-1ont été relevées ; les COV étaient plus largement émis par

les encens aromatisés alors que les aldéhydes l’étaient davantage par les encens traditionnels[58].

Des variations temporelles des niveaux sont observées[58,59], les émissions étant généralement

plus importantes pendant la combustion, les niveaux en NO2peuvant atteindre 85,9 µg.m-3[58].

Des niveaux aussi plus élevés pendant la combustion ont été rapportés pour le formaldéhyde, le butyraldéhyde, le pentanal, le benzène, le toluène, l’éthylbenzène, le m,p-xylène et l’o-xylène. Pour d’autres composés, notamment l’acétaldéhyde et le propionaldéhyde, aucune variation des niveaux n’est constatée[58]. Le formaldéhyde est le carbonyle le plus émis pendant la combustion, suivi par

l’acétaldéhyde et l’acroléine[57]. Les niveaux de benzène et de formaldéhyde restent importants

dans l’heure suivant la combustion, puis les émissions diminuent significativement sous l’effet du renouvellement d’air.

Par ailleurs, plus la masse de produit brûlée est faible, plus les concentrations des composés sont faibles. Ainsi, un changement de formulation d’un bâton d’encens (masse brûlée de 0,45 g en 31 minutes contre 1,25 g en 64 minutes) conduit à une réduction d’un facteur 4 à 5 des concentrations de benzène et de formaldéhyde. Pour l’acétaldéhyde et le benzaldéhyde, une réduction des émissions est aussi constatée[59].

I.2.1. Sources dans l’air intérieur 19

à celles des encens. De plus, une légère augmentation des concentrations de formaldéhyde a été observée après la combustion, traduisant vraisemblablement des phénomènes de réactivité chimique, notamment avec l’O3[59].

Activités d’entretien et de bricolage

Produits de consommation : nettoyants et produits d’entretien

Les produits de consommation courante sont probablement les sources les plus variées et les moins connues de composés chimiques. Ce champ large se limitera ici aux produits d’entretien et aux désodorisants.

En l’absence d’informations fournies sur les émissions des désodorisants, le Bureau européen des unions de consommateurs a entrepris une étude pour quantifier cette pollution mais les auteurs ne renseignent pas le taux de ventilation des locaux[61]. Depuis et pour pallier le défaut de

données d’émission en conditions contrôlées, des campagnes de tests d’émissions sont lancées et encouragées par le comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux de la Commission européenne[62].

Les produits d’entretien et désodorisants, utilisés couramment dans nos habitats, libèrent pendant, et parfois même après leur utilisation, des composés chimiques tels que les terpènes et leurs dérivés utilisés comme parfums. L’importance des terpènes émis par ces produits et leur action avec l’O3pour produire des composés carbonylés seront traitées dans la partie portant sur

les sources secondaires (Partie I.2.1.3).

Désodorisants et aérosols

De nos jours, les désodorisants d’intérieur sont largement employés dans les pays industrialisés pour lutter contre la pollution olfactive. Ils sont utilisés pour masquer les mauvaises odeurs, soit en les absorbant, soit en les couvrant au moyen d’une substance chimique ou d’un produit parfumé. Ainsi, les produits qu’ils peuvent émettre s’ajoutent aux substances déjà présentes. Qu’ils soient sous forme liquide ou solide, de diffuseur électrique ou de vaporisateur, les désodorisants d’ambiance ont tous une composition riche en COV. La composition de ces derniers a évolué au cours du temps et si des niveaux importants en p-dichlorobenzène ont pu être émis, ces désodorisants sont désormais appauvris en composés halogénés. Les aliphatiques, décane et undécane, ont aussi été détectés dans les désodorisants intérieurs.

L’évolution temporelle des émissions est très variable d’un produit à l’autre. Pour 7 désodo- risants en gel testés en chambre expérimentale, les taux d’émission des composés majoritaires après le limonène oscillent, par ordre décroissant, entre 18 et 570 µg.h-1pour le m,p-xylène, 17,5

et 366 µg.h-1pour le toluène, 7,5 et 160 µg.h-1pour l’éthylbenzène et 0,12 et 8,5 µg.h-1pour le

benzène[63].

Nettoyants et produits d’entretien

De nombreux nettoyants sont employés pour les revêtements au sol et le mobilier. Suite à une investigation sur plus d’une centaine de produits d’entretien, le m-xylène a été retrouvé dans 33 % des produits testés[64]. Pour les nettoyants du sol, les principaux composés détectés sont

les aliphatiques et les aromatiques[64]. Les produits d’entretien testés par le CSTB émettent du

formaldéhyde, avec une concentration maximum de 12,0 µg.m-3et une tendance à l’augmentation

des niveaux après l’utilisation des produits. Les produits de nettoyage des sols, produits nettoyants et détachants des moquettes émettent tous du formaldéhyde à des concentrations stables, de l’ordre de 5 – 10 µg.m-3. Si pour l’une des lingettes au sol testée, les émissions étaient faibles,

des émissions en formaldéhyde très élevées pour une autre ont été rapportées : 1 250 µg.m-3une

demi-heure après son utilisation et 128 µg.m-3entre une heure et demie et deux heures suivant

son utilisation. Cette lingette est commercialisée comme étant un produit « antibactérien », ce qui pourrait expliquer les niveaux élevés de formaldéhyde, souvent rajouté dans de nombreuses formulations de produits pour ses propriétés bactéricides[29].

20 Émission et sources des composés chimiques

Cires

Les composés organiques émis par les cires sont nombreux et variables. Lorsque de la cire est appliquée, des niveaux élevés de COV sont émis, des facteurs d’émission de 1,0.106à 9,4.107 µg.m-2

ont été signalés. Le cirage des chaussures produit notamment des niveaux élevés de toluène, de benzène, de m,p-xylène et d’o-xylène[65].

Bricolage

Le bricolage est à l’origine d’émissions d’un grand nombre de composés chimiques à cause de l’utilisation de différents produits tels que des colles, du vernis, des solvants, des peintures et des produits de consommation préalablement cités.

Équipements électroniques

Les équipements électriques ou électroniques (téléviseurs, ordinateurs, appareils audio-vidéo, etc.), composés de matériaux plastiques et synthétiques, sont aussi des sources de COV. Ainsi pour les téléviseurs, les taux d’émissions les plus élevés étaient obtenus pour le toluène. Des émissions en benzène ont aussi été rapportées. Les émissions diminuent au cours du temps et une baisse de 5 à 20 % des émissions initiales après 4 mois pour la plupart des composés émis était constatée, à l’exception du formaldéhyde pour lequel la décroissance des émissions est plus faible. Les moniteurs, tours d’ordinateurs ou magnétoscopes émettent aussi du toluène dont les taux décroissent avec le temps. Les émissions en formaldéhyde d’un ordinateur en fonctionnement sont de 9 µg.unité-1.h-1, neuf fois plus élevées qu’un ordinateur éteint[66]. L’Agence de protection de

l’environnement du Danemark a réalisé une synthèse bibliographique des émissions des appareils électriques et électroniques (Tableau VII)[67].

Tableau VII – Facteurs d’émission des COV par des appareils électriques, d’après Malmgren- Hansen et coll.[67] Produits Émissions (µg.h-1) CH2O C6H6 C9H12 C7H8 C8H8 C8H10 C2HCl3 C2Cl4 Téléviseurs : - neufs < 0,5-9,9 0,3-7,1 – 1-203 1-7,6 1,2-5,7 < 0,2-59 < 0,2-2,6 - après 4 mois < 0,5-6,6 < 0,1-1,2 – 0,2-6,4 < 0,1-1,1 0-7,5 < 0,2-19 < 0,2-1,1 Moniteurs neufs – – – 64-1 045 – – – – Moniteurs anciens† 1-35 Téléphones fixes – – – 4,7 – – – Baladeurs CD – – 5,5 – – – – – Magnétoscopes : - neufs 8,0-40 < 0,1-1,2 – 2,5-67 0,2-6,6 0,4-19 < 0,2-4,1 < 0,2-2,1 - après 4 mois 2,4-19 < 0,1-1,0 – 0,4-5,3 < 0,1-0,2 0,1-0,6 < 0,2-1,0 < 0,2-0,5

durée d’utilisation (en heures) avant mesure non précisée

CH2O : formaldéhyde, C6H6: benzène, C9H12: 1,2,4-triméthylbenzène, C7H8: toluène, C8H8: styrène

C8H10: xylènes, C2HCl3: trichloroéthylène, C2Cl4: tétrachloroéthylène